SECTION III: DEMONSTRATIONS
Les sections "science", "fiction" nous ont fourni une masse d'informations assez considérable. C'est le lieu et le moment d'assembler les pièces du puzzle, de sortir du labyrinthe, de résoudre les énigmes, de faire échec au roi des paradoxes!
Les caractéristiques du voyâge
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"Tant qu'à faire qu'à voyager dans le temps, autant que le temps soit beau", fait remarquer Raymond Devos dans l'un de ses sketchs. Tant qu'à faire qu'à voyager dans le temps, autant répondre aux questions cruciales suivantes: où, quand, combien de temps, comment voyager dans le temps. On se rend compte que ni les savants, ni les philosophes, ni les artistes ne répondent à "toutes" ces questions; chacun se contente d'apporter un élément de réponse, bien souvent évasif. A nous de faire le tour de la question.
préliminaire
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On peut être tenté de limiter l'analyse des implications de la possibilité de se déplacer dans le temps à l'hypothèse de la possibilité du voyage dans le futur car, à première vue, cette possibilité semble moins évidente que celle du voyage dans le passé. En effet, "il semble plus facile de concevoir que ce qui a déjà été soit encore, que ce qui n'a pas encore été soit déjà", selon la célèbre formule de Pascal cherchant à convaincre l'incrédule de la vérité de la Résurrection du Christ. Même si Jacques Goimard, dans sa présentation de l'anthologie de nouvelles sur le voyage dans le temps, écrit: "Nous commencerons par quelques voyages dans le futur. C'est ce qu'il y a de moins compliqué...". Il fait allusion aux paradoxes qui en découlent, pas à la possibilité même du voyage.
Mais pour Watzlawick, le voyage dans le passé semble plus paradoxal que dans le futur: "Minces sont les chances de voyager dans le futur. Quant à voyager dans le passé, c'est, comme nous l'allons voir, une tout autre histoire, dont les heurts avec notre sens commun et notre vision "normale" de la réalité sont encore plus étranges". "Une barrière se dresse, celle de la logique voulant qu'on ne puisse à la fois être ici ou ailleurs", complète Van Herp. D'ailleurs, pour Alain Saint Ogan et Camille Ducray dans Le voyageur immobile, L'atlante surgi du passé ne peut retourner à son époque, le retour en arrière imposant à un être de se trouver corporellement en deux endroits différents au même moment - ce qui est logiquement absurde.
Pourtant, on parle de manière intuitive de machine à "remonter" le temps.
En fait, le voyage dans le passé semble physiquement plus facile, mais il pose apparemment plus de problèmes logiques.
C'est aussi ce que semble vouloir dire Lewis Caroll dans Sylvie et Bruno: "Souvenez-vous de la montre carrée du professeur. Ceci est une montre étrangère... qui a cette propriété particulière de ne pas marcher avec le temps, mais le temps marche avec elle. La faire aller de l'avant, en avance dans le temps réel, est impossible; mais je puis la ramener en arrière de près d'un mois". Soit l'expérience de Brown
[1][1] amputée du voyage dans le futur, au grand soulagement de l'expérimentateur et de ses collègues, dont le cube n'est plus... amputé de ses manipulateurs, comme nous allons bientôt nous en rendre compte.
Où
Où aboutit-on lorsque l'on voyage dans le temps, lorsque l'on change d'époque? Libéré du temps, ne se retrouve-t-on pas prisonnier de l'espace? Où se trouvent les différentes époques? Où persistent-elles? Comment peuvent-elles durer sans être en mouvement? Peut-il exister une tension, celle qui anime chaque instant, qui ne soit pas prise dans le flux du temps?
Si le voyâge prend un temps différent pour chaque époque, elles se trouvent toutes au même endroit à des moments différents.
Si la distance entre les époques correspond à celle du calendrier, le voyâgeur doit subir la cryogénisation pour voyâger au-delà de son temps d'existence; mais au bout du compte, c'est comme si le voyâge était instantané, puisque le voyâgeur peut revenir exactement au moment de son départ.
Si le voyâge prend le même temps pour chaque époque, les époques se trouvent toutes en même temps, simultanées, contemporaines dans un hyperespace, un méta-univers. Mais cela signifie que nous sommes nous-mêmes dans l'hyperespace, que notre univers est dans un hyperespace plus vaste.
Si le voyâgeur y a accès, c'est qu'il existe une liaison entre son époque et toutes les autres.
Le point de vue de l'hyperespace, c'est celui de l'Eternité chez Asimov.
Mais cela ne nous donne pas un point de REPERE précis qui nous permette de nous orienter. En admettant que nous disposions du MOYEN d'accéder à une époque du passé ou du futur, un trou de ver ou une technique de dématérialisation, il nous faut encore définir l'IDENTITE des différents instants.
Ecoutons le témoignage du Wells d'Alexander: "Ce que j'ai découvert, c'est que passé et avenir existent tous deux en permanence dans notre univers, mais que notre conscience ne perçoit que le "maintenant" - peut-être parce qu'elle est conditionnée par l'impérieux besoin d'ordre de la nature. Les sphères - ou plans - temporels sont adjacents à celui dans lequel dans lequel nous nous trouvons et fonctionnent selon les lois de Gauss. Autrement dit, notre dimension temporelle est tout simplement un champ magnétique. Un tourbillon, si vous préférez. Mon idée a été de construire une machine capable de juxtaposer les champs d'énergie, créant une friction. Il en résulte un crescendo de réactions en chaîne qui hissent la machine, ou, littéralement, la font tourner sur elle-même de plus en plus vite, l'arrachant à une sphère temporelle pour la faire passer dans une autre. L'accélération maintient la machine et son occupant au-dessus de toutes les sphères temporelles, à l'état de vapeur. On peut ainsi gagner à volonté le passé ou l'avenir".
"Quand la rotation se fait vers l'ouest, on gagne des hiers. Quand elle se fait vers l'est, des lendemains".
"De petits hublots étaient encastrés tout autour pour permettre au voyageur de distinguer les événements historiques au beau milieu desquels il risquait d'atterrir. Mais, bien sûr, au rythme de deux années par minute, qui était sa vitesse de croisière, le "paysage" qu'apercevait le voyageur ne devait être qu'un vague brouillard de particules colorées...".
Siège et commandes gyroscopiques. Le voyage est invisible.
Lorsqu'ils font un bond de quelques jours dans le futur, Wells et Amy découvrent dans un journal qu'Amy sera assassinée par Stephenson.
"Amy, tu ne vas pas mourir. Le libre arbitre existe. Et j'ai déjà modifié l'avenir une fois en venant ici à bord de ma machine et en te rencontrant". Malgré cette belle promesse, Wells ne modifiera pas le cours des événements, et si Amy survit, c'est parce que Stephenson a en réalité tué une amie d'Amy venue lui rendre visite, et si bien charcutée par son bourreau chirurgien qu'elle était méconnaissable au point d'être confondue avec Amy. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir développé des arguments puissants: "L'ensemble de sa méthode reposait sur une conception fondamentale de la quatrième dimension comme une juxtaposition géométrique des différentes sphères temporelles. Le temps était permanent, dans l'univers; les événements ne cessaient de se reproduire encore et toujours, tout comme les atomes et les électrons ne cessaient jamais leur danse tourbillonnante. (S'il en allait autrement, si les événements avaient été temporaires -et non temporels - le voyage à travers le temps, vers l'avenir ou le passé, eût été absurde puisque le temps n'existant pas, on aurait voyagé dans rien.) Puisque le temps et les événements étaient permanents, comme les causes et les effets, Amy et lui étaient déjà morts, quelque part dans l'univers. Ce qu'ils avaient découvert dans l'avenir n'était qu'un vieil événement qui s'était déjà produit une infinité de fois... En empêchant Stephenson de commettre un meurtre, ils allaient jeter un caillou dans cette mythique mer de la tranquillité. Les ondes de surface parcourraient l'univers entier, modifiant tout sur leur chemin. Quand elles atteindraient aux rives de l'éternité, ces mêmes ondes seraient devenues un raz de marée qui emporterait à tout jamais les murailles de la prédestination. L'homme régnerait en maître suprême".
Notons que la conception d'un temps immobile d'Alexander, sphères fixes, s'oppose à celle de son modèle, Wells, pour qui le temps est mouvement.
Dans Timemaster, une fois franchie la porte temporelle, Jesse flotte au milieu de bulles gigantesques qui contiennent et représentent chacune un événement de l'histoire de l'humanité, et même de la préhistoire puisqu'il croise un tyrannosaure. C'est le grand mérite de ce film de donner sa réponse à la question: Où se trouvent donc les différents instants du temps passé et futur. Mais comme le fait remarquer le mentor de Jesse, "voyager d'une faille temporelle à l'autre, c'est voyager dans un labyrinthe. On ne va pas toujours où on veut".
"En modifiant un petit événement, on change tout le sens de l'histoire".
Avec J. Van Herp, on peut se demander si le voyâge ne risque pas de déboucher sur le vide à cause du mouvement des astres.
R. Rucker envisage le cas de figure inverse: "D'une manière ou d'une autre, le voyâge doit se faire en se déplaçant en dehors de l'espace-temps, dans une dimension supérieure, et mieux vaut le faire en mouvement, en se déplaçant légèrement avant et après le saut, pour éviter de "sauter dans un endroit occupé par notre propre passé", ce qui "pourrait bien provoquer une explosion assez déplaisante ".
La durée du voyâge
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La localisation des différentes époques dépend du temps que prend le voyâge. La question à se poser est donc: le voyâge prend-il du temps? Si oui, combien de temps?
S'il prend un temps différent pour chaque date, il doit prendre le temps du temps propre du voyâgeur.
Le temps minimum de voyâge est de
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soit le temps qui sera mis pour atteindre le passé ou le futur distant de
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Puisqu'une date différente prend un temps différent, une date plus éloignée prendra un temps de déplacement proportionnel à son éloignement.
Par conséquent, le temps de voyâge sera limité au temps de vie du voyâgeur, à moins de pratiquer la cryogénisation.
Si le déplacement prend le même temps pour chaque époque, ça veut dire que chaque époque est située à égale distance dans l'hyperespace par rapport à l'espace du voyâgeur, soit une infinité d'époques parallèles tout comme il peut passer une infinité de parallèles en un point.
Quel est ce temps de déplacement? Il semble ne pouvoir être que de
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En effet, s'il est supérieur, il interdit le déplacement vers un passé ou un futur éloigné de
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Si le déplacement ne prend pas de temps, il est instantané. Or il faut être bien conscient que l'instantanéité implique la simultanéité, c'est-à-dire que le voyâgeur, au moment de son départ, se trouve à la fois à l'époque de départ et à celle d'arrivée. Autrement dit, à cet instant, il se différencie dans l'espace, démultiplication avec un exemplaire dans l'espace contemporain et un exemplaire dans l'espace passé ou futur.
La question est: l'exemplaire de l'espace contemporain persiste-t-il ou disparaît-il après le déplacement? S'il doit disparaître, c'est le plus vite possible, soit après
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Logiquement, puisque le temps ne peut être découpé en deça, la vitesse du mouvement intensif est de
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Le philosophe David Lewis explique l'écart de temps entre le départ et l'arrivée du voyâgeur, par exemple mettre 10' pour voyâger de 5 siècles, par l'existence de deux types de temps: le temps personnel, ce que Asimov appelle le physio-temps, et le temps extérieur, le temps de l'histoire, ou plutôt de l'univers pris dans son mouvement d'inertie. Or, l'image du train pour figurer l'univers ne nous a-t-elle pas appris que le temps du train et celui de ses passagers étaient un seul et même temps?
Le déplacement
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Que signifie "se déplacer dans le temps"? Où est-on lorsque l'on s'extrait de l'espace?
Si le voyâge prend du temps, c'est disparaître absolument de son époque, c'est-à-dire n'être nulle part dans l'espace simultané de son époque, pour réapparaître dans une autre époque. En effet, si ce n'est pas le cas, on continue de participer du mouvement intensif, de l'inertie de l'univers auquel on appartient. C'est ce qui semble se produire dans le cas d'un déplacement instantané. Un objet qui se déplacerait de façon instantanée ferait toujours partie de l'univers dans lequel il évolue. L'instantanéité ne suffit donc pas à caractériser le déplacement dans le temps. Mais en tout cas, l'instantanéité semble se justifier par le fait que les différentes époques ne se trouvent pas "ailleurs" dans l'espace, mais dans l'hyperespace des mathématiciens et physiciens, c'est-à-dire nulle part selon notre conception de l'espace. Il n'y a pas de distance spatiale d'une époque à l'autre. Si le déplacement est instantané, ou s'il prend le temps minimum de Planck, 10-43s, les époques sont simultanées. Un déplacement qui prendrait du temps impliquerait une succession des époques. Si l'univers en tant que tout n'est nulle part, du moins de notre point de vue, c'est-à-dire du point de vue de son contenu, car il ne peut se référer à rien d'extérieur, il semble qu'il n'y ait pas de risque d'encombrement phénoménal. Le présent, transition entre ce qui n'est plus et ce qui n'est pas encore, n'est présent qu'à lui-même.
Si elle n'est nulle part et qu'elle est toujours ou jamais - pas de distance temporelle -, comment déterminer l'époque où l'on veut se rendre? Elle n'a pas d'identité absolue.
Si la disparition du voyâgeur de son époque correspond au passage dans un hyperespace, un méta-univers, une 4è dimension spatiale, un au-delà, un univers parallèle, il peut peut-être y avoir encombrement phénoménal. Dans tous les cas, nous ignorons comment déterminer notre destination. Ainsi, s'il est question pour le voyâgeur d'une disparition absolue, n'est-ce pas pour réapparaître forcément dans le futur, le monde ayant vieilli, ou dans le passé, comme en prenant un train en marche, soit avec plus ou moins de wagons de retard?
Evoquons la situation décrite dans la nouvelle "Experiment" de Fredric Brown. L'expérimentateur envoie un cube dans le futur. Le cube disparaît du présent de l'expérimentateur pour réapparaître cinq minutes plus tard. Selon le point de vue de l'expérimentateur, et par rapport à son temps propre, le cube "prend de l'avance". Mais comment concilier le fait que l'expérimentateur évolue "à son rythme" et que le cube évolue au même rythme mais cinq minutes plus tard? Pour que l'expérimentateur puisse le rattrapper, il faudrait que le cube soit immobile dans le temps pendant 5'. Si le réel est en mouvement, le cube attend suspendu dans le temps nulle part. Mais reste à savoir comment il sait que 5' sont passées pour réapparaître. Si tout instant est fixe, il n'y a pas de déplacement d'objet, mais un instant où il n'est pas là, un autre où il est à nouveau là, sans qu'aucun mouvement soit intervenu.
Le héros de Brown envoie aussi le cube dans le passé:
"Il est trois heures moins six, dit-il. Je vais mettre le mécanisme en route - je le ferai en plaçant le cube sur le plateau - en réglant à trois heures pile. Dans ces conditions, le cube doit, à trois heures moins cinq, disparaître de ma main et apparaître sur le plateau, cinq minutes avant que je l'y aie placé.
- Comment pouvez-vous y placer le cube, alors? demanda un des confrères.
- Quand ma main s'approchera, il disparaîtra du plateau, pour apparaître dans ma main afin que celle-ci l'y place. Trois heures. Veuillez observer, Messieurs.
Le cube disparut de la main du professeur Johnson. Et il apparut sur le plateau de la machine à traverser le temps".
Nous avons vu que dans leur nouvelle "La machine fantôme", les frères Bogdanoff proposent comme solution à cette situation inextricable, la démultiplication de l'univers.
Mais pour le mathématicien Rudy Rucker, cette situation ne présente pas de contradiction: "Il ne s'agit pas ici d'une contradiction, mais c'est pour le moins une situation étrange. Au début, on peut être tenté de croire que la petite machine à voyager dans le temps ne cesse de parcourir circulairement toute la boucle. Il ne faut pas succomber à cette tentation! Si nous adoptons le point de vue de l'espace-temps, nous devons écarter l'idée qu'il y a quelque chose de véritablement en mouvement... Il n'y a ici qu'une simple boucle circulaire, comme un cercle, sans commencement et sans fin". Mais il ne s'agit pas d'une répétition incessante du même événement, contrairement à ce que tente de faire croire le film "Un jour sans fin". Si c'était le cas, à chaque répétition de la journée, un clone du personnage devrait s'ajouter, à l'infini, comme c'est le cas dans la nouvelle "Du temps et des chats" de Howard Fast ou dans la nouvelle "Moi, moi et... moi" de William Tenn; la situation décrite dans "Un jour sans fin" n'est théoriquement pas possible, elle ne tient pas compte du phénomène de surimpression temporelle que nous étudierons plus loin. Le seul moyen d'échapper à cette surimpression, c'est de fixer la boucle dans le déterminisme absolu. Et s'il n'y a pas de mouvement, il n'y a forcément plus de répétition.
Outre le problème de la persistance des instants, apparaît celui de la dématérialisation complète du voyageur du temps. La question est: une chose ou une personne complètement dématérialisée peut-elle se "déplacer"? Si la réponse est non, ce sont les époques qui doivent se déplacer. Mais reste le problème de la "rematérialisation" du voyâgeur, et de sa rematérialisation à la "bonne" époque.
Ce que l'on peut prévoir, c'est que l'apparition du voyâgeur doit être soudaine et doit se faire dans un claquement, le voyageur du temps ayant franchi le mur du temps, comme le pilote d'avion à réaction franchit le mur du son.
Même s'il est précédé d'un déplacement dans l'espace, le déplacement dans le temps consiste en une extraction de tout espace.
Les sensations
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"Je crains de ne pouvoir exprimer les singulières sensations d'un voyage à travers le temps. Elles sont excessivement déplaisantes. On éprouve exactement la même chose que sur les montagnes russes, dans les foires: un irrésistible élan, tête baissée!". Si ce n'est que ça, on va se bousculer devant l'attraction. Mais "J'éprouvais aussi l'horrible pressentiment d'un écrasement inévitable et imminent", ce qui est plus fâcheux. C'est le témoignage du Wells d'Alexander dans C'était demain.
"... ainsi Ray Cummings avec Le maître du temps (1929) où se trouvent décrites de façon magistrale les impressions d'un voyageur qui voit se dérouler en quelques instants le travail des siècles".
Les machines
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De la folklorique machine en nickel et ivoire de Jarry aux trous de ver de la physique moderne.
Une des machines les plus intéressantes est celle de Henry Vernes. Sa conception est tout à fait différente de celle de Jarry puisqu'elle repose sur le principe de la transformation de la matière en ondes électromagnétiques, alors que la machine de Jarry ne peut pas être magnétique.
Mais, encore une fois, l'obstacle majeur au déplacement dans le temps est la "matérialité", autrement dit le temps. On peut donc se demander comment une machine, par définition matérielle, permettrait d'échapper à la matérialité. Sans parler du problème du démarrage de la machine dans une réalité "en mouvement", le mouvement intensif du temps. Problème qui ne se rencontre pas dans la situation d'une mise en mouvement dans l'espace, le démarrage d'un véhicule s'effectuant toujours d'un point "relativement" fixe - l'avion qui décolle d'un porte-avion en mouvement fait partie du mouvement d'inertie du porte-avion; de son point de vue, c'est comme si le porte-avion était immobile.
Les paradoxes
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Le plat de résistance de cet essai, le noeud gordien, l'équation au nombre inconnu d'inconnues, le dédale à l'issue hypothétique.
Temps ou voyage dans le temps
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La contradiction fondamentale concerne la possibilité même du voyâge. Il semble que temps et voyage dans le temps s'excluent mutuellement. Si le voyage dans le temps est possible, le temps n'existe plus car dénaturé. Et la métaphore de la ligne n'est pas pour rien dans cette dénaturation, c'est même probablement elle qui a donné du poids à cette idée de voyager dans le temps. La possibilité du voyage dans le temps tue le temps en rendant toutes les époques simultanées, autrement dit, la possibilité du voyage dans le temps implique la perte d'identité du temps - le temps perd ses repères; ce qui a pour conséquence paradoxale de rendre sans signification l'hypothèse de la possibilité d'un déplacement dans le temps.
Ce paradoxe est la vraie "mère des paradoxes", selon l'expression du physicien Krauss dans "La physique de Star Trek", mais Krauss désignait par là la réaction en chaîne temporelle qui provoque la destruction de la vie sur terre. Or, pour être détruit, la vie doit déjà exister, merci La Palice. Dans le cas qui nous occupe, l'univers n'a même pas la possibilité d'exister puisque la possibilité du déplacement dans le temps contredit son existence.
Le voyâge même
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Comme le suggère J. Van Herp, "Le tout premier paradoxe n'est-il pas le voyage dans le temps lui-même?", à partir du moment où l'on accepte la coexistence du temps et du voyage dans le temps. On pense au paradoxe du mouvement de Zénon: de la même façon qu'Achille démarre mais ne parvient jamais à rattrapper la Tortue, le voyâgeur quitte son époque mais n'atteint jamais sa destination.
Les frères Bogdanoff affirment que "Tout déplacement vers le passé est à l'origine d'un paradoxe, même si ce paradoxe n'est pas apparent". Ils auraient pu étendre l'observation au déplacement dans le futur puisque le futur, actuellement réalisé, comme nous l'avons vu et le verrons, est le passé d'un futur ultérieur.
Excès ou manque de matière
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En admettant que le déplacement dans le temps ne soit pas auto-contradictoire, se pose tout de même le problème de la simple présence d'un voyâgeur dans une autre époque que la sienne: elle provoque un paradoxe car elle ne respecte pas la loi de "conservation de l'énergie", et le paradoxe ne se limite pas à l'époque d'arrivée, où apparaît un excès de matière, mais concerne aussi l'époque d'origine, où le départ du voyâgeur laisse un trou symétrique.
Nous avons vu que Robert Silverberg propose une solution à ce problème: extraire de l'époque investie, pour la ramener à l'époque de départ, une masse ou une énergie équivalente à celle qui effectue le déplacement.
Néanmoins, cette situation n'est qu'une extension du problème plus général de la présence du même individu à deux endroits différents en même temps, et même à autant d'endroits différents qu'il effectue de sauts dans le temps. Concrètement, si nous avons découvert les restes d'un pharaon, comment peut-il se trouver bien vivant "ailleurs à un autre moment"? La présence d'un individu à une autre époque que la sienne constitue un anachronisme, une "faute contre la chronologie".
La sensibilité aux conditions initiales
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"Un battement d'ailes de papillon dans l'hémisphère nord peut provoquer un ouragan dans l'hémisphère sud", ont l'habitude de dire les météorologues pour illustrer la sensibilité d'un système à ses conditions initiales. Que dire d'un voyageur temporel, par sa simple présence, par sa seule respiration? Nous avons vu que sa simple présence provoque dans l'époque investie un supplément de matière, d'énergie; l'utilisation de cette énergie peut déclencher des bouleversements événementiels à long terme.
La simple présence du voyâgeur dans une autre époque est donc aussi un paradoxe parce qu'elle peut avoir une influence chaotique à long terme, ne fût-ce qu' à travers le simple souffle de la respiration du voyâgeur ou par le fait d'écraser un papillon, comme le fait Eckels dans "Un coup de tonnerre" de Bradbury. Soulignons le clin d'oeil de Bradbury, qui fait écraser par Eckels, son anti-héros, le papillon dont le battement d'ailes, pour les météorologues, peut provoquer un ouragan à l'autre bout de la terre. Avec Bradbury, ironie du sort, c'est l'incapacité du papillon à battre des ailes qui provoquera un ouragan temporel.
Les modifications volontaires
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Revenons au classique des classiques, "La machine à explorer le temps", et interrogeons-nous avec les amis du narrateur sur les subtilités du déplacement dans le temps. Le héros de Wells fait une démonstration avec un modèle réduit de sa machine. Lorsque la mini machine va dans le futur, pourquoi ne la voit-on pas au présent, évoluant le long de sa ligne d'univers? Et dans le passé, pourquoi ne l'ont-ils pas vue avant que le voyâgeur ne l'apporte dans la pièce? Un invité suggère que la machine se déplace peut-être si vite dans le temps qu'elle en devient invisible: "Nous ne pouvons pas plus voir ni apprécier cette machine que nous ne pouvons voir les rayons d'une roue lancée à toute vitesse ou un boulet lancé à travers l'espace. Si elle s'avance dans le Temps cinquante fois ou cent fois plus vite que nous, si elle parcourt une minute pendant que nous parcourons une seconde, l'impression produite sera naturellement un cinquantième ou un centième de ce qu'elle serait si la machine ne voyageait pas dans le temps. C'est bien évident".
Mais qu'en est-il quand le cube s'arrête?
Si on n'en a pas souvenir le lundi sur la table, comment, le mardi, pourrait-on l'envoyer à lundi? Et si, mardi, on va le déposer sur la table le mercredi, et que, de retour le mardi avec le cube, on le détruit, que se passe-t-il mercredi?
Le temps propre du cube se poursuivant, le cube est détruit dans son temps propre après avoir été dans le futur. Il apparaîtra donc subitement et disparaîtra subitement dans le futur. C'est après, seulement, qu'il sera détruit, mais dans le passé. Tout ceci dans un déterminisme absolu
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La rencontre avec soi-même
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Le degré d'évidence du paradoxe lié à la possibilité même du déplacement dans le temps augmente encore dans la situation du voyageur du temps qui se rencontre lui-même, et acquiert par là une connaissance de l'avenir qui ne cadre pas avec la progression normale du réel. Nous verrons que cette connaissance joue un rôle déterminant dans la manifestation de la "surimpression temporelle". Ecoutons Asimov qui a bien résumé la situation: "Prenez un cas plus vraisemblable et plus facilement analysable et considérons l'homme qui, dans ses voyages à travers le Temps, se rencontre lui-même, et les quatre possibilités dans lesquelles un tel acte peut se produire. Appelons le premier individu dans le physio-temps: A, et l'autre B. Première possibilité: A et B peuvent ne pas se voir et ne rien faire qui puisse les affecter mutuellement de façon significative. Dans ce cas, ils ne se sont pas réellement rencontrés et nous devons écarter ce cas comme ne présentant aucun intérêt. Ou B, le second individu, peut voir A alors que A ne voit pas B. Ici non plus, aucune conséquence sérieuse ne doit être envisagée. B voyant A, le voit dans une position et engagé dans une activité dont il a déjà connaissance. Rien de nouveau n'est impliqué. La troisième et la quatrième possibilités sont que A voit B, alors que B ne voit pas A, et que A et B se voient l'un l'autre. Dans chaque cas, le point important est que A a vu B; l'homme à un premier stade de son existence physiologique se voit lui-même à un stade ultérieur. Notons qu'il a appris qu'il sera vivant à l'âge apparent de B. Il sait qu'il vivra assez longtemps pour accomplir l'action dont il a été le témoin".
Jusque là, pas d'autre paradoxe qu'une démultiplication encombrante du voyageur, et une infraction à la loi de conservation de l'énergie, ce qui n'est déjà pas si mal.
"Maintenant, un homme connaissant son futur, même dans les moindres détails, peut agir suivant cette connaissance et, par conséquent, il change son futur. Il s'ensuit que la Réalité doit être changée de façon à ne pas permettre à A et B de se rencontrer ou, tout au moins, d'empêcher A de voir B. Alors, tant que rien ne peut être détecté dans une Réalité rendue non réelle, A n'a jamais rencontré B. De même, dans tout paradoxe apparent du voyage dans le Temps, la Réalité change toujours de façon à éviter le paradoxe et nous en arrivons à la conclusion qu'il n'y a pas de paradoxe dans le voyage dans le Temps et qu'il ne peut y en avoir aucun".
Mais il paraît difficile d'empêcher toute rencontre d'un voyâgeur avec lui-même. Les moyens de l'Eternité ne semblent pas être à notre portée. Et de toute façon, nous verrons que toute intervention d'un voyageur du temps crée une perturbation aussi radicale que celle que l'on rencontre dans le paradoxe du grand-père.
Surprise, surprise
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La rencontre d'un voyageur avec lui-même peut avoir d'autres implications paradoxales encore, si l'on n'y prend garde. Ainsi, contrairement à ce que nous laisse croire la réaction de Jennifer dans "Retour vers le futur", la version future du voyâgeur ne doit pas être surprise de se rencontrer elle-même, puisque cette rencontre fait partie de son passé. Par contre, le visité, à moins de manifester un flegme tout britannique, DOIT être surpris de se rencontrer lui-même.
Les actions incohérentes
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Dans le passé
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Dans "First Time Machine", de Fredric Brown, le docteur Grainger montre sa machine à trois amis. L'un d'eux l'utilise pour remonter soixante ans en arrière et tuer son grand-père, qu'il hait, alors que celui-ci n'est encore qu'un enfant. L'histoire se termine soixante ans plus tard avec le docteur Grainger présentant sa machine à "deux" amis.
C'est aussi l'issue que donne Barjavel à son récit "Le voyageur imprudent": Saint-Menoux est effacé de l'histoire. Mais nous avons vu que Barjavel a approndi la question dans un post-scriptum écrit quinze ans après la première édition de son roman:
"Il a tué son ancêtre?
Donc il n'existe pas.
Donc il n'a pas tué son ancêtre.
Donc il existe.
Donc il a tué son ancêtre.
Donc il n'existe pas..."
On ne pouvait mieux formuler le paradoxe provoqué par un acte incohérent dans le passé. Barjavel y a sans doute gagné l'éternité.
Principe de cohérence contre principe d'autonomie
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Apprécions l'humour du physicien K. Thorne, justifiant le remplacement de l'expression "paradoxe du grand-père" par l'expression "paradoxe du matricide": "La plus grande partie de la littérature de science-fiction utilise l'expression "paradoxe du grand-père" plutôt que "paradoxe du matricide". Probablement parce que les hommes chevaleresques qui dominent la profession d'écrivain de science-fiction se sentent plus à l'aise en repoussant le crime d'une génération et en prenant un homme pour victime". En effet, pourquoi remonter jusqu'au grand-père alors qu'il nous suffit d'aller éliminer notre mère avant qu'elle ne nous ait conçu? Mais il y a plus simple encore: il suffit de faire un bond de quelques minutes dans le passé et de nous tuer nous-même avant d'effectuer le bond.
Les physiciens Deutsch et Lockwood ont proposé une variante du paradoxe du grand-père: Sonia, une jeune fille, remonte dans le temps et provoque une rupture de ses grands-parents avant qu'ils ne se marient, la grand-mère pensant que son fiancé est fou lorsqu'il lui affirme qu'il a rencontré une voyageuse du temps: on aboutit à une impossibilité existentielle, comme c'est le cas pour Saint-Menoux. Mais si Sonia n'a pas le pouvoir d'agir selon sa propre volonté, c'est-à-dire si une force ou une volonté invisible l'empêche de séparer ses futurs grands-parents, son manque de libre-arbitre heurte le sens commun. Autrement dit, pour Deutsch et Lockwood, ne pas agir dans le passé peut aussi créer un paradoxe.
Selon eux, le paradoxe du matricide, variation du paradoxe du grand-père, repose en fait sur la violation d'un principe fondamental en science et pour le sens commun: le principe d'autonomie, soit la possibilité de faire dans son environnement immédiat tout ce qui est permis par les lois de la physique. Ce principe est violé par un autre, le principe de cohérence, selon lequel il faut que les configurations matérielles localement réalisables soient "globalement" autocohérentes. Selon ce principe, le monde extérieur pourrait déterminer nos actes locaux. Sonia peut revenir dans le passé mais doit respecter le cours du temps passé. Deutsch et Lockwood imaginent donc que le fait que Sonia révèle à son grand-père qu'elle vient du futur ne provoque pas la rupture entre ses grands-parents, car la grand-mère est compréhensive et prend pitié de son fiancé. Mais en faisant parler Sonia à son grand-père de la même façon que dans la version initiale, Deutsch et Lockwood la font agir avec libre-arbitre. C'est la grand-mère qui se conforme au principe de cohérence puisqu'elle épouse le futur grand-père de Sonia malgré qu'elle le croie fou. Pour plus de cohérence, Deutsch et Lockwood auraient dû faire taire Sonia; ils disent d'ailleurs: "Il faut que quelque chose empêche Sonia... de s'écarter du fil des événements qui se sont déjà produits". Nous aurons l'occasion de revenir sur cette interprétation.
Dans le futur
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Le Paradoxe du puzzle incomplet: dans "Cherchez le sculpteur", de Sam Mines, un homme de science construit sa machine à voyâger, va 500 ans dans le futur, y trouve une statue de lui qui rend hommage au premier voyageur dans le temps. Il la ramène à son époque, et elle est ensuite dressée en son honneur. Elle devait être érigée de son vivant, si bien qu'elle l'attendait dans le futur. Il devait aller dans le futur pour la ramener. Très bien! Mais quand et par qui a été réalisée la statue?
Une variante: le paradoxe du savoir anticipé ou paradoxe de la connaissance, que l'on trouve décrit dans "Comment fut découvert Morniel Mathaway", analysé par Michaël Dummett, philosophe à l'Université d'Oxford. Un critique d'art du futur montre à un peintre les photos de ses chef-d'oeuvre, qu'il n'a pas encore peints et qu'il va se contenter de recopier. Les photos existent parce que copiées sur les toiles, les toiles existent parce que copiées sur les photos.
Pour Deutsch et Lockwood, le paradoxe de la connaissance ne présente pas de contradiction, seulement une troublante création circulaire à partir de rien.
Deutsch a proposé une énigme du même calibre: le voyageur du temps va recopier dans le futur la découverte d'une physicienne spécialisée en Relativité, retourne dans son époque, a la future physicienne comme étudiante et lui fournit le document qu'il a ramené du futur, ou lui suggère la découverte qui la rendra célèbre. D'où vient donc cette découverte? A qui l'attribuer? A personne. En fait, il s'agit de l'argument du matricide à l'envers.
Asimov a lui aussi illustré le paradoxe de la causalité puisque le déplacement dans le temps a été inventé au 24è siècle sur la base d'équations qui ne seront élaborées qu'au 27è siècle, et qui ne pouvaient être dévelopées qu'en fonction de la réalité du déplacement dans le temps.
Cercle vicieux, boucle infernale
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Les paradoxes du puzzle incomplet et du savoir anticipé sont presque sublimés dans la "boucle infernale", selon l'expression de Christian Grenier, décrite par Heinlein dans "Vous, les zombies". Le héros remonte dans le passé, engrosse une jeune fille qui n'est autre que lui-même avant l'opération qui le fera changer de sexe. Le bébé issu de cette union sur-consanguine est transporté dans un passé un peu plus reculé encore pour justifier la naissance de l'héroïne-héros. Heinlein en avait-il consommé?
La faille de l'algorithme temporel d'Heinlein: la jeune fille existe avant de naître puisqu'elle se met au monde elle-même; la poule avant l'oeuf. C'est paradoxal dans un sens plus fort encore peut-être que le fait d'avoir été ensemencé par soi-même. L'existence de la jeune fille semble sortir de l'auto-boucle causale "papa-bébé".
Ce qui est extraordinaire, c'est que le philosophe David Lewis en vienne à considérer le raisonnement d'Heinlein comme un argument puissant en faveur de la possibilité de voyager dans le temps.
Heinlein, Fast, Wul, Dick, Béliard, Moorcock
Gammes
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Avant d'aborder la pièce de résistance de cet essai, soit l'étude et les tentatives de résolution des paradoxes liés au voyage dans le temps, il convient de répéter ses gammes, d'envisager toutes les possibilités ouvertes par cette perspective.
?
Disons que Cloc décide qu'à 10h, il ira se voir à 12h. Il arrive à 12h, ils sont deux, Cloc10 + Cloc10+2. Puis Cloc revient à...? Quand au fait? Il faut bien qu'il revienne en arrière pour atteindre 12h et voir surgir son double Cloc10. S'il revient à 10h, il se rencontre lui-même au moment du départ. Son départ et son retour sont simultanés. N'y aura-t-il pas court-circuit causal, temporel? S'il revient avant 10h, il se rencontre lui-même avant son départ. Dans ce cas, il serait de retour avant de partir. S'il revient après 10h, il y a un trou temporel entre 10h et l'heure de retour. Période pendant laquelle le héros n'existe pas dans son époque d'origine, mais en double dans celle d'arrivée. On peut imaginer une infinité de variantes plus subtiles les unes que les autres, mais quoi qu'il en soit, à son retour, le héros a connaissance de ce qui va lui arriver à 12h.
A 12h, il voit surgir le lui de 10h qui retournera à 10h05', qui a 12h verra surgir le lui de 10h qui retournera à 10h05'. Si cette boucle n'est pas définitivement fixée, comme le suggèrent Deutsch et Lockwood, cela veut dire qu'une infinité de héros parcourront la boucle du temps et s'en réchapperont. Il ne s'agit même pas de préserver le libre-arbitre, ici, mais le "mouvement" du temps.
On peut imaginer Cloc retourner aux premiers temps de l'univers, ou plutôt dans le vide absolu qui l'a précédé, et provoquer une explosion formidable qui met en route la création.
On peut imaginer Cloc s'engendrant lui-même après s'être fécondé, ou Cloc plus jeune que son fils.
On peut aussi imaginer Cloc se faire préfacer un ouvrage par Jésus, Pascal, Newton, Mozart, Shakespeare ou une célébrité du futur dont il aura écrit la biographie.
On peut imaginer que Cloc revienne infiniment au même endroit au même instant, ou même qu'une infinité d'individus reviennent au même endroit au même instant, générant un encombrement phénoménal.
Un seul et même paradoxe
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En conclusion, on peut dire que tous les paradoxes constituent un seul et même paradoxe.
Le paradoxe du matricide n'est qu'une extension des perturbations provoquées par la sensibilité d'un système à ses conditions initiales; peu importe que j'intervienne moi-même dans ma propre chaîne généalogique - ou chaîne causale de manière plus générale -, les conséquences seront identiques si c'est un autre que moi qui tue mon grand-père. Par conséquent, toute intervention minime, comme le fait d'écraser un papillon, peut s'assimiler à l'élimination d'un élément d'une chaîne causale.
De la même façon, le paradoxe de la connaissance n'est qu'une variante du paradoxe du matricide, on l'appelle d'ailleurs aussi paradoxe de la causalité; l'oeuvre d'art et le fils sont tous deux en défaut d'origine, sans cause, comme issus du néant. En apportant du futur une information, une création qui ne s'est pas encore produite dans le passé, et en incitant l'artiste ou l'auteur à "copier" le modèle, le voyageur du temps "tue" le créateur de l'oeuvre; en ne lui permettant pas de la créer réellement, il tue le père pour ne laisser qu'un être sans lien réel avec l'oeuvre: parricide ou matricide. Allons jusqu'au bout du raisonnement en remontant à la source des paradoxes. La plus belle confirmation de l'unité des paradoxes est fournie par le paradoxe du déplacement-même dans le temps. C'est la distinction d'un passé, d'un présent et d'un futur qui donne leur identité aux époques, et qui donne un "sens" et un "intérêt" à la question du déplacement dans le temps. Or la possibilité du voyâge implique une perte d'identité des époques. Et si un instant perd son identité, la question du voyâge n'a plus de sens. Par conséquent, la possibilité du déplacement dans le temps infirme la possibilité du déplacement dans le temps; nous avons la version fondamentale du paradoxe du matricide, et la confirmation que celui-ci apparaît parce que l'on réintroduit les lois de la logique après les avoir enfreintes.
Deutsch et Lockwood attendaient un argument définitif sur l'impossibilité du voyâge dans le temps! Doit-on considérer qu'il est arrivé?
Conséquences démonstrations solutions
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Restons optimistes. L'hypothèse de travail est celle de la possibilité du déplacement dans le temps, à n'importe quel instant passé ou futur, à volonté, en conservant son temps propre.
Ce qu'il faut démontrer, c'est que tout déplacement dans le temps provoque:
soit un court-circuit temporel
soit un déterminisme absolu
soit une mise en abîme temporelle
soit une démultiplication temporelle
Court-circuit temporel
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Adieu les paradoxes!
A l'instant d'aborder une nouvelle époque, le voyâgeur se désintègre dans une collision phénoménale, parce qu'il est composé d'antimatière.
Le court-circuit temporel constitue sans doute l'issue la plus radicale du voyage dans le temps; en quelque sorte une collision temporelle ponctuelle, qui se distingue de la collision temporelle "absolue" en ce qu'elle ne toucherait que le voyâgeur et le lieu et l'instant d'arrivée. Mais justement, que devient le lieu d'impact?
A ma connaissance, aucune oeuvre n'envisage cette possibilité. Il est vrai qu'elle annihile l'intérêt de la conjecture du déplacement dans le temps. Peut-être malgré tout peut-on voir la "réaction en chaîne" du fameux épisode de Star Trek "All good things" comme une approche des conséquences du court-circuit temporel.
Déterminisme absolu
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La solution la plus simple, en tout cas la plus économique, au problème des paradoxes provoqués par un voyage dans le temps est le déterminisme absolu. Mais le prix à payer est élevé: la plus grande liberté devient peut-être la camisole la plus solide, la prison la mieux gardée.
Synthèse
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Nous pouvons "déterminer" toutes les implications logiques liées à la possibilité de se déplacer dans le temps à volonté.
Instantanéité et simultanéité
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Imaginons que la possibilité existe de nous retrouver "instantanément" ou à tout le moins au temps de Planck, à telle ou telle époque du passé ou de l'avenir. Cela implique que "simultanément", l'individu est ce qu'il est dans son époque et ce qu'il doit être ou ce qu'il a été dans l'époque investie, selon qu'il s'agisse du passé ou de l'avenir, et pour autant qu'il soit question d'une époque incluse dans l'histoire, le temps d'existence de l'individu. En effet, l'instantanéité du parcours dans le temps suppose la réalisation effective et actuelle de tout le passé et de tout le futur. Pour me retrouver en l'an deux mille à l'instant, il faut qu'actuellement soit réalisé ce qui représente l'an deux mille, ou plutôt il faut que se réalise l'an deux mille. De même, pour me retrouver en 1895 à l'instant, il faut que tout ce qui représente le moment de l'année 1895 que j'investis, soit effectivement quelque part au moment où je parle, dans notre univers ou dans une autre dimension. Une autre façon de se rendre compte que tout est déjà réalisé dans l'hypothèse de la possibilité du voyâge, est d'imaginer la visite d'un voyageur du futur qui va dans notre passé, notre présent et la partie de notre futur qui constitue toujours pour lui le passé. Toutes ces époques sont pour lui effectivement accomplies.
On peut donc dire qu'à la fois l'individu est, sera et a été. Pour étendre le mouvement logique, on peut dire que cet individu "est" simultanément "tout son devenir". En effet, puisque je peux décider à chaque instant de me retrouver à n'importe qu'elle époque du passé et de l'avenir, il faut que toutes ces époques soient quelque part toutes en même temps, car il n'y a aucune raison d'en privilégier une plutôt qu'une autre. Nous nous trouvons donc dans une situation plus critique encore que celle qui voyait le voyageur du temps se démultiplier autant de fois qu'il effectue de sauts dans le temps. Dans ce cas-ci, tout individu existe autant de fois que l'on peut diviser son temps d'existence, sans même se déplacer dans le temps.
Asimov est l'auteur qui a, de la manière la plus évidente, basé son récit sur "l'étalement" des instants. Il résout les paradoxes par l'intervention d'une main extérieure, celle de l'Eternité. Or, cet "être hors du temps", l'Eternité, est l'expression de la conception classique du temps en physique. Il semble donc que le thème du "voyage dans le temps" soit né de la "négation" du temps par la physique classique - ce qui rend d'autant plus anachronique et remarquable la conception du temps de Wells. Dans les deux cas, le temps est étalé. La seule différence, c'est que l'étalement est "potentiel" dans la conception de la physique classique, alors qu'il est réalisé dans l'hypothèse de la possibilité du voyage dans le temps.
Déterminisme
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A quoi nous mène la nécessité de l'accomplissement actuel et total du passé et de l'avenir? A la détermination absolue du développement de l'être et de la pensée. Plus aucune part n'est laissée au hasard et à la liberté puisque tout est déjà réalisé, ou plutôt tout se réalise sans que nous puissions exercer dessus le moindre contrôle. Peu importe donc la question de la possibilité d'investir instantanément une époque différente de la nôtre: arrive ce qui doit advenir. Pour aller au bout de notre raisonnement, il nous faut reconnaître que les mots ici inscrits ont depuis toujours été déterminés et que cette prise de conscience même, ce retour réflexif sur le texte en train de s'écrire, est prédéterminé, et ainsi à l'infini
[1][3]. Pourquoi est-ce que je ne prolonge pas l'énumération? Manifesterais-je quelque libre-arbitre? Voici en tout cas une occasion de nous interroger sur le pouvoir de suggestion du mot et sur la propension de notre esprit à se prendre au jeu du raisonnement jusqu'à l'absurde. Absurde?
Arguments contre la possibilité du voyage dans le temps
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Supposons possible l'investigation instantanée d'une époque différente du présent. Nous avons vu qu'elle nécessite la réalisation actuelle, effective, simultanée, de tout le passé et de tout l'avenir. Le futur étant actuellement réalisé, il se trouve à une époque plus ou moins lointaine un individu qui a découvert la possibilité de voyager dans le temps. A partir de l'instant de cette découverte jusqu'à l'infini, on imagine aisement que l'homme a tout le loisir d'explorer les époques ultérieures et antérieures à la sienne.
Mais alors, comment croire qu'une infinité d'individus disposant de l'éternité pour explorer les vestiges du passé de leur civilisation n'auraient pas laissé de trace évidente de leur passage à l'une ou l'autre époque du passé qui nous est commun? Voilà qui nous paraît invraisemblable. Bien sûr cette démonstration ne possède pas toute la rigueur du raisonnement scientifique: elle suppose d'abord que l'humanité ne périra pas. Mais comment croire qu'elle puisse disparaître tout à fait s'il est loisible à une poignée d'hommes d'aller se réfugier dans une époque passée ou future en cas de catastrophe universelle imminente dans leur présent?
Ensuite, on suppose que l'individu aura le loisir d'utiliser cette invention, et surtout qu'une infinité d'individus en bénéficieront. Facile à croire puisque l'humanité ne peut périr, et qu'à raison d'un seul individu par an pendant une éternité, pour adopter un point de vue pessimiste, une infinité d'individus auraient bien l'occasion d'investir nos siècles.
Enfin nous supposons chez nos descendants l'envie de découvrir concrètement le passé de l'humanité. Je crois que nous pouvons parler sans exagérer de besoin de connaître le passé, si l'homme à venir ressemble un tant soit peu à l'homme d'aujourd'hui. De toute façon, peut-on concevoir un être pensant, humain ou autre, dénué de curiosité. Laissons-nous convaincre par ces arguments, tout en reconnaissant leur caractère ludique.
Et puis pourquoi le voyageur du temps ne vient-il pas me donner à l'instant un coup de poing pour me démentir?
Quels paradoxes?
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Voici une illustration de la situation du déterminisme absolu qui nous permettra d'apporter une réponse aux nombreux paradoxes impliqués par la possibilité de se déplacer dans le temps: Cloc est un garçon de dix ans. Nous sommes le 17/10/1997 à 15h35'28" 0,1578867219183457118552574627916122453040705 s et il désire se rendre le 16/10/1997 à 15h35'28" 0,1578867219183457118552574627916122453040705 s. Pour simplifier la situation, ne le faisons pas se rencontrer lui-même. Il surgit au milieu d'une clairière et retourne aussitôt au 17/10/1997 à 15h35'28" 0,1578867219183457118552574627916122453040706 s, soit une mesure du temps de Planck plus tard pour éviter de le faire se rencontrer avant ou au moment de son recul dans le temps. Le 16/10/1997 à 15h35'28" 0,1578867219183457118552574627916122453040705 s, il y a et il y a toujours eu deux Cloc, celui qui y était naturellement et celui qui a fait un bond en arrière dans le temps. Compliquons les choses et faisons Cloc se rencontrer lui-même dans le passé. Pour être le futur voyâgeur, le Cloc qui reçoit la visite de lui-même doit vivre exactement ce qu'aura vécu le voyâgeur: boucle parfaite, Cloc s'est toujours déjà rendu visite le 16/10/1997 à 15h35'28" 0,1578867219183457118552574627916122453040705 s et il est toujours déjà retourné le 17/10/1997 à 15h35'28" 0,1578867219183457118552574627916122453040706 s.
Cloc n'aura donc jamais été seul ce 16/10/1997 à 15h35'28" 0,1578867219183457118552574627916122453040705 s. Il n'aura jamais existé un 16/10/1997 à 15h35'28" 0,1578867219183457118552574627916122453040705 s avec un seul Cloc.
Ecoutons Rudy Rucker: "Supposez que je construise une petite machine à remonter le temps capable de se transporter deux minutes en arrière. Vers 11h55', je la fais rouler lentement sur le plan de travail de mon laboratoire, et avec une minuterie, je programme le saut pour 12h01'. Je suis assis et j'observe. A 11h59', il y a tout d'un coup deux machines sur le plan de travail: M, celle qui n'a pas encore fait le saut, et M', celle qui a fait un saut depuis le futur. Pendant deux minutes, les deux machines restent là et, à 12h01', la minuterie sonne, et M disparaît. Après 12h01', je me retrouve seul avec M', qui est en fait un exemplaire de M plus âgé".
Nous sommes bien ici dans la situation du déterminisme absolu. Rares sont les auteurs qui tiennent compte de ce dédoublement.
Nous avons un bel exemple de déterminisme absolu dans la nouvelle de J.G. Ballard "Un assassin très comme il faut". Un jeune homme se promène dans la foule avec sa fiancée le jour du sacre du roi Jacques. Un attentat manqué contre le roi provoque néanmoins la mort de la fiancée du professeur Jamieson. Trente cinq ans plus tard, il a enfin réussi à fabriquer une machine à voyager dans le temps pour retourner à cet instant et empêcher l'explosion de la bombe. Il loue une chambre qui offre une vue idéale sur le lieu du futur drame, afin d'abattre un des deux terroristes à l'origine du drame, selon la presse, en l'occurence celui qui jettera la bombe. Assis à une terrasse de café, Jamieson se voit passer, âgé de vingt ans, au bras de sa fiancée. De retour dans sa chambre, il repère le porteur de la bombe mais ne voit pas son complice. Il l'abat mais la bombe explose. Il aperçoit sa fiancée étendue au milieu de la foule, et lui-même agenouillé, éperdu, auprès d'elle. A ce moment, Jamieson entend des bruits dans le couloir. Avant que la police ne pénètre dans la chambre et n'abatte l'auteur du coup de feu, il a juste le temps de relire la coupure de journal qui relate les événements et il comprend soudain: "... L'un d'eux était connu sous le nom d'Anton Remmers, tueur professionnel à la solde, croit-on, du second, un homme d'un certain âge déjà, dont le corps littéralement criblé de balles n'a pu être identifié par la police...". Jamieson voulait modifier le destin, il réalise qu'il en était l'acteur principal, l'inconnu évoqué par la coupure de presse. S'il n'avait pas abattu Remmers, la bombe aurait explosé au milieu de l'artère parcourue par le carrosse royal et n'aurait pas rompu l'artère de sa bien-aimée.
Le dénouement de ce type de récit rappelle à Christian Grenier la tragédie grecque où "... le héros agit pour échapper à un sort injuste, et ne fait au contraire que précipiter l'issue de son destin...".
La logique est sauvegardée au prix du libre-arbitre du voyageur du temps.
Inertie
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Mais il est des auteurs pour qui aucun problème ne se pose.
Ainsi, contrairement à Deutsch et Lockwood, le philosophe David Lewis se satisfait de l'infraction au libre-arbitre dans le paradoxe du matricide ou du grand-père. Selon lui, il y a forcément quelque chose pour empêcher le voyâgeur de changer le passé, ce qui, il faut bien l'avouer, ne fait que déplacer le problème; simplement, c'est l'univers qui s'arrange pour que le voyâgeur ne commette pas d'acte incohérent. Lewis admet donc que le passé est fixé une fois pour toutes. Il doit reconnaître que la seule présence du voyâgeur dans le passé constitue un anachronisme.
Lewis tire sur la corde en disant que les "contretemps" que subit le voyâgeur ne prouvent pas qu'il n'est pas "réellement capable" d'agir dans le passé et de tuer son grand-père. Dans le cours normal des événements, nous échouons souvent à atteindre nos objectifs. Il semble que Lewis joue sur le sens équivoque, ambigu du mot "pouvoir".
Son point de vue rejoint celui de Fritz Leiber, qui, comme nous l'avons vu, parle de "loi de causalité" ou "Loi de Conservation de la Réalité". Il illustre son propos par la possibilité de changements mineurs dans le cours du temps: un arbre repousse là où un autre a été arraché; si un voyageur du temps tue la femme que doit épouser son grand-père, autrement dit sa grand-mère, le grand-père épouse sa soeur! Selon Leiber, ça n'empêcherait pas le grand-père d'épouser la soeur éventuelle de sa fiancée et permettrait ainsi, pour reprendre l'exemple de la Sonia de Deutsch et Lockwood, la naissance d'une Sonia génétiquement très proche de la voyâgeuse. Mais proche veut dire différent. Donc...
Par ailleurs, une conséquence surprenante de cette façon de présenter les choses est que le futur devrait alors être aussi rigide que le passé; il n'y aurait donc pas de libre-arbitre, pas plus que dans les actes des personnages d'un film, dont les séquences sont prédéterminées.
Le comble du déterminisme est fourni par la situation décrite par Moorcock dans Voici l'homme. Comme le fait remarquer Christian Grenier, "... c'est l'incursion même du voyageur temporel dans le passé qui est à l'origine de l'Histoire. Cette façon particulière d'envisager les voyages temporels les intègre tout simplement à une trame historique solide et unique, qui non seulement les accepte, mais les rend nécessaires: sans ces incursions dans le passé, l'Histoire aurait été différente, ou n'aurait pas été".
Déterminisme et déterminisme
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C'est à cette situation qu'il faut appliquer l'expression "déterminisme total" de Jacques Van Herp. Van Herp parle en effet d'un déterminisme total qui pèse sur le monde dans la mesure où les interventions dans le temps perturbent les destins individuels, mais ne modifient pas l'histoire dans ses grandes lignes. Ce déterminisme se distingue du déterminisme absolu.
Le déterminisme absolu est lié à l'étalement dans un même instant de tous les instants de l'histoire de l'univers.
Le déterminisme qu'évoquent Van Herp, Reichenbach, Watzlawick s'accommode de l'écoulement de la durée. Simplement cette durée est telle le tapis que l'on déroule, avec çà et là quelques irrégularités sans conséquence, un futur préexistant qui s'accomplit, comme tiré vers une finalité omnisciente.
Si la présence d'un voyâgeur dans le passé ou le futur n'a aucune influence sur le cours du temps, c'est comme si chaque instant était absolument indépendant de celui qui le précède et de celui qui le suit, et constituait un tout autonome à lui seul. Dans ce cas, la présence d'un voyâgeur ne différerait pas de celle d'un autochtone temporel, s'il n'y avait pas l'infraction à la loi de conservation de l'énergie.
Quant aux paradoxes qu'est susceptible de provoquer le voyageur du temps, ils n'existent plus puisque, tout étant déjà réalisé dans un déterminisme, total ou absolu, ne peut l'être que ce qui ne contient pas de contradiction.
Paradoxe de la connaissance
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Etudions le paradoxe de la connaissance ou de la causalité, c'est-à-dire la situation d'une chose créée en fonction d'une information du futur, ce paradoxe "violant, selon Deutsch et Lockwood, le principe que la connaissance ne peut résulter que d'un processus de création, telles l'évolution biologique ou la pensée humaine". Deutsch et Lockwood n'en trouvent pas moins la boucle de cette situation - portée à son comble chez Heinlein - autocohérente. Par ailleurs, à l'inverse du paradoxe d'incohérence comme le paradoxe du matricide, résolu par un déterminisme où les événements semblent plus fortement contraints que dans un monde où le voyage dans le temps n'est pas possible -ce qui est un comble puisque le voyage dans le temps est censé nous donner la plus grande liberté, dans le cas du paradoxe de la connaissance, les événements sont moins fortement contraints, selon Deutsch et Lockwood; il y a même un indéterminisme qui semble violer les lois de la physique classique, puisque le critique du futur peut ramener au choix croûtes, chef-d'oeuvre ou rien du tout - mais alors où est le problème? En fait, on retrouve là la situation de notre réalité, dont le paradoxe est fondamentalement le même, puisque l'être doit venir du néant ou de l'infini, comme nous l'avons vu dans le chapitre consacré à l'origine de l'être, de l'univers. Pour Deutsch et Lockwood, il faudrait établir un nouveau principe, selon lequel la connaissance doit résulter d'une création. Mais dans ce cas, le créateur ne fait pas ce qu'il veut, il ne peut pas copier sa propre oeuvre dont il possède un exemplaire venu du futur; il y a donc opposition au principe d'autonomie. Et comme ce principe de création vient renforcer la cohérence, c'est quela cohérence n'était pas aussi grande que ce que laissaient croire nos deux physiciens. Et c'est normal: la vraie autonomie, c'est de pouvoir "créer", pas de pouvoir se "plagier soi-même"! Tout ceci montre que la physique classique ne peut résoudre le paradoxe de la connaissance. Car pour Deutsch et Lockwood, le déterminisme absolu ne constitue pas une véritable solution au paradoxe.
Comment s'en sortir? Simplement en faisant remarquer, comme le suggèrent Deutsch et Lockwood, que la physique classique est erronée, qu'elle ne constitue, dans le meilleur des cas, qu'une excellente approximation de la vérité, mais qu'elle est très éloignée de la réalité dans le cas des Boucles du Genre Temps fermées. Il doit par conséquent exister une conception de la réalité qui apporte une solution satisfaisante au paradoxe de la connaissance. Nous verrons que pour Deutsch et Lockwood, la physique quantique est pleine de promesses à cet égard.
Quoi qu'il en soit, Deutsch et Lockwood ont le mérite d'affronter des paradoxes que les autres physiciens ignorent superbement sous le couvert de la théorie.
Quant à Lewis, nous avons vu qu'il considère que la situation décrite par Heinlein dans "Vous les Zombies", comble du paradoxe de la connaissance, est une solution auto-cohérente. Le héros existe avant de naître puisqu'il est son propre géniteur, qu'il va s'ensemencer lui-même, ce qui constitue une réponse à la question: oeuf ou poule d'abord? Dans ce cas, la poule précède l'oeuf!
Temps fixe
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N'y a-t-il pas moyen de tuer les paradoxes dans l'oeuf? Souvenons-nous que les paradoxes du matricide et de la connaissance apparaissent parce que l'on réintroduit la logique après l'avoir enfreinte. Puisque les époques sont simultanées, la causalité n'est plus respectée.
Le mathématicien Rudy Rucker, dans son ouvrage "La quatrième dimension", qui est une sorte de prolongement voulu du "Flatland" d'Abbott Abbott, qu'il pousse dans ses dernières conclusions grâce à l'apport de la relativité d'Einstein et surtout de l'espace-temps de Minkowski, développe lui aussi une conception statique du temps avec l'image de "l'univers-bloc". Son idée est que le sentiment d'écoulement du temps n'est qu'une illusion: "Beaucoup de philosophes prétendent qu'il est faux de dire que notre réalité est un univers-bloc. Ils ne veulent pas représenter notre univers passé-présent-futur par un modèle statique d'espace-temps 4-D. Ils estiment que cette image éternelle, immuable, exclut quelque chose d'important: l'écoulement du temps. Bien évidemment, la véritable raison pour laquelle on a introduit l'univers-bloc était de se débarrasser de l'écoulement du temps". C'est l'oeil de l'esprit en mouvement qui engendre le temps". C'est exactement l'interprétation que le physicien J.A. Wheeler a proposée des diagrammes de Feynman.
Ce qu'on fait avec les diagrammes de Feynman, on peut évidemment le faire avec ceux de Minkowski. Le réel est un entrelacement de vers quadridimensionnels fixés du point de vue de l'hyperespace. Comme le proposaient Deutsch et Lockwood, pour comprendre le temps physique, il faut voir la vie ou la durée comme une sorte de ver quadridimensionnel, dont la queue correspond à la naissance et la tête à la mort d'un individu - voir la figure... du cahier central. Un instant du temps correspond à une section tridimensionnelle de ce ver. La courbe que forme ce ver, c'est notre ligne d'univers. Au fond, le ver n'est rien d'autre qu'une ligne d'univers représentée en trois dimensions spatiales.
Martin gardner fait aussi allusion à l'univers-bloc de Minkowski, où toute l'histoire est "gelée" sur un graphe où toutes les lignes d'univers sont éternelles et inaltérables.
Exploitant cette représentation, le philosophe Reichenbach, dans "The philosophy of space and time", affirme que le voyâge dans l'absolu déterminisme ne contrevient pas aux lois de la logique (parce que le déterminisme n'autorise que ce qui ne la contrevient pas), mais à deux axiomes sur lesquels repose cette logique - ce qui est peut-être pis car alors la logique serait remise en cause dans sa globalité -, et fortement confirmés par l'expérience - ce qui est une autre façon de dire que ça s'oppose au bon sens:
1. l'identité: une personne est un individu unique qui maintient son identité avec l'âge.
2. la ligne d'univers d'une personne est ordonnée linéairement si bien que ce qu'elle appelle "maintenant" est toujours un point unique le long de cette ligne.
Gardner fait remarquer que Reichenbach ne parle pas du "libre-arbitre" que contredit aussi le déterminisme, mais en réalité, le libre-arbitre ne constitue pas un axiome.
Pour le philosophe Putnam, le fait qu'on puisse tracer un diagramme d'espace-temps des événements est la preuve qu'ils sont logiquement consistants.
Gardner le défie alors de les tracer pour des situations paradoxales. Mais le fait est que ce tracé s'autojustifie, donc élimine ce qui n'est pas logique.
La résolution du Consortium
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Rappelons que le Consortium est la collaboration de physiciens théoriciens américains, russes et anglais, avec K. Thorne et I. Novikov comme figures emblématiques.
Le Consortium n'affronte pas les situations impliquant des êtres humains, mais des objets, en l'occurence des boules de billard, et apporte sa contribution à la résolution des paradoxes de la causalité. La situation étudiée par Thorne et ses étudiants leur a été proposée par le professeur Polchinski. Le professeur Polchinski leur décrit la situation suivante: il imagine un trou de ver converti en machine à voyager dans le temps dont les deux bouches se trouvent à proximité l'une de l'autre dans notre univers et pas seulement dans l'hyperespace.
[1][4] Une boule de billard entre dans une bouche, remonte le temps et ressort par l'autre bouche avant d'être entrée dans la première, et se heurte elle-même plus tôt, s'empêchant donc d'entrer dans la première bouche, et de se heurter elle-même. Soit une variante du paradoxe du matricide pour objets inanimés. La question est: peut-on trouver des solutions aux équations qui autorisent la boule à se toucher elle-même sans s'empêcher de rentrer dans le trou de ver?
Le Consortium affirme que l'univers n'autorise que les solutions aux équations qui sont auto-consistantes, logiques. Ce qui est positif à deux niveaux. D'abord parce que si tout est permis, plus de physique possible. Ensuite parce que la physique de la vie quotidienne a l'habitude de tomber sur des solutions mathématiquement mais non physiquement possibles, et elle n'en tient pas compte.
Par ailleurs, le Consortium a toujours trouvé une solution auto-consistante à une situation qui présente une solution paradoxale. Il y a même parfois une infinité de solutions auto-consistantes, ce qui rappelle les situations rencontrées dans le monde quantique. C'est pourquoi on peut alors utiliser le calcul de Feynman de "somme sur les histoires" - histoire pour trajectoire - qui permet de déterminer les solutions les plus probables dans une situation donnée.
Cette méthode a un double mérite:
- ce calcul tient compte des solutions auto-inconsistantes, dont la contribution est si faible qu'elle n'influence pas réellement le déroulement de l'expérience.
- d'une certaine façon, la boule de billard est consciente de tous les chemins possibles pour elle. Or le possible, c'est le futur. Et il y a beaucoup plus de possibilités de trajectoires avec la présence de la bouche du trou de ver, c'est-à-dire d'une machine à voyager dans le temps, hypothèse de travail du Consortium, que sans elle
[1][5]. Thorne dit qu'un calcul sur le comportement possible de la boule avant même la construction d'une machine à voyager dans le temps devrait nous indiquer si la construction de la machine sera possible ou pas, d'après le nombre de trajectoires possibles révélées par le calcul. C'est donc comme si le futur influençait le comportement de la boule. Le futur, c'est le fait qu'il y ait un trou de ver ou pas. "C'est un trait tout à fait général de la physique quantique avec des Boucles du Genre Temps".
Quant à lui, Novikov propose une adaptation à la physique du principe de la sélection naturelle: "S'il y a à un problème une solution non auto-consistante et une autre auto-consistante, la nature choisira l'auto-consistante".
Thorne et ses étudiants n'affrontent pas la question du libre-arbitre, quoiqu'elle fût au centre des critiques les plus vigoureuses après la publication de leur article: "Trous de ver, machine à voyager dans le temps et condition faible de l'énergie". Ils se contentent d'analyser le comportement d'objets simples inanimés voyageant dans le temps telles des ondes électromagnétiques. Ils en concluent qu'aucun paradoxe insoluble n'y est lié et affirment même qu'il n'y aura aucun paradoxe insoluble pour aucun objet inanimé.
Pour Thorne, "Ces deux situations n'ont aucun sens... il est donc totalement impossible que la boule de billard ou moi puissions remonter le temps et changer nos propres histoires", au nom de la cohérence des lois de la physique au niveau classique, pas au niveau quantique. Mais ne s'agit-il justement pas de le démontrer. La solution que propose Thorne consiste à tenir compte des "conditions initiales d'un phénomène: "Pour des conditions initiales exactes (position et vitesse de la boule) qui conduisent au paradoxe de Polchinski, existe-t-il d'autres trajectoires de la boule qui... soient des solutions logiquement cohérentes avec les lois de la physique qui gouvernent les boules de billard classiques?". Les calculs montreront qu'il existe deux prédictions privilégiées valables, ainsi qu'une infinité d'autres moins probables mais tout aussi valables. Mais Thorne et ses collaborateurs ne démontrent pas "physiquement" pourquoi la solution autocohérente est choisie plutôt qu'une solution autocontradictoire. C'est comme répondre à la question: Pourquoi existons-nous? par "Parce que nous existons" ou plutôt par "Parce que nous ne pouvons pas ne pas exister", "Parce que tout porte à croire - les probabilités, mais quelles probabilités? - que nous ne pouvons pas ne pas exister". En réalité, Thorne et son équipe répondent "par la bande". Les calculs de la physique quantique viennent à son secours pour déterminer quelle solution sera choisie. Il s'en satisfait, mais il reconnaît que les "lois de la gravité quantique nous cachent la réponse à la question de savoir si les trous de ver peuvent réellement être convertis en machine à remonter le temps". En fin de compte, il reste très sceptique.
Sur la question du déterminisme pur impliqué par la résolution des paradoxes du matricide et de la causalité, le Consortium émet une idée intéressante. Selon la physique classique, même hors des Boucles du Genre Temps, le monde est déterministe. "Ce qui se passe à un instant donné est entièrement déterminé par tout ce qui s'est passé avant (ou après)". Donc le voyage dans le temps ne s'oppose pas plus au libre-arbitre que ne le fait un événement classique.
Mise en abîme temporel ou surimpression temporelle infinie
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Le court-circuit a fait long feu, le déterminisme nous prive de liberté, ce qui est un comble pour ceux qui pensaient bénéficier, avec le voyage dans le temps, de la plus grande liberté d'action. Le prix à payer pour jouir à nouveau de notre libre-arbitre: la mise en abîme temporel, soit une surimpression infinie et une surcharge phénoménale qui semblent ne pouvoir être résolues, à leur tour, que par la multiplicité quantique des univers; mais n'anticipons pas.
Nous avons vu que la possibilité du déplacement "à volonté" dans le temps impliquait la simultanéité de toutes les époques; dire que "passé = présent = futur" est une autre façon de le formuler, ou plutôt, ni passé ni futur n'ont plus de sens, il n'y a plus que des "présents", probablement une infinité de présents, flottant dans un hyperespace.
Or, la surimpression infinie exige la réintroduction de la distinction entre passé, présent et futur, parce que le libre-arbitre implique une indétermination, une incertitude - un indéfini qui rappelle les potentialités de l'infini, il est d'ailleurs question de surimpression temporelle "infinie" - qui ne s'accommodent pas de la fixation des époques.
La surimpression peut être considérée, soit comme un court-circuit avec une infinité d'étincelles, soit comme une démultiplication infinie du voyâgeur au même endroit et au même instant. Mais on pourrait se demander si la surimpression peut réellement se produire. Puisqu'elle contredit la simultanéité, elle contredit une condition de la possibilité du déplacement dans le temps. Si bien que le voyâge semble impossible dans son cas.
Le meilleur exemple de surimpression temporelle dans la littérature est fourni par la nouvelle Du temps et des chats de Howard Fast.
Illustrons néanmoins cette mise en abîme à travers l'expérience des boules de billard de Thorne et son équipe:
a) Kip Thorne et son équipe ont réussi à maîtriser un trou de ver et à en faire une machine à voyager dans le temps. Ils lancent une boule de billard vers le trou de ver:
La boule part seule
rentre dans une bouche du trou de ver
et ressort 15' plus tôt par l'autre bouche du trou de ver
pour se croiser elle-même avant qu'elle ne rentre dans la bouche.
La boule croisée n'est pas la même que la boule initiale, puisque celle-ci était seule.
La boule croisée rentre dans le trou
et ressort 15' plus tôt
pour suivre celle qui se croise elle-même.
Cette boule croisée n'est pas la même que la boule initiale qui était seule, ni que la seconde boule qui n'était croisée que par une seule boule.
La boule croisée par deux boules rentre dans le trou
et ressort 15' plus tôt
pour suivre celle qui suit celle qui se croise elle-même.
Cette boule croisée n'est pas la même que la boule initiale qui était seule, ni que la seconde boule qui n'était croisée que par une seule boule, ni que la troisième boule qui n'était croisée que par deux boules.
Et ainsi de suite à l'infini.
On a donc une boule croisée par une infinité d'elle-même.
Répétons l'expérience, mais avec Cloc cette fois, et illustrons le phénomène de surcharge ponctuelle:
b) Spirale infinie
Cloc est seul ce 16/10/1997 à 15h35'28" 0,1578867219183457118552574627916122453040705 s.
Il ne sait pas qu'il voyagera dans le temps un an plus tard.
Un an plus tard, il revient un an plus tôt, soit ce 16/10/1997 à 15h35'28" 0,1578867219183457118552574627916122453040705 s.
Le Cloc qu'il retrouve à cette date est différent du Cloc initial qui était seul; en outre, ce Cloc retrouvé sait qu'il voyagera dans le temps un an plus tard, informé par son prochain lui-même.
Un an plus tard, retour un an plus tôt de ce Cloc.
Ce Cloc voyâgeur est différent du premier Cloc voyâgeur, car le premier Cloc voyâgeur ne savait pas qu'il voyâgerait, alors que lui le sait.
Il rencontre donc le Cloc seul initial accompagné du premier Cloc voyâgeur.
Le Cloc retrouvé est différent du Cloc initial qui était seul, et du second Cloc visité accompagné d'un visiteur, puisqu'il est accompagné de deux visiteurs.
Le troisième Cloc voyâgeur ne peut pas être le même que le deuxième puiqu'il s'est vu accompagné de deux visiteurs alors que le précédent ne s'était vu accompagné que d'un visiteur; ce troisième Cloc voyâgeur viendra donc s'ajouter aux deux autres
et ainsi de suite à l'infini.
Chaque étape de la spirale est marquée par une information supplémentaire par rapport à l'étape précédente.
Le raisonnement procède "par défaut": x ne peut pas être x-1.
Voilà le prix à payer pour conserver toute liberté d'action: une superposition au même instant et au même endroit d'une infinité de répliques du voyageur du temps. Précisons qu'il ne s'agit pas ici de l'infinité de visites Cloc au même endroit au même instant que nous avons évoquée dans les "gammes", car Cloc a à chaque visite un âge différent, tandis que le phénomène de surimpression infinie voit se répéter le même Cloc au même âge. Si l'on combine les deux situations, le mot encombrement phénoménal devient un euphémisme. En effet, imaginons ce que serait la combinaison de la surimpression temporelle et d'un retour infini du même voyâgeur ou d'une infinité de voyâgeurs au même instant, ou même de la surimpression temporelle et d'une infinité de voyâgeurs qui reviennent une infinité de fois au même instant! C'est avec de telles conjectures que les arguments du mathématicien Cantor pour prouver l'existence de divers degrés d'infinis prennent toute leur force. A moins que de telles conjectures n'hypothèquent la théorie des nombres transfinis!
William Tenn est sans doute l'auteur qui s'est le plus rapproché de la description de la surimpression temporelle. Dans "Moi, moi et moi", Tenn offre une belle illustration de ce que pourrait être une figure fractale
[1][6] dans le cadre d'un déplacement dans le temps. Il y raconte les aventures d'un clochard qui est engagé par un savant solitaire pour tester la fiabilité de sa machine à voyager dans le temps. Le professeur envoie le clochard bougon au crétacé après lui avoir donné le billet de 100 dollars qu'il veut toucher avant de partir "au cas où" l'expérience tournerait mal. Compte-t-il soudoyer un tyrannosaure? Le clochard a pour mission de soulever une pierre, de photographier ce qu'il y a dessous et de la remettre en place. L'expérience se passe bien et notre voyâgeur est rapatrié au 20è siècle. Seulement voilà, le savant solitaire est maintenant depuis toujours marié. Seule explication, le fait de soulever la pierre a provoqué une modification du cours des événements. C'est une nouvelle illustration de la sensibilité d'un système à ses conditions initiales, déjà évoquée par Bradbury. Le savant renvoie donc notre clochard dans le passé pour remettre correctement en place le rocher qu'il a soulevé. Seulement voilà, lorsqu'il arrive au crétacé, le clochard se voit lui-même en train de soulever la pierre. Il revient au 20è siècle, retourne au crétacé, et se voit lui-même en train d'essayer de s'empêcher de soulever la pierre...
La nouvelle de Tenn est un petit bijou de finesse et d'humour; aucun résumé ne peut avoir sa force. Le lecteur la trouvera parmi beaucoup d'autres excellentes nouvelles dans le recueil "Histoires de voyages dans le temps".
Démultiplication
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Si le déterminisme absolu peut constituer la façon la plus économique de corriger la surimpression temporelle, son pendant le plus naturel est la démultiplication à l'infini de l'univers. La seule façon, apparemment, d'échapper à la surimpression temporelle infinie et d'éviter les paradoxes du déplacement dans le temps tout en conservant son libre-arbitre, c'est de disposer d'une démultiplication à l'infini des époques dans lesquelles intervient un voyageur du temps. Ainsi, dans le cas du paradoxe du grand-père, doivent coexister les deux issues: celle où l'aïeul est seul et celle où il est tué par Saint-Menoux. Plus, éventuellement, celle où un autre voyageur du temps le rencontre, plus celle où un autre voyageur du temps surprend ou empêche Saint-Menoux de tuer son grand-père...
Cette hypothèse a le mérite de laisser sa liberté au voyâgeur. Mais elle permet aussi de résoudre le problème de la surimpression infinie.
Extension de la thèse du chapitre relatif à instantanéité et
simultanéité -------------------------------------------
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La première démonstration nous a montré que la possibilité de voyager dans le temps implique la réalisation de "tout le devenir" de tout être au même instant et à chaque instant. Nous avons vu les risques d'encombrement phénoménal que cette situation génère. Tous les événements possibles doivent se produire simultanément, ôtant toute liberté à l'homme. Le prix à payer pour recouvrer le libre-arbitre, c'est la surimpression infinie. Mais dans ce cas, il n'y a plus seulement risque d'encombrement, il y a réellement encombrement phénoménal. Où caser toutes ces époques et leurs clones? La seule façon de se tirer d'affaire, c'est de disposer de branches d'univers parallèles pour chacune des éventualités envisageables. Nous avons vu que les spécialistes de la physique quantique ont imaginé la possibilité que plusieurs univers existent en même temps dans des dimensions différentes.
Toute la question est alors de savoir si ces univers peuvent communiquer entre eux et comment ils peuvent le faire.
L'existence des "trous de ver" ou des "fontaines blanches", qui sont l'envers des trous noirs, peut nous être ici bien utile.
Ainsi, pour Martin Gardner, la seule façon de résoudre les paradoxes impliqués par le déplacement dans le temps, c'est à travers l'existence de mondes multiples. Le premier auteur de science-fiction à avoir exploité cette possibilité est D.R. Daniels en 1934 avec "Branches of time".
Origène dans l'Antiquité et Averroès au Moyen Age ont déjà émis l'hypothèse d'un monde éternel où tout ce qui est possible se réalise, dans un éternel retour des choses que Nietzsche réactualisera et que Cantor, Borgès et les spécialistes des nombres-univers développeront à leur façon.
[1][7]
Ainsi Borgès affirme que "Le nombre des atomes qui composent le monde est, bien que démesuré, limité, et susceptible en tant que tel d'un nombre limité (bien que démesuré lui aussi) de combinaisons. En un temps infini, le nombre des combinaisons possibles doit nécessairement être atteint et l'univers doit forcément se répéter. A nouveau tu naîtras d'un ventre, à nouveau ton squelette grandira, à nouveau cette même page arrivera entre tes mains identiques, à nouveau tu suivras toutes les heures jusqu'à celle de ta mort impensable. C'est sous cette forme que se présente ordinairement ce raisonnement, de son prélude insipide jusqu'à sa fin menaçante et immense". (La doctrine des cycles)
Dans "L'expérience", Frederic Brown fait écho au texte de Borgès:
"S'il existe un nombre infini d'univers, toutes les combinaisons possibles doivent exister. Ainsi chaque événement est vrai quelque part... Il y a un univers dans lequel Huckleberry Finn est une véritable personne accomplissant très précisément ce que Mark Twain a imaginé. Il existe aussi un nombre infini d'univers dans lesquels Huckleberry Finn accomplit chaque variation possible des actes que Mark Twain aurait pu décrire... Et une infinité d'univers où les situations sont telles que nous ne pouvons ni les décrire, ni même les imaginer." (Borgès, nombres-univers, moi et l'infini dans le temps...)
Démultiplication quantique
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C'est en 1957 que l'hypothèse de la démultiplication des branches d'univers va prendre tout son poids.
C'est en effet en 1957 que le physicien américain Hugh Everett III propose, dans le cadre de la physique quantique, la théorie des univers multiples, qui forment un multi-univers. Chaque événement qui peut se produire physiquement se produit réellement dans un certain univers. Au niveau du multi-univers, la théorie quantique est déterministe, car le calcul détermine la probabilité de réalisation de chaque possibilité, en prévoyant la proportion des univers où cette possibilité se manifeste.
Mais la physique quantique dit aussi que des Boucles du Genre Temps fermées "pourraient abonder aux échelles submicroscopique" et que les particules subatomiques qui nous composent pourraient très bien accomplir de perpétuels voyages dans le temps, à des durées, il est vrai, de l'ordre du temps de Planck, soit 10-43s. Or, à ce niveau de la réalité, la physique quantique introduit une incertitude qui entraîne un indéterminisme fondamental, qui permet d'éliminer certains paradoxes.
Paradoxe du matricide
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Imaginons que les univers parallèles sont reliés entre eux par un trou de ver. On a donc un seul espace-temps complexe, un multi-univers - composé de tous les univers qui correspondent à toutes les éventualités possibles - dont les univers sont reliés les uns aux autres. Dans l'univers de Sonia, son grand-père et sa grand-mère se marient. Dans celui où elle bifurque, non. Donc le principe d'autonomie est respecté car l'action de Sonia n'entrave pas sa liberté d'action - c'est sans doute dans ce sens que Thorne parle d'influence du futur sur le passé. Peut-être serait-il préférable de dire que sa liberté d'action ne rend pas caduque son action? Bien sûr, la modification de son propre avenir par un voyageur du temps qui s'est rencontré lui-même, comme Asimov en évoque la possibilité, trouve ici un terrain d'expression qui élimine tout paradoxe.
De même, le paradoxe décrit dans "Experiment" est résolu. Si le professeur décide de ne pas placer l'objet dans la machine du temps à 3h pour qu'il en sorte à 2h55', s'il en sort effectivement à 2h55'- variante de l'antitéléphone à tachyons -
[1][8] dans une moitié des univers, l'objet apparaît à 2h55', et le professeur ne le place pas sur la machine à 3h, tandis que dans l'autre moitié des univers, l'objet n'apparaît pas à 2h55'. Chaque univers A contient deux objets avec l'un plus vieux que l'autre de 5'. Dans l'autre moitié des univers, les univers B, l'objet n'apparaît pas à 2h55'. Le professeur le met donc sur la machine à 3h et il apparaît dans un univers A où il rencontre un autre lui-même plus jeune de 5'. Dans l'univers A, l'objet surgit du "néant". Dans le B, il disparaît "à jamais". C'est l'interprétation que proposent Deutsch et Lockwood. Mais qu'est-ce qui empêche l'objet de revenir en B?
Quant à Sonia, si elle veut revenir à son univers de départ, se retrouvant au moment de son départ, elle ne peut le faire que dans un autre univers. Dans l'univers originel, elle demeure seule car "l'univers parallèle, connecté d'une manière différente de celle du paradoxe précédent, l'empêche de faire de même dans son univers original".
C'est ici que l'on voit la distance entre la théorie de la séparation de l'univers à chaque situation de choix quantique, et l'interprétation qui veut que ces univers soient connectés entre eux. S'ils sont connectés, pourquoi peut-on voyager dans un sens et pas dans l'autre? Qu'est-ce qui détermine l'accès ou non à tel ou tel univers? Inversément, pourquoi certains univers ne sont-ils pas accessibles? Qu'est-ce qui détermine le caractère originel d'un univers? En tout cas, la connexion entre univers, quelle que soit sa forme, semble indispensable. Mais alors, on retrouve la situation du déterminisme absolu, avec tout passé et tout futur toujours déjà réalisés, puisque le voyâgeur doit pouvoir y avoir accès à tout moment, sans parler du déterminisme probabiliste par pléthore des univers qui couvrent toutes les possibilités réalisables. S'il n'y a pas de connexion entre les branches d'univers, il faut qu'à chaque séparation et saut dans le temps, l'univers se sépare infiniment avec toutes les possibilités passées et futures impliquant les décisions "libres" du voyâgeur - que le voyâgeur aboutisse dans un univers en retard ou en avance sur le sien. Dans ce cas, il n'y a pas passage d'un univers à l'autre, mais réalisation de toutes les possibilités à tout moment. La séparation des branches d'univers est contemporaine et simultanée, et ne nécessite aucune connexion entre branches d'univers. Mais là encore le déterminisme resurgit.
Séparation symétrique
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Retrouvons Sonia, l'héroïne de Deutsch et Lockwood.
Elle a un petit ami qui s'appelle Stéphane. Sonia part dans le temps rendre visite à ses grands-parents. Stéphane ne participe pas au voyage de son amie Sonia. Dans la moitié des univers, B, elle entre dans la machine et n'en ressort jamais. Dans ce cas, la séparation est définitive du point de vue de Stéphane. Mais du point de vue de Sonia, il n'y a pas de séparation, simplement elle devra partager Stéphane avec le double d'elle-même qu'elle va rencontrer dans l'univers A. Deutsch et Lockwood font remarquer que plus Sonia se réplique, plus Stéphane a de risques de la voir disparaître de son univers. Mais en réalité, il semble que la probabilité soit toujours la même, soit une chance sur deux de la perdre,
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puisque chaque séparation implique un nouvel univers originel. A chaque séparation, l'univers a son double où la séparation ne se produit pas. Or, Deutsch et Lockwood se demandent si ce n'est pas ce risque accru de séparation qui explique le fait que nous n'ayons pas encore eu la visite de voyageurs du temps. Selon eux, nous avons la malchance d'évoluer dans une mauvaise branche d'univers.
Collection ou connexions?
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Considérons l'interprétation de la théorie des univers multiples par David Lewis: "Les branches ne sont séparées ni dans le temps ni dans l'espace, mais d'une autre façon". Le héros retourne dans le passé dans une autre branche d'univers et tue son grand-père, préservant sa naissance dans l'univers originel. Lewis précise qu'il ne s'agit pas d'une histoire où le meurtre se produit ET ne se produit pas. Il se produit effectivement, mais dans une autre branche d'univers. Ce qui permet de satisfaire à l'obligation de choix entre tuer ou non le grand-père. Ce n'est pas plus une histoire où le héros change le passé. Les événements des deux branches d'univers concernent bien la période où arrive le voyâgeur, mais les deux branches coexistent d'une certaine façon sans interaction. Il reste vrai que durant le temps personnel du héros, même après le meurtre, le grand-père vit dans une branche et meurt dans l'autre.
Paradoxe de la connaissance ou de la causalité
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Le paradoxe de la causalité trouve tout naturellement aussi une solution dans le cadre de la théorie des mondes multiples.
Dans l'univers originel, l'artiste a réellement "créé" ses toiles. Le critique du futur transporte les photos de ces toiles dans le passé d'un autre univers. Là, les toiles sont "copiées" et le peintre obtient quelque chose pour rien. Mais comme les toiles résultent d'un véritable effort créatif, quoique dans un autre univers, il n'y a pas de paradoxe.
Le philosophe David Lewis affirme pour sa part que chaque événement peut s'expliquer, possède une cause dans la boucle causale, mais que la boucle totale n'est pas explicable, et il justifie ce mystère de la façon suivante, qui a le mérite de la modestie: "Etrange! Mais pas impossible... Presque tout le monde admet que Dieu, ou le Big Bang, ou tout le passé infini de l'univers, ou l'annihilation d'un atome de tritium, est sans cause et inexplicable. Alors si de telles choses sont possibles, pourquoi pas aussi les inexplicables boucles causales qui apparaissent lors d'un voyage dans le temps". Notons que cette façon de présenter les choses présuppose évidente la possibilité de voyager dans le temps, Lewis tentant seulement de justifier l'existence des paradoxes. Or le grand paradoxe n'est-il pas la possibilité du voyage lui-même?
Watzlawick résume bien la situation qui consiste à aller dans le futur pour le connaître:
soit il est prédéterminé et nous sommes obligés de faire ce qui doit advenir - déterminisme absolu -,
soit on intervient et on modifie le futur qui n'est alors plus celui dans lequel on est allé chercher l'information. Il faut donc aller se renseigner dans ce nouveau futur et ainsi de suite à l'infini - mise en abîme illustrée par William Tenn dans "Moi, moi et moi",
soit il existe des multi-mondes, mais alors nous ne sommes pas directement bénéficiaires des informations du futur, seul notre double l'est, dans un dédoublement de notre branche d'univers.
"Mais il est évident que ces hypothèses détruisent notre vision traditionnelle et linéaire du temps. A la place, on voit apparaître des sortes d'arborescences. Autour d'un tronc central, se dressent une multitude de branches qui constituent autant d'univers parallèles. Le temps cesse d'être un fleuve pour se transformer en une sorte de delta avec ses biefs, ses bassins ou ses bras morts...", affirme Stan Barets dans le "Science-fictionnaire". Reste la question de savoir de quel point de vue est déterminé le tronc central. N'est-il pas relatif?
Liberté?
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La démultiplication temporelle, dans le cas d'un voyâge instantané ou de
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permet-elle réellement d'échapper au déterminisme absolu? Puisque les époques sont simultanées, tout est toujours déjà accompli. De plus, les possibilités sont figées. En effet, si je peux aller tuer mon grand-père dans un autre univers, personne ne peut venir le tuer dans mon univers, puisque j'existe. Peut-on même venir dans mon univers? Oui, mais à la condition de ne pas faire certaines choses. Ce qui interdit tout libre-arbitre. Je ne peux donc revenir dans mon univers initial qu'à certaines conditions.
Pour pouvoir effectuer plusieurs voyâges à partir du même univers, il faut qu'il soit démultiplié à l'infini, sinon, un seul voyâge possible, puisque tout autre univers est forcément différent et que je ne peux revenir dans celui de départ.
Le voyâge coûte cher: l'exil éternel ou la démultiplication à l'infini. Mais de toute façon, tout est fixé à l'avance.
Le comble: si Cloc ne peut revenir dans son univers, c'est qu'il continuera à exister dans un univers où il n'a pas pu apparaître naturellement puisqu'il y a tué son grand-père.
Au fond, la démultiplication des univers ne fait que déplacer le problème de la surimpression temporelle infinie. On n'échappe pas à l'infini.
Soit il y a possibilité de passage à volonté d'une branche d'univers à l'autre, et le paradoxe n'est pas résolu puisque quelqu'un peut venir tuer mon grand-père dans ma branche d'univers, soit il n'existe pas de "ponts" entre les différentes branches, mais alors la démultiplication temporelle s'assimile à l'accomplissement de tous les possibles dans un étalement déterministe, et il n'est plus question de voyage dans le temps.
Mais par ailleurs, de la même façon qu'un espace-temps à quatre dimensions est fait d'une infinité d'espaces-temps à trois dimensions, un espace-temps à cinq dimensions est fait d'une infinité d'espaces-temps à quatre dimensions. De ce point de vue, la démultiplication temporelle semble ne poser aucun problème.
La possibilité de déplacement dans le temps à volonté et les paradoxes qu'elle implique peuvent y trouver refuge.
On pourrait enfin faire remarquer qu'en réalité, je tue dans une autre branche d'univers un "clone" de mon grand-père, et qu'il ne s'agit donc pas d'un parricide. L'action est dénaturée, le paradoxe n'est pas résolu.
Conclusions
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Arguments contre
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Recensons les arguments qui rendent improbable ou impossible le voyage dans le temps à volonté à n'importe quelle époque.
Nous avons vu que le temps donne son sens à l'hypothèse du déplacement dans le temps, mais que si le voyâge est possible, il ôte son sens au temps, ce qui a pour conséquence de rendre "insensé" le déplacement dans le temps.
Pour Christian Grenier, "le voyage temporel souffre de certaines contradictions avec la logique la plus élémentaire, ce qui l'écarte du domaine scientifique". (La S.-F., lectures d'avenir?)
"Une barrière se dresse, celle de la logique voulant qu'on ne puisse à la fois être ici ou ailleurs", complète Van Herp.
La simple possibilité du voyâge est un paradoxe et modifie le cours des événements, contrairement à ce que pense Watzlawick:
"Il revient en arrière de quinze ans (ce qui lui prend, disons, quelques minutes), arrête la machine et en sort, se remettant ainsi dans le cours du temps... en un point où il a lui-même quinze ans. S'il se contente de regarder alentour sans susciter aucun effet - à savoir, sans s'insérer d'aucune manière dans la causalité par une action ou une communication - il ne se produira rien d'étrange. Mais dès qu'il commencera à interagir, des conséquences amusantes et déconcertantes s'ensuivront." Justement, par sa simple présence, le voyageur du temps interagit, comme aurait pu le découvrir Bradbury s'il avait été jusqu'au bout de son raisonnement, ne voyant pas qu'une apparition soudaine dans le monde est au moins aussi perturbatrice que le fait d'écraser un papillon.
Les paradoxes provoqués par un acte volontaire ou involontaire du voyâgeur constituent bien sûr un nouvel argument contre la possibilité du déplacement dans le temps: paradoxes du matricide et de la connaissance en sont les meilleurs exemples.
Les arguments les moins puissants contre la possibilité de voyager dans le temps consistent à dénigrer l'intérêt du déplacement dans le temps parce que le court-circuit temporel, le déterminisme absolu, la surimpression infinie ou la démultiplication temporelle n'offrent pas de perspectives très réjouissantes à l'individu qui veut explorer le passé ou le futur.
Les frères Igor et Grichka Bogdanoff ont proposé un argument plus intéressant: "Si le voyage vers le passé avait été inventé quelque part dans le futur, nous aurions déjà sûrement reçu la visite d'un homme de l'avenir". C'est un argument qu'a avancé Hawking en disant que "La meilleure preuve qu'un voyage dans le temps est impossible est que nous n'avons pas été envahis de hordes de touristes du futur", et que j'ai développé indépendamment dans un article au milieu des années 80 et dans lequel je développe l'argument de la perte d'identité du temps.
Hawking pense aussi que la nature a horreur des machines à remonter le temps. C'est une idée qu'il développe dans sa conjecture de "protection chronologique" selon laquelle les lois de la physique interdisent les machines à remonter le temps: "chaque fois que quelqu'un essaye de faire une machine à remonter le temps, et quel que soit le dispositif utilisé à cet effet (un trou de ver, un cylindre en rotation, une "corde cosmique", ou quoi que ce soit d'autre), juste avant que le dispositif ne devienne une machine temporelle, un faisceau de fluctuations du vide le traverse et le détruit". Hawking a démontré que des fluctuations de champs quantiques deviendraient infinies au voisinage d'une bouche de trou de ver - l'argument de la surimpression temporelle infinie démontre la même chose par un raisonnement de logique pure -, empêchant la formation de Boucles du Genre Temps ou détruisant le voyageur qui s'approcherait d'une Boucle du Genre Temps. Hawking dit avec humour que son hypothèse "permet de garder le monde sûr pour les historiens".
Les frères Bogdanoff avancent un autre argument pour infirmer la possibilité du voyâge: "L'entropie (c'est-à-dire le désordre) d'un système ne peut aller qu'en augmentant; autrement dit, ce que nous nommons "écoulement du temps" n'est qu'une fonction directe de l'entropie à laquelle tous les systèmes (biologiques ou non) sont soumis. Comme il est impossible de réduire l'entropie d'un système, il serait également impossible d'inverser le temps et, a fortiori, de voyager dans le passé", (Clefs pour la science-fiction).
Revenons enfin à l'hypothèse de la démultiplication temporelle pour constater qu'elle nous révèle par l'absurde l'importance du principe d'économie de la nature et la pertinence et l'actualité de la remarque de Leibniz selon laquelle nous évoluons dans "le meilleur des mondes possibles". Il semble qu'un univers sans possibilité de se déplacer dans le temps soit le meilleur des mondes possibles, car il présente l'optimum d'existence.
Arguments pour
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Recensons à présent les arguments qui rendent probable ou même possible le voyage dans le temps à volonté à n'importe quelle époque.
Contre l'argument de Van Herp, on peut faire remarquer que la barrière de la logique voulant qu'on ne puisse à la fois être ici ou ailleurs, n'est en réalité qu'un axiome, sur quoi "repose" la logique. Un axiome ne peut être démontré. Il n'enfreint donc pas la logique. Et puis, Kurt Gödel, avec son théorème d'incomplétude, n'a-t-il pas ouvert la voie à une remise en question fondamentale de la logique?
Contre l'argument de Hawking mettant en avant les risques de fluctuations infinies de champs quantiques lors de la création de la machine à voyager dans le temps, Deutsch et Lockwood répondent que les infinis, dont on sait qu'ils sont la hantise des physiciens et des mathématiciens, révèlent simplement une insuffisance de la théorie.
Deutsch et Lockwood infirment aussi l'argument d'Hawking sur l'absence d'invasion de hordes du futur car le trou de ver ne permettrait de remonter dans le temps que jusqu'à l'époque de sa création et pas au-delà.
Deutsch et Lockwood répondent aussi qu'il existe peut-être actuellement des Boucles du Genre Temps exploitées par une civilisation extraterrestre, mais que celle-ci n'a pas forcément envie de venir nous voir dans son passé. Et même alors, ils n'aboutiraient que dans certaines copies de notre passé. Et puis, le voyageur du temps n'est pas obligé de crier sur tous les toits qu'il est un voyageur du temps.
Pour Deutsch et Lockwood, "Si la théorie des univers multiples est exacte, alors toutes les objections habituelles au voyage temporel sont fondées sur des modèles erronés de la réalité physique. Quiconque rejette l'idée d'un voyage temporel doit formuler un nouvel argument, scientifique ou philosophique".
Hawking lui-même est revenu sur ses premières déclarations et a récemment affirmé dans la presse qu'il envisageait à présent la possibilité de voyager dans le temps.
Contre l'argument "entropique" des frères Bogdanoff, on objectera que rien n'interdit une inversion locale de l'entropie, l'existence de la plus infime particule en est un témoignage; or il s'agit précisément, dans le cas du voyâge, d'une modification locale du temps, soit le temps propre du voyâgeur.
L'affirmation d'Einstein: "Nous, qui croyons en la physique, savons tous que la distinction entre passé, présent et futur n'est qu'une illusion, même si elle est tenace", vient renforcer l'idée que le temps n'a pas l'identité que nous lui accordons, et donne donc du poids à l'hypothèse de la possibilité du déplacement dans le temps.
L'interprétation de Wheeler des diagrammes de Feynman va dans le même sens. Rappelons que cette interprétation consiste à voir le réel comme une seule ligne d'univers extrèmement complexe déjà réalisée, c'est-à-dire pour laquelle ne s'écoule pas le temps. Le sentiment d'écoulement du temps serait une illusion liée à notre perception du réel.
Nous pensons ici au dessinateur Escher qui est parvenu à représenter des "figures impossibles". C'est un peu ce qui se produit avec les représentations mathématiques du réel et les récits de voyage dans le temps.
Pour Rudy Rucker, les raisons d'écarter le voyage dans le temps reposent sur un a priori: "Il ne peut apparaître de contradictions dans le monde; le voyage dans le temps et le voyage SL (supraluminique) conduisent à des contradictions; donc il ne peut y avoir de voyage dans le temps et de voyage supraluminique dans notre monde".
Cet argument présente pour Rucker trois points faibles.
1. Le monde lui-même est paradoxal
2. Il pourrait exister une "police du temps" qui empêcherait l'utilisation de la machine pour créer un paradoxe.
3. Il existe la possibilité des univers multiples, même si "... bien sûr, strictement parlant, un voyage dans un monde parallèle n'est pas du tout un voyage dans le temps".
"A un certain niveau, ces paradoxes sont un peu plus que des divertissements intellectuels".
Rucker ajoute que la relativité affirme qu'il n'y a pas de temps ni d'espace absolu. Or le voyage dans le temps exige un temps et un espace absolus. Par conséquent, le voyage dans le temps semble d'emblée interdit par la physique moderne. Mais outre le fait qu'il existe des lois de transformation qui permettent de passer d'un système de coordonnées, ou référentiel, à un autre, la relativité autorise le voyage dans le passé jusqu'à une certaine limite, et dans le futur de façon illimitée, comme nous l'avons vu à la section science. La relativité se contredirait-elle elle-même?
Pour Lewis, le voyage est possible. Les paradoxes prouvent seulement que le monde où le voyâge serait possible serait de manière fondamentale plus étrange que celui que nous croyons être le nôtre. Il est le plus ardent défenseur d'un auteur comme Heinlein dont il trouve le récit "Vous les zombies" auto-consistant.
Ce qui pose problème dans le voyage dans le temps, ce sont les paradoxes qu'il génère. Un raisonnement par l'absurde consiste à dire: le réel ne peut s'accommoder des paradoxes; or le réel existe; donc les paradoxes n'existent pas et le voyage dans le temps non plus. Mais le réel n'est cohérent qu'en apparence, il est fondamentalement irrationnel, comme nous le suggèrent la physique quantique, et la pure logique elle-même. Donc, la possibilité du déplacement dans le temps est en parfait accord avec la réalité.
L.M. Krauss, dans "The physics of Star Trek", émet un argument de bon sens: "Tant que ce n'est pas réfuté par le cadre scientifique, cela reste du domaine du possible". C'est ce que souligne aussi J. Gribbin dans "In search of the edge of time".
"Quel que soit le type de courbure d'espace-temps, les équations d'Einstein nous disent exactement quelle distribution de matière et d'énergie doit se manifester. La question est alors: un tel type de distribution de matière et d'énergie est-il possible?".
Enfin, admettons que la possibilité du voyage dans le temps constituerait une explication pratique aux disparitions mystérieuses qui se sont produites tout au long de l'histoire.
Epilogue
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Nous sommes arrivés au terme de notre enquète et il nous faut en tirer les conclusions.
Les grandes menaces
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Rappelons quelles sont les menaces majeures pour l'univers:
1. La Collision temporelle
2. La Collision spatiale de bébés-univers, selon la formule d'Hawking
3. Le Big Crunch
4. La Modification du temps combinée à une absence de démultiplication temporelle, ce qui peut avoir comme conséquence que l'on n'a jamais existé, effacé de notre propre histoire, à moins bien sûr d'exister dans un temps antérieur à la modification.
[1][9]
REFUGE?
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Il semble que l'humanité n'ait pas de possibilité d'échapper au Big Crunch, et a fortiori à la collision temporelle. On voit en effet mal l'humanité se réfugier toute entière dans le passé, ce qui ne ferait que retarder l'échéance de la Collision, à moins de retourner éternellement dans le passé, sans parler de la question de savoir "où" elle irait se réfugier. Quant à transférer toute l'humanité au-delà du point critique, cela n'a pas de sens. Le Big Crunch et la collision temporelle se produiront inévitablement puisqu'ils sont liés à l'univers, ils n'ont de sens que par rapport à lui. La seule solution consisterait à quitter le mouvement inertiel de l'univers, autrement dit à "ne plus exister"!
En tout cas, si le voyage dans le temps est possible et si la collision temporelle doit se produire, nous pouvons être assurés qu'elle ne provoque pas de "réaction en chaîne" du même type que celle de l'épisode "All good things" de Star Trek. Si c'était le cas, nous n'existerions plus, ou pas, et ces lignes n'auraient jamais été écrites. Collision temporelle et voyage dans le temps semblent donc s'exclure mutuellement.
Mais ce n'est pas tout, l'ironie du sort veut que l'espoir d'une issue à la collision temporelle à travers le voyage dans le temps peut nous... conduire à une collision temporelle, ponctuelle certes, mais dramatique, avec le court-circuit temporel.
La démultiplication des branches d'univers ne constitue pas une solution à la menace d'une collision temporelle car la collision est "absolue", hors-branches, c'est un autre cours du temps, donc elle menace toutes les branches d'univers à la fois.
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Dos du livre
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Voici l'étude d'un sujet fascinant: qu'en est-il, d'un point de vue logique, de la possibilité de voyager dans le temps?
Le voyage dans le temps est peut-être le thème de fiction par excellence du 20è siècle. Comme le dit Bruno Peeters dans sa préface au deuxième volume du Cycle du temps des aventures de Bob Morane: "Thème brillant, intellectuel et complexe certes, mais fascinant. Par lui, l'homme tente sans doute d'échapper à la contrainte terrible qui borne et délimite sa vie: le Temps. Thème fondamental de la science-fiction, le voyage dans le temps a fait l'objet de romans majeurs et essentiels". On ne compte plus les oeuvres qui l'exploitent. En littérature, des romans comme "La machine à explorer le temps" de Wells, bien sûr, "Le voyageur imprudent" de Barjavel, "Le maître du haut château" de Dick, "La patrouille du temps" d'Anderson, "La planète des singes", de Boule; en nouvelles, "Un coup de tonnerre de Bradbury", "Histoires de voyages dans le temps", en bandes dessinées, "Le maître des montagnes", de Rosinsky et Van Hamme, "Time is money", d'Alexis et Fred, "Le piège diabolique", de Jacobs; au cinéma, "Les Visiteurs", "Timecop", "L'armée des 12 singes", "Retour vers le futur"; des séries télé comme "Au coeur du temps" et "Code quantum", et même un épisode de la série "Les mystères de l'Ouest": "La nuit du temps"; sans oublier les logiciels avec "Lost in time" , "Buried in time", "Time commando" et, last but not least, le logiciel tiré de l'oeuvre de Jacobs: "Le piège diabolique".
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[1][1] Fredric Brown: "Experiment", que nous analysons plus loin.
[1][2] Sinon, la surimpression infinie concerne aussi le futur puisqu'il est accompli, donc il y a une situation "sans" voyâgeur.
[1][3] Déterminisme absolu: mon analyse est prédéterminée, et cette observation elle-même; et le fait que je m'arrête à cette observation, et le fait que je le fasse observer, je suis l'infini; vertige
[1][4] On peut tout de même se poser la question essentielle de savoir si le trou de ver dont la bouche mobile s'est fixée reste une Boucle du Genre Temps.
[1][5] Se reporter à la Section Science.
[1][6] Les fractales sont des constructions mathématiques dûes à Benoît Mandelbrot: une partie de la structure contient une représentation de toute la structure.
[1][7] Le mathématicien Georg Cantor a démontré à la fin du 19è siècle qu'il existait divers degrés d'infinis.
Les nombres-univers sont des nombres constitués d'une infinité de chiffres et tels que cette suite de chiffres couvre toutes les combinaisons possibles de chiffres.
[1][8] L'adaptation à l'histoire de Sonia impliquerait que Sonia rentre dans la machine demain pour en resortir aujourd'hui, sauf si un double d'elle-même en sort aujourd'hui.
[1][9] Une question de dernière minute: s'il y a discontinuité temporelle, condition de la possibilité du voyage dans le temps, comment la modification du passé se propage-t-elle d'une époque, d'un instant à l'autre?
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