Fiction

Les banques de données mondiales nous apprennent, sans surprise, que l'amour est le thème le plus exploité en littérature, tous genres confondus. Après l'amour, le grand souci de l'homme est le "temps". Plus de cinq cent mille ouvrages, de par le monde, traitent, de près ou de loin, de la durée et de sa mesure.

Lorsque l'on évoque la notion de temps, on pense tout naturellement à Einstein, même si avant et après lui, les plus grands penseurs y ont confronté leurs réflexions. Einstein a en effet remis en questions nos certitudes à propos de la perception du temps, ouvrant par ailleurs la voie aux deux grandes révolutions conceptuelles du 20è siècle: la théorie de la Relativité et la physique quantique.

Néanmoins, je désire accorder la place d'honneur, dans cet ouvrage, à une autre personnalité qu'Einstein: H.G. Wells. Pas seulement parce que Wells est l'inventeur du concept du "voyage dans le temps à volonté", thème central développé dans cet essai, mais à cause des quelques lignes du premier chapitre de "La machine à explorer le temps", que l'on trouve dans le chapitre consacré à la nature du temps.

Poursuivons notre enquête sur les implications de la possibilité de se déplacer dans le temps à volonté, en analysant les témoignages des écrivains, des auteurs de bandes dessinées, des scénaristes et réalisateurs de films et de séries.

Il ne s'agit pas d'un résumé des oeuvres, mais d'un choix des passages utiles pour notre réflexion. Il ne s'agit pas non plus d'une liste exhaustive de toutes les oeuvres qui traitent le sujet - cet essai aurait eu l'épaisseur d'un gros dictionnaire -mais d'un répertoire sélectif de celles qui apportent un élément de réflexion intéressant pour notre recherche, ou qui témoignent chez l'auteur une grande maîtrise des situations complexes que provoquent des déplacements dans le temps.





Chapitre 1: littérature

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a. Les fondements: Wells et "La machine à explorer le temps"

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A tout seigneur, tout honneur. Wells est celui qui a eu le coup de génie d'imaginer, pour la première fois, l'utilisation d'une machine pour explorer "à volonté" des époques du passé et de l'avenir. A mon sens, l'ouvrage de Wells inaugure l'ère de la littérature de science-fiction. Les arguments ne manquent pas pour justifier cette idée. Pour la première fois, un auteur imagine la possibilité de ce qui défie tout bon sens et toute logique. Une possibilité qui semble n'avoir aucune chance de se réaliser jamais, alors que les possibilités imaginées ailleurs, comme dans l'œuvre de Jules Verne, par exemple, sont réalisables.

"Le voyage dans le temps est, par excellence, le thème où la science-fiction s'exprime avec le plus de richesses et d'originalité...", écrivent Igor et Grichka Bogdanoff dans "Clefs pour la science-fiction". La multitude des références sur le thème étudiées dans cet ouvrage vient confirmer ce propos. De nombreux et illustres auteurs de BD, cinéastes et de célèbres auteurs de science-fiction ont abordé le sujet, même si ce n'est pas toujours dans une oeuvre qui les rappelle au bon souvenir de la majorité des lecteurs. Mais si Valérian ne fait sans doute pas partie du hit-parade des BD les plus lues, quoique de grande qualité, le cycle du temps dans Bob Morane, d'Henri Vernes, que ce soit en roman ou en BD, rencontre un très grand succès auprès des adolescents du monde entier.

Les hommes de science ne sont pas en reste. Même si Gérard Klein écrit: "... ni le déplacement à vitesse supraluminique ni le voyage dans le temps, ces deux thèmes privilégiés et même à bien des égards fondateurs de la SF moderne, ne sont acceptables une seconde par un authentique physicien, fût-il doté d'une grande largeur de vue", nous avons vu qu'on dénombre de plus en plus de physiciens de haut vol qui s'efforcent de mettre au point une théorie du déplacement dans le temps à volonté. Faut-il considérer Stephen Hawking comme un physicien de seconde zone? Il est reconnu pour être le physicien le plus brillant depuis Einstein. Et après avoir affirmé que "La meilleure preuve que le voyage dans le temps est impossible, c'est que nous n'avons pas été envahis de hordes de touristes du futur", il soutient aujourd'hui que le voyage dans le temps est envisageable dans le cadre des théories qui tournent autour des Trous noirs. Vont-elles s'y perdre? Par ailleurs, on ne compte plus les physiciens de haut niveau qui tentent d'élaborer une possibilité de voyager dans le temps dans le cadre de la physique quantique.

H.G. Wells soutenait que les récits de SF cherchent à "domestiquer l'impossible". Il en a donné le meilleur exemple avec "La machine à explorer le temps".

Jean Gattégno, dans "La science-fiction", soutient que "là où Jules Verne se contentait, en somme, de prolonger le roman d'aventures, Wells a fondé l'anticipation scientifique" et que "la science-fiction date de 1895", même si le terme science-fiction n'a été créé aux Etats-Unis qu'en 1930.

"Bien sûr il peut paraître simpliste de réduire l'essence de la SF au thème du voyage dans le temps, avec ou sans machine, et à l'uchronie et à la conjecture, mais il est important de prendre position et d'établir un point de repère qui sera bien utile, même s'il s'agit d'en nuancer les contours", ajoute Pierre Versins dans sa monumentale "Encyclopédie de l'Utopie et de la Science-fiction".

Christian Grenier, dans "Science-fiction, lectures d'avenir", choisit, pour étude d'un thème, le voyage dans le temps.

Quant à J. Van Herp, il affirme, dans Panorama de la Science-fiction: "Sans ce thème, on peut bien dire qu'il n'existerait pas de S.-F." "Là se cachent la résonance profonde et l'attirance de ce thème. Alors que tous les autres n'engagent que l'extérieur de l'homme, ici sa liberté même est en jeu. Pas la simple liberté du citoyen face à la tyrannie des interdits, mais sa liberté philosophique face au destin, face à un devenir fluide, malléable, multiple, ou encore figé de toute éternité". Autant d'hommages à l'ouvrage de Wells.

Notons que Wells a eu le génie de ne pas donner de nom à son narrateur, ce qui peut amener à penser qu'il s'agit de Wells lui-même, ses anticipations mathématiques venant ajouter du poids à cette thèse. L'auteur Karl Alexander exploitera cette idée en donnant une suite au récit de Wells. Cette fois, le héros s'appelle Herbert Georges Wells.

La Machine à explorer le temps constitue de loin le traitement le plus sobre du thème, même si on peut regretter que la réflexion sur les conséquences du voyage dans le temps n'y soit pas plus approfondie. Le récit commence avec une discussion entre le narrateur et ses invités. Le narrateur expose sa théorie du temps conçu comme une quatrième dimension; nous avons vu avec quelle justesse. Ensuite, il effectue une démonstration avec une copie en modèle réduit de sa "machine".

Interrogeons-nous avec les amis du narrateur sur les subtilités du déplacement dans le temps. Le héros de Wells envoie d'abord le modèle réduit de sa machine cinq minutes dans le futur. Elle disparaît et cinq minutes plus tard réapparaît effectivement sur la table. Lorsque la mini machine va dans le futur, pourquoi ne la voit-on pas au présent, évoluant le long de sa ligne d'univers? Et dans le passé, pourquoi ne l'ont-ils pas vue avant que le voyâgeur ne l'apporte dans la pièce? Un invité suggère que la machine se déplace peut-être si vite dans le temps qu'elle en devient invisible: "Nous ne pouvons pas plus voir ni apprécier cette machine que nous ne pouvons voir les rayons d'une roue lancée à toute vitesse ou un boulet lancé à travers l'espace. Si elle s'avance dans le Temps cinquante fois ou cent fois plus vite que nous, si elle parcourt une minute pendant que nous parcourons une seconde, l'impression produite sera naturellement un cinquantième ou un centième de ce qu'elle serait si la machine ne voyageait pas dans le temps. C'est bien évident".

Mais qu'en est-il quand la machine s'arrête? Si on n'en a pas souvenir le lundi sur la table, comment, le mardi, pourrait-on l'envoyer à lundi? Et si, mardi, on va la déposer sur la table le mercredi, et que, de retour le mardi avec la machine, on la détruit, que se passe-t-il mercredi?

Ces questions n'empêchent pas le héros de Wells d'entamer son exploration du futur. Il aboutit dans un futur lointain qui ressemble aux premiers âges de l'humanité. Il y rencontre deux communautés, les Eloïs, êtres beaux et frêles, mais stupides, et les Morlocks, des êtres bien plus intelligents mais repoussants, qui vivent sous terre, où ils entretiennent une machinerie qui maintient des conditions de vie paradisiaques pour les Eloïs. Mais ils ne le font pas par grandeur d'âme. En réalité, les Eloïs sont un cheptel qu'ils entretiennent pour se nourrir.

L'explorateur du temps va vivre une idylle avec une jolie Eloïs avant de revenir à son époque expliquer à ses amis médusés ce qu'il a vécu. Puis il retourne dans un lointain futur où il découvre l'agonie de la terre. Dans son ultime vision de la terre, l'explorateur a une belle expression: "En un instant, ma main fut sur le levier, et je mis un mois de distance entre ces monstres et moi". Il revient à son époque et le récit se termine sur un nouveau départ.

On pourrait penser que Wells a trop peu exploité le thème alors que le récit avait si bien démarré. L'histoire laisse un goût d'inachevé, même si c'est voulu. Mais il faut reconnaître que c'est précisément cette sobriété qui fait la force du récit. Wells donne toute liberté au lecteur de laisser vagabonder son imagination.

C'est précisément ce qu'a fait l'auteur américain Karl Alexander dans un récit qui se veut la suite de l'ouvrage de Wells. Il s'agit du roman "C'était demain", paru en 1979. C'est un récit très intéressant par bien des aspects. D'abord, il a le mérite d'exploiter la potentialité laissée par Wells en ne nommant pas son héros et en laissant entendre qu'il pourrait s'agir de lui-même: Wells est le héros du récit d'Alexander. L'autre grande idée est d'avoir organisé une poursuite à travers le temps entre Wells et le célèbre Jack l'Eventreur. Idée géniale car ce sinistre individu n'a jamais été identifié et bénéficie donc d'une aura de mystère qui profite au récit d'Alexander.

Mais ce qui plait le plus dans ce roman, c'est l'humour qui s'en dégage, les quiproquos et les malentendus qui naissent des anachronismes. Le fait est assez rare dans ce type de récits pour mériter d'être souligné. Ainsi la jeune femme que séduit Wells en 1979 va de surprise en surprise, ne sachant trop si son amant est réellement naïf ou il s'il joue les innocents pour la charmer. Lorsque des vaisseaux spatiaux apparaissent sur l'écran de cinéma où l'a entraîné Amy et où l'on joue "La guerre des mondes", Wells se cache derrière le siège de son voisin d'en face, ce qu'Amy considère comme une attitude puérile. Wells est bien sûr émerveillé par des objets comme le téléphone, le réfrigérateur... Mais le clou du récit réside dans la découverte d'un monde sexuellement libéré, ce qui d'abord désarçonne le pourtant très progressiste inventeur. Mais il goûtera vite aux délices des amours modernes.

Lorsque Wells veut prouver à Amy que sa machine fonctionne, celle-ci s'exclame: "Bon Dieu, soupira-t-elle, j'ai bien cru un instant que j'allais être la première vraie Alice au Pays des Merveilles".

Enfin, l'auteur développe toute une série d'indications techniques très intéressantes sur le déplacement dans le temps et sur ses conséquences. Nous y reviendrons dans la dernière section de cet essai.





b. Jarry et la construction de la machine

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Alfred Jarry est mort jeune. C'est un auteur français né en 1873 et mort en 1907. Son "Commentaire pour servir à la construction pratique de la machine à explorer le temps", texte en relation avec les Gestes et Opinions du Docteur Faustroll, Pataphysicien, est paru à titre posthume en 1911. Sans savoir exactement quand il a été écrit, on peut se demander quelle influence Jarry a subie: Einstein, Langevin, Wells, tous les trois?

Quoi qu'il en soit, ce texte contient des réflexions intéressantes sur le passage et la perception du temps, même si dans l'ensemble il est tout à fait farfelu.

Le lien que fait Jarry entre le temps et l'espace est moderne; il considère que "toute partie simultanée du temps, c'est-à-dire l'espace, est étendue et par là explorable à l'aide des machines à explorer l'espace". Quant au temps, "Si nous pouvions rester immobiles dans l'Espace absolu, le long du cours du temps,

c'est-à-dire nous enfermer subitement dans une Machine qui nous isole du Temps (sauf le peu de "vitesse de durée" normale dont nous resterons animés en raison de l'inertie), tous les instants futurs ou passés (nous constaterons plus loin que le Passé est par-delà le Futur, vu de la Machine) seraient explorés successivement, de même que le spectateur sédentaire d'un panorama a l'illusion d'un voyage rapide le long de paysages successifs".

Or, et c'est nous qui le soulignons, la question est justement de savoir comment éliminer ou contrôler cette inertie. Il n'existe pas de moyen de le faire, dans le sens où ce moyen serait pris lui-même dans le mouvement d'inertie de l'univers. On ne peut même pas parler d'élimination totale de l'inertie par la mort ou la destruction d'une entité, puisque "la quantité totale d'énergie de l'univers se conserve, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme", et qu'il semble donc que la disparition "absolue" d'une entité soit impossible.

Jarry conçoit le temps comme une boucle, plaçant, du point de vue de la machine, le futur avant le passé. Pour aller dans le futur, la machine doit accélérer; pour aller dans le passé, la machine doit accélérer plus encore - en parlant d'accélération, Jarry fait probablement allusion à la théorie de la relativité. C'est comme si l'explorateur partait du point ultime du futur -mais à quelle vitesse - et revenait vers le passé en allant de plus en plus vite. Après avoir parcouru le futur, la machine passe par un point mort entre futur et passé, que Jarry appelle Présent imaginaire.

De toutes les façons, tout le temps "persiste", ce qui est peut-être une façon d'expliquer la possibilité de l'existence d'un temps en boucle, puisque tout est déjà réalisé.

"La machine mise en marche se dirige toujours vers le futur". On s'attend donc à ce qu'une accélération entraîne le voyâgeur de plus en plus loin dans le futur, et non dans le passé.

Mais si l'on pense aux tachyons, ces particules hypothétiques qui ont une vitesse strictement supérieure à celle de la lumière, le raisonnement de Jarry ne paraît plus aussi absurde: plus vite vont les tachyons, plus rapidement le temps coule à rebours. Le seul problème, c'est que l'hypothèse de l'existence de tachyons ne sera formulée que des années après la mort de Jarry. Cela signifie-t-il que Jarry, comme Wells, avait un don de prescience "scientifique", ou, comme Wells peut-être, qu'il a effectué un bond dans le futur avec sa machine pour y pêcher l'une ou l'autre idée révolutionnaire? Jarry est-il l'inventeur de la pataphysique, ou en a-t-il ramené l'idée d'un voyage dans le futur?

Animé d'un sens pratique, Jarry pose trois conditions à la réalisation de la Machine:

1) La Machine doit être d'une élasticité absolue pour "pénétrer le solide le plus dense".

2) Elle doit être soumise à la pesanteur pour rester au même endroit.

3) Elle doit être non magnétique pour échapper à toute perturbation de type magnétique.

Concrètement, la Machine se présente sous la forme suivante:

trois gyrostats en rotation rapide déterminant les trois dimensions de l'espace, forment un cube de rigidité absolue, suspendu selon une direction invariable dans l'espace absolu, dans lequel prend place l'explorateur. Un moteur fait tourner les tores. La précision de la machine va du jour aux millions de jours. La machine est "transparente aux espaces successifs du temps".

Jarry conclut son texte par un aphorisme énigmatique:

"La durée est la transformation d'une succession en une réversion. C'est-à-dire: LE DEVENIR D'UNE MEMOIRE".



c. Barjavel et "Le voyageur imprudent"

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Barjavel est un auteur de science-fiction français de renommée internationale. Son roman "Le voyageur imprudent" constitue une référence incontournable lorsque l'on évoque le thème du voyage dans le temps. Contrairement à Wells, Barjavel a le mérite de d'envisager de nombreuses conséquences de la possibilité du déplacement dans le temps. C'est ce qui fait la force de son ouvrage.

Le héros de Barjavel, Saint-Menoux, rencontre un savant obèse, Essaillon, qui a mis au point un produit, la noélite, qui permet de se déplacer dans le temps. Trop gros pour se déplacer lui-même, Essaillon laisse le soin à Saint-Menoux d'effectuer des sauts dans le temps. Après des essais de quelques heures dans le futur proche, Saint-Menoux va dans un futur lointain. Il y découvre l'humanité du Mè siècle, qui vit comme une véritable termitière, avec une reine monstrueusement grosse qui assure la reproduction de l'espèce. Notons que le silence et l'inconscience des hommes du lointain futur sont bien pratiques pour Barjavel, comme ils l'étaient pour Wells. Ils permettent à ces auteurs de contourner la difficulté de devoir imaginer leur pensée. C'est sans doute plus un truc littéraire qu'une vision de prophète. Par ailleurs, constat étrange, comme chez Wells, on trouve chez Barjavel un avenir lointain où n'existe pas de "machine à explorer le temps".

Les bonds de Saint-Menoux sont dans le passé plus intéressants.

Lors d'un retour dans un passé assez récent, à la Belle Epoque, Saint-Menoux agit sous le masque du "Diable Vert", ainsi que l'a nommé la presse de l'époque. Les exploits de ce cambrioleur fantôme sont donc rapportés par la presse, ce qui provoque l'apparition subite en 1942, soit quelques années plus tard, d'un tas d'ouvrages, de l'essai au roman de gare, qui ont pour sujet notre héros et qui, et c'est cela l'intérêt de l'anecdote, n'existaient pas en 1942 avant que Saint-Menoux n'effectue son bond dans le passé. Le plus remarquable, c'est que Barjavel pousse la logique jusqu'à signaler des modifications dans le contenu de ces ouvrages issus du néant, en fonction des nouveaux bonds dans le passé de Saint-Menoux et des nouveaux forfaits du "Diable Vert". Lors d'une de ses incursions dans le passé, Saint-Menoux va se rencontrer lui-même et se parler. Cette rencontre est l'occasion pour nous de développer une conséquence inattendue de la possibilité du déplacement dans le temps: la surimpression infinie, ou mise en abîme temporel. Dans le récit de Barjavel, le moment où Saint-Menoux se rencontre lui-même a déjà existé sans que Saint-Menoux se rencontre lui-même. Cela signifierait que le saut dans le temps ne constitue pas une boucle depuis toujours et à jamais déterminée. Le voyageur du temps garde son libre-arbitre. Mais le prix à payer pour cette liberté est une superposition de tous les retours dans le temps au même moment que doit effectuer le voyageur du temps. Nous développerons plus longuement cette idée dans la section suivante.

Une autre anecdote a son importance: Saint-Menoux loge dans une chambre en face d'un immeuble qu'il trouve horrible. Cet immeuble a été dessiné par l'architecte Michelet, voisin de chambre de Saint-Menoux. Lors d'une de ses actions, le Diable Vert empêche le mariage des parents de Michelet. De retour en 1942, Saint-Menoux a le plaisir de voir que Michelet n'existe pas, mais le désespoir de voir que l'immeuble est encore solidement ancré sur ses fondations. La plasticité du temps semble donc avoir ses limites - est-ce une contradiction? Le bâtiment existe toujours alors que l'architecte qui l'a conçu n'a jamais existé. Au fond, on peut voir là une réponse à la situation qui constitue le clou du récit de Barjavel: la tentative d'assassinat de Napoléon par Saint-Menoux. Saint-Menoux décide effectivement d'aller régler son compte au bourreau de l'Europe du début du 19è siècle. Mais il fait écrit pas de chance. Au moment où Saint-Menoux tire sur le petit grand homme, un soldat passe dans son champ de tir et prend la balle de plein fouet. Ce ne serait pas encore trop grave pour notre héros maladroit s'il ne s'avérait que le soldat en question est son ancètre. Le corps de Saint-Menoux commence alors à osciller entre l'être et le non-être au cours de l'agonie de son aïeul. Pendant ce temps, un siècle plus tard, le souvenir de Saint-Menoux s'efface peu à peu de la mémoire de sa fiancée Annette. Saint-Menoux n'a jamais existé! L'histoire est finie.

Mais quinze ans après la première parution de son livre, Barjavel nous offre un post-scriptum saisissant de profondeur et de réalisme dans lequel il propose une autre issue, ou plutôt une non-issue, à son récit:

Il a tué son ancêtre?

Donc il n'existe pas.

Donc il n'a pas tué son ancêtre.

Donc il existe.

Donc il a tué son ancêtre.

Donc il n'existe pas...

Paradoxe vertigineux mais qui s'explique par l'hypothèse même de la possibilité d'un déplacement dans le temps, comme nous le verrons dans la dernière section de cet essai.

Or le même paradoxe surgit à propos de l'existence de l'univers, comme nous l'avons vu dans la première partie de cet ouvrage, mais l'univers existe réellement. Ou bien l'on devient fou, ou bien l'univers n'existe pas. Ce qui nous pousse à dire que les paradoxes développés dans cet essai ne sont pas un simple jeu de l'esprit, mais le reflet fidèle de la réalité.

Visiblement, Barjavel s'est abreuvé de lectures scientifiques sur les développements de la physique quantique, et en a saisi l'essentiel. Son détournement de la célèbre citation de Shakespeare "To be or not to be, that is the question", en "To be and not to be, that is the answer, perhaps" résume notre vision actuelle de l'univers: "Aucune métaphore ne peut nous aider. Sa qualité d'être nous est inconnaissable. Seuls pourraient peut-être s'en faire une très vague idée les physiciens de notre temps, spécialistes des particules constituantes de l'atome. Car tout ce qu'ils savent de ces particules, tout ce que leur a appris d'elles l'irréfutable logique mathématique, c'est qu'à chaque instant elles ne sont ni quelque part ni ailleurs - ni ici, ni là, ni autre part - ni nulle part ni partout... Et pourtant ce sont ces particules improbables tournant autour du néant qui constituent le papier de ce livre et votre main qui le tient et votre oeil qui le regarde et votre cerveau qui s'inquiète... Inquiétantes, effrayantes, vagabondes particules de votre corps... Elles ne sont jamais à leur place et pourtant jamais ailleurs. Il n'y a rien entre elles, et là où elles sont, il n'y a rien. Alors, vous qu'êtes-vous? Etre et ne pas être, voilà la question. A moins que ce ne soit une réponse...". Ce qui ne fait que traduire d'une autre façon les paradoxes de l'impossibilité du mouvement de Zénon, ou le paradoxe d'Epiménide le crétois affirmant que "tous les crétois sont des menteurs".

Un mot sur la conception du temps de Barjavel. Sa conception du temps diffère totalement de celle de Wells. Alors que Wells a insisté sur le fait que l'Etre EST temps, Barjavel défend l'idée d'une distinction possible entre l'être et le temps: il pourrait exister des choses hors du temps: "Ces coffres que vous avez vus sont enduits intérieurement d'une peinture à base de noëlite 3. Cette peinture soustrait à l'action du temps ce qui se trouve à l'intérieur du coffre. La lampe verte annule l'action de la noëlite. J'introduis dans le coffre un poulet vivant. J'éteins la lampe. Le poulet cesse de devenir. Le présent, qui n'existait pas pour lui, sera désormais l'unique forme de son temps. Il ne bouge plus, car mouvement suppose vitesse, départ et arrivée, déplacement du temps. Son sang s'arrête. Ses sensations ne courent plus le long de ses filets nerveux. Il reste figé dans le présent. Il peut demeurer ainsi mille ans, sans vieillir, sans sentir. Dès que se rallume la lampe verte, il recommence à exister. Une allumette enflammée peut rester dans mon coffre une éternité sans s'éteindre ni se consumer".

Barjavel poussera cette idée à son comble dans la description d'une pluie de noëlite qui tombe sur une ville. Les objets ou organes touchés par la substance sont figés, littéralement hors du temps. C'est un "moment" de terreur pour les habitants: "Toute la ville hurle. Tous les êtres vivants, atteints par-ci par-là, continuent à devenir, avec la partie de leur corps qui n'a pas été touchée, tandis qu'une autre partie s'immobilise dans le temps".

En émettant l'hypothèse que l'on puisse s'extraire du temps et continuer à percevoir le monde, Barjavel illustre parfaitement les conséquences du raisonnement d'Edwin Abbott Abbott dans Flatland, ce récit de la perception du réel par un être en deux dimensions, qui laisse croire qu'une réalité, en l'occurrence une réalité en deux dimensions, pourrait exister hors du temps, puisque nous avons vu que le temps est l'expression d'une réalité en trois dimensions spatiales.

Il est intéressant de se reporter ici à un article, l'article Dimension de d'Alembert paru dans l'Encyclopédie, soit un siècle avant la parution d'Abbott Abbott et de Wells, et un siècle et demi avant Barjavel: "J'ai dit qu'il n'est pas possible de concevoir plus de trois dimensions. Un homme d'esprit de ma connaissance croit qu'on pourrait cependant regarder la durée comme une quatrième dimension et que le produit du temps par la solidité serait en quelque manière un produit de quatre dimensions. Cette idée peut être contestée, mais elle a, il me semble, quelque mérite, quand ce ne serait que celui de la nouveauté". Une idée alors révolutionnaire mais reposant sur une conception du temps et de la réalité qui est complètement dépassée par les derniers développements de la physique, et en particulier de la physique quantique, et par les nouveaux raisonnements logiques qui montrent que le temps est "constitutif" du réel, et non pas une dimension indépendante qui viendrait s'ajouter aux trois dimensions de l'espace.



Bradbury et Un coup de tonnerre

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Bradbury est un écrivain célèbre pour ses Chroniques martiennes et les nombreux scénarios qu'il a écrit pour le cinéma et la télévision.

Un coup de tonnerre est une nouvelle qui est devenue une référence incontournable lorsque l'on évoque le thème du voyage dans le temps, car Bradbury y développe une conséquence possible importante du déplacement dans le temps: l'amplification d'un acte insignifiant au point de modifier le cours du temps de manière significative. Le récit repose sur le thème de l'exploitation du voyage dans le temps à des fins commerciales.

En 2055, une agence de voyages dans le temps organise une chasse au Tyrannosaure, le Lézard du Tonnerre, au crétacé. "Mais les amateurs d'émotions fortes ne sont pas conscients que le sort du moindre insecte préhistorique est lié à celui des milliards d'individus qui vivent au XXIè siècle? Un seul faux pas et le cours de l'histoire basculerait, bouleversant le destin de l'humanité...".

C'est évidemment l'erreur que va commettre Eckels, un des riches touristes de l'expédition, en écrasant un papillon du crétacé. Un battement d'ailes de papillon dans l'hémisphère nord peut provoquer un ouragan dans l'hémisphère sud, amplifiant l'extrême sensibilité aux conditions initiales des phénomènes atmosphériques, comme le suggèrent les théories du chaos; le papillon écrasé au crétacé provoquera un changement de l'histoire au XXIè siècle. "Ecraser une petite plante de rien du tout peut avoir des conséquences incalculables. Une petite erreur ici peut faire boule de neige et avoir des répercussions disproportionnées dans soixante millions d'années. Evidemment, notre théorie peut être fausse. Peut-être n'avons-nous aucun pouvoir sur le temps; peut-être encore le changement que nous provoquerions n'aurait-il lieu que dans des détails plus subtils... Mais tant que nous nageons dans l'incertitude sur la tempête ou le léger frémissement que peut créer notre incursion dans le Temps, nous devons être bougrement prudents", disait Travis, le responsable du groupe, avant le départ de l'expédition. Travis avait raison. De retour au XXIè siècle, les voyageurs du temps remarquent d'abord un changement secondaire, une modification de l'orthographe:

"L'écriteau imprimé, sur le mur, celui-là même qu'il avait lu tantôt, lorsqu'il avait pénétré pour la première fois dans le bureau. On y lisait:

" Soc. La chas à traver les âge

Parti de chas dans le Passé

Vou choisises l'animal.

Nou vou transportons.

Vou le tuez."

Mais il y a plus grave, beaucoup plus grave. Alors qu'ils étaient partis dans le passé satisfaits de l'élection d'un humaniste à la présidence des Etats-Unis, les voyâgeurs ont la mauvaise surprise de constater à leur retour que la nouvelle version de l'histoire s'est choisi un dictateur pour diriger le pays de la liberté.

Il s'agit d'un changement symbolique important car annonciateur d'une nouvelle civilisation, mais on ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un bouleversement fondamental à l'échelle de l'histoire, comme si Bradbury n'avait pas osé trop nous éloigner de nos cadres de référence. Ajoutons que, la chaîne évolutive reliant les insectes à l'homme étant déjà bien avancée au crétacé, la perturbation provoquée par la mort du papillon doit faire partie des éléments circonstanciels de l'histoire de la terre.

Admirons par ailleurs la façon dont Bradbury se joue des "paradoxes". A la question d'Eckels de savoir si, au cours de leur descente au crétacé, ils n'auraient pas dû se croiser eux-mêmes en train de revenir au XXIè siècle, gage de la réussite de l'expédition, le chef de celle-ci dit: "Ce serait un paradoxe... Le temps ne souffrirait pas un tel gâchis, la rencontre d'un homme avec lui-même. Lorsque de telles possibilités se présentent, le Temps fait un écart sur lui-même... Avez-vous senti la Machine faire un bond juste au moment où elle allait s'arrêter? C'était nous-mêmes, nous croisant sur le chemin du retour. Nous n'avons rien vu. Il nous serait impossible de dire si notre expédition a été un succès..."

Et le tyrannosaure dans tout cela? Il sera abattu par Eckels et ses compagnons. Or, c'est tout de même un fameux "papillon", ce dinosaure! Sa mort doit certainement provoquer de graves perturbations du temps. Mais Bradbury a tout prévu. Il a envoyé Travis dans le passé pour repérer un tyrannosaure sur le point de mourir et déterminer le moment exact de sa mort. L'intervention des "chasseurs du temps" ne provoquera donc pas une modification de l'histoire. Par précaution, Travis oblige même Eckels, qui entre-temps a écrasé un papillon, à aller retirer les balles du corps du monstre, pour ne pas laisser traîner au crétacé des objets anachroniques.

Le "coup de tonnerre", c'est d'abord celui que provoque l'apparition du tyrannosaure. Mais c'est aussi celui de la carabine de Travis, le chef de l'expédition, au moment où il appuie sur la gâchette pour abattre Eckels. Car à cause de lui, l'expédition fut un échec.





Leiber et Le cycle de la guerre modificatrice

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Le cycle de la guerre modificatrice consiste en une série de romans et de nouvelles qui ont pour thème une guerre à travers le temps entre les Serpents et les Araignées. Les Serpents et les Araignées ne sont pas des monstres, mais des êtres humains ressuscités. Ils sont recrutés par les deux camps qui se livrent une guerre à travers le temps. L'originalité de l'oeuvre de Leiber est de ne rien dévoiler du déroulement de cette guerre, mais de s'attacher à la description du recrutement des soldats et des détails de leur vie quotidienne. Et tout cela dans un style particulier qui rend plausibles les situations les plus extravagantes car le lecteur s'identifie facilement aux personnages que, la plupart du temps, Leiber ne nomme pas.

Tout ce qu'on sait de l'armée des Araignées, par exemple, c'est que "C'est une très grosse organisation... Appelle-la empire ou pouvoir, si tu le désires. Elle a toujours existé et elle existera toujours. Elle a des agents partout, au sens propre du mot. L'espace et le temps ne sont pas pour elle des obstacles. Son but, autant que tu sois jamais capable de le connaître, c'est de modifier, pour sa propre extension, non seulement le présent et le futur, mais aussi le passé. C'est une organisation de compétition impitoyable et elle est sans pitié envers son personnel".

Dans la nouvelle Le matin de la damnation, Leiber décrit le recrutement d'un clodo-poivrot récemment décédé par une Araignée mystérieuse: "Je suis Ressusciteuse, dit-elle avec le même calme. J'arrache les cadavres au continuum espace-temps et leur donne la liberté de la quatrième dimension. Quand je t'ai ressuscité, je t'ai détaché de ta ligne de vie à côté du point que tu pensais être Maintenant... Ou encore, j'ai créé une bifurcation dans ta ligne de vie, si tu préfères, et tu te trouves dans l'embranchement libre. Mais l'autre Toi, le Toi enseveli, celui que les gens croient être le Toi réel, est resté là-bas dans ta chambre avec les autres Zombies qui font semblant". Lorsqu'elle dit cela, la Ressusciteuse et sa recrue sont toujours dans l'espace-temps "normal". "Nous nous déplaçons à travers lui à la même vitesse temporelle que le Toi que nous avons laissé là-bas, marchant de pair avec son Maintenant. Mais tous deux nous avons un mode de liberté supplémentaire, à présent imperceptible et non opérationnel. Ne t'inquiète pas, je construirai une Porte et nous partirons d'ici bientôt...".

Dans la nouvelle Essayez de changer le passé, nous assistons aux premiers pas d'un autre ressuscité, un Serpent cette fois, dans la quatrième dimension. Le zigue a réussi à entrer dans la Salle de Transfert, sans se faire remarquer. Il ne se satisfait pas de sa nouvelle "réalité" et retrouverait volontiers sa condition de "zombie". Il décide de retourner dans le passé quelques heures avant l'instant où sa femme, enragée par son manque de caractère, lui tire une balle entre les deux yeux, et retourne ensuite l'arme contre elle-même. Or, le pauvre homme venait d'apprendre par téléphone qu'il avait hérité de l'immense fortune de son oncle décédé. C'est une réalité qui vaut la peine d'être vécue! Le Serpent décharge l'arme de sa femme et la remet dans le tiroir, convaincu de s'épargner ainsi les stigmates d'un troisième oeil, mais à l'heure du drame, voilà que son double reçoit la balle entre les deux yeux, comme cela avait déjà été le cas. C'est que "Les balles qu'il avait ôtées étaient elles aussi des doubles; elles avaient disparu du monde réel uniquement au point de l'espace-temps où il les avait ôtées, mais elles avaient continué à exister, aussi réelles que jamais, dans les tranches antérieure et postérieure de leur ligne de vie, ce qui faisait que le révolver était à nouveau chargé au moment où sa femme s'en était emparé". Anderson adopte le même argument pour résoudre le problème du paradoxe du grand-père de Barjavel. Le Serpent ne se laisse pas démonter. Il décide de revenir quelques minutes avant que sa femme n'empoigne le révolver, et le garde sur lui. "Deux choses le rassurèrent un peu, bien qu'il se fût attendu à l'une et eût espéré l'autre: sa femme ne remarqua pas sa présence sous forme de double et, quand elle alla prendre le révolver, elle se comporta tout comme s'il n'était pas enlevé et tint sa main droite comme si l'arme était dedans... Sa femme ricana et fit le geste de tuer son Moi. A coup sûr, cette fois il n'y eut pas de coup de feu, ni de trou entre les yeux provoqué par une balle apparaissant mystérieusement, ce qui était une chose dont il avait eu peur". Justement, n'est-ce pas ce qui aurait dû se produire, ou tout au moins le double ne devait-il pas s'écrouler comme s'il avait reçu une balle entre les deux yeux? Leiber complique un peu la situation. Le double, désespéré, s'approche du révolver, visible, que tient le Serpent invisible et s'exécute proprement. C'est que "L'univers spatio-temporel à quatre dimensions n'aime pas être modifié, de même qu'il n'aime pas perdre ou gagner de l'énergie ou de la matière". Mais notre Serpent n'en a cure. Même si sa survie doit provoquer un bouleversement du futur, il veut profiter de l'héritage de son oncle. Il fait donc une nouvelle tentative, prenant bien soin cette fois de cacher l'arme. Que croyez-vous qu'il se passât? Le double semble vouloir saisir sa chance, il se dirige vers la fenêtre ouverte mais soudain s'écroule; il a reçu un éclat de météorite entre les deux yeux! "Si un statisticien cherche un exemple d'événement hautement improbable, il peut difficilement en choisir un plus éclatant que la probabilité pour un homme d'être atteint par une météorite. Et s'il ajoute la condition que la météorite le frappe entre les deux yeux afin de contrefaire la blessure provoquée par une balle de calibre 32, l'improbabilité prend une dimension astronomique. Aussi, comment quelqu'un peut-il essayer de déjouer les plans d'un univers qui trouve plus facile de transpercer la tête d'un homme que de différer l'heure de sa mort?".

Conclusion: le point de vue de Leiber est le pendant exact de celui de Bradbury: "Le continuum espace-temps est constitué d'une matière persistante et le changement n'est rien d'autre qu'une réaction en chaîne. Changez le passé et vous provoquerez une vague de changements refluant vers le futur, mais elle s'amortit très vite. Avez-vous jamais entendu parler de réluctance temporelle? Ou de la Loi de Conservation de la Réalité?".













Benford et Un paysage du temps

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Grégory Benford est un physicien américain de haut niveau spécialisé en physique atomique, qui a imaginé la possibilité de communiquer avec le passé au moyen des "tachyons", ces particules plus rapides que la lumière que nous avons décrites dans la section précédente.

Nous sommes au printemps 1998. Le héros Renfrew, physicien atomique, doit convaincre un représentant du gouvernement anglais, Peterson, que ses recherches valent la peine d'être poursuivies. Il lui explique donc que son objectif est d'envoyer un message aux chercheurs de 1963 pour les mettre en garde contre les effets dramatiques de la pollution des océans et les inciter à prendre des mesures qui préviendront la situation catastrophique de la terre de 1998. Ecoutons Renfrew:

"Nous essayons de concentrer des salves de tachyons en visant de telle façon que..."

"Un instant. Il s'agit de viser quoi, au juste? Et où donc se trouve 1963?"

"Assez loin, à ce qu'il semble. Depuis 1963, la terre a continué de tourner autour du soleil, et le soleil s'est lui-même déplacé autour du centre galactique, etc. Si vous comptez avec tous ces éléments, vous verrez que 1963 est très loin."

"Mais par rapport à quoi?"

"Eh bien, par rapport au centre de l'amas galactique régional. Remarquez bien que l'amas de déplace lui aussi, si on le compare au système de coordonnées fourni par le bruit de fond des ondes ultra-courtes et..."

"Ecoutez, laissez tomber ce jargon, voulez-vous? Etes-vous en train de me dire que 1963 est quelque part dans le ciel?"

"En quelque sorte. Nous essayons de l'atteindre avec le faisceau de tachyons. Pour cela, nous devons balayer tout le volume d'espace où se trouvait la terre à cette époque précise".

"Ca paraît totalement impossible."...

Enfin quelqu'un qui se pose la question essentielle de savoir OU se trouve une époque!

Remarquons la subtilité de l'auteur, qui semble vouloir faire dire au représentant du gouvernement que ce qui paraît impossible, c'est de balayer "tout le volume d'espace où se trouvait la terre à cette époque précise", et non le fait qu'elle puisse toujours s'y trouver. Quoi qu'il en soit, en répondant de façon précise à la question, l'auteur contredit un enseignement essentiel de la Relativité d'Einstein: c'est qu'il n'y a pas de point de repère, donc d'espace, absolu. En réalité, l'univers n'est nulle part. C'est bien le sens de la question "par rapport à quoi" du représentant du gouvernement."

"... Vous comprenez, pour aller loin dans le passé les tachyons doivent voyager longtemps."

Peterson demande alors ce que le fait de dépasser la vitesse de la lumière a à faire avec le voyage dans le temps. Markham, le collègue de Renfrew, lui explique que c'est une conséquence directe de la relativité restreinte, comme nous l'avons vu dans la section précédente. Peterson évoquera alors le paradoxe du grand-père et n'aura de cesse de demander à ses interlocuteurs comment ils comptent l'éviter.

"C'est tellement bizarre de penser que les gens du passé sont réels", dit Marjorie, l'épouse de Renfrew.

Peterson a une idée judicieuse pour se convaincre que Renfrew et Markham ont raison, et que le monde dans lequel ils vivent est peut-être déjà celui qu'a conditionné Renfrew. Il demande à ce dernier d'envoyer un message dans le passé, pour suggérer aux physiciens récepteurs de 1968 de louer un coffre dans une banque, et d'y laisser un message prouvant que l'expérience a réussi. Et effectivement, Peterson trouve ce message. Se pose alors la question suivante: si l'avenir est déjà modifié, à quoi sert-il que Renfrew poursuive l'expérience?

Benford résume parfaitement la position de la majorité des physiciens actuels, position que combat Prigogine. Il estime que notre perception de l'écoulement du temps n'est qu'une illusion car les équations physiques sont toutes temporellement symétriques. De plus, il n'y a aucun moyen de mesurer la vitesse de passage du temps, faute de pouvoir concevoir un système de coordonnées qui le permette. "Donc il ne s'écoule pas. Pour ce qui concerne cet univers, le Temps est figé".

Mais à ce train-là, tout ce qui est actuellement non résolu est impossible. Par ailleurs, c'est bien la "logique" elle-même qui nous prouve qu'une chose ne peut différer d'elle-même que dans le temps.

Enfin, par sa remarque, le personnage Markham reconnaît que le temps s'écoule, puisqu'il parle d'une vitesse, comme Poincaré le faisait en posant la question de savoir comment nous pourrions mesurer un écoulement deux fois plus rapide du temps.

Markham dit encore: "On peut changer le passé, mais seulement si l'on n'essaie pas de susciter un paradoxe. Si l'on essaie, l'expérience reste suspendue dans cette phase intermédiaire".

Mais le moindre changement de réalité n'est-il pas un paradoxe? Une présence soudaine dans l'univers ne constitue-t-elle pas un changement? Nous reviendrons sur ces questions.





Asimov et La fin de l'éternité

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Voici un livre proprement irrésumable, tant il fourmille d'idées et d'inventions originales, tant son style est haché. Ce qui en rend la lecture indispensable quoique parfois difficile. Au bout du compte, on a l'impression d'avoir lu un grand livre, parce qu'unique.

Asimov est une sorte d'enfant prodige qui a vu publier sa première nouvelle à l'âge de dix-neuf ans, et qui a trouvé ensuite assez de motivation pour passer deux licences universitaires, en chimie et en biologie.

Asimov nous interpelle de l'Eternité. Par comparaison, les oeuvres de Wells et de Barjavel semblent faire partie de la préhistoire du voyage dans le temps. En effet, la perpective dans laquelle Asimov place son héros Harlan est tout simplement "infinie". Asimov donne l'impression d'avoir une véritable carte du temps sous les yeux, envoyant Harlan exécuter des Changements de Réalité à des époques plus ou moins éloignées du futur. Or justement, si l'on parle d'éloignement, ce ne peut être qu'à partir d'un point, d'une époque de base. Cette époque, c'est le 482è siècle. Harlan, donc, est un technicien qui a pour tâche de réaliser les modifications de réalité mises en équations par les Calculateurs. Il s'agit d'empêcher l'accident de tel individu à telle époque pour tuer dans l'œuf une guerre qui se serait déclarée quelques années plus tard. L'objectif est d'obtenir une réalité parfaite.

Les époques évoquées par Asimov semblent dérisoires en regard de l'éternité. Pourquoi avoir évoqué le 482è ou même le 70000è siècle? Pourquoi pas le 607003 milliards de millénaires? Asimov répond à cette remarque par le fait qu'il existe des "Siècles Cachés", période qui s'étend précisément du 70000è au 150000è siècle, où la barrière existant entre le Temps et l'Eternité est infranchissable; et par le fait que toute vie humaine a disparu au-delà du 150000è siècle.

Notons que le héros de Wells est allé jusqu'à l'an 800000 et celui de Barjavel jusqu'au millième siècle. Les voyageurs du temps semblent s'aventurer de plus en plus loin dans le temps au fil des oeuvres.

Le livre d'Asimov est bourré de contradictions, mais Asimov a le mérite de les affronter et de les développer: le fait qu'il existe une région où des être et des choses subsistent soi-disant sous une autre forme de temps - Asimov parle de "physio-années" -mais une autre forme de temps en fait très semblable au temps que nous connaissons, puisqu'une physio-année correspond au vieillissement d'un an dans le cours normal du temps. Cette contradiction a au moins le mérite de souligner que l'Eternité est bien le comble du temps, et non pas l'absence de temps: "Dans l'éternité, il n'y avait pas de temps au sens habituel du terme dans l'univers extérieur, mais l'organisme humain vieillissait, soumis qu'il était à la marche inexorable du Temps, même en l'absence de phénomènes physiques significatifs". Asimov doit bien admettre qu'il n'y a pas de véritable différence entre le temps de l'Eternité et celui du monde extérieur, ce qui pousse à se demander quel peut être l'intérêt de raconter la vie des Eternels. On ne se sent pas vraiment concerné, - leur vie est si semblable à celle des humains, en moins bien -, mais peu après qu'on se soit posé cette question, Asimov entraîne son héros dans l'univers extérieur à l'Eternité, c'est-à-dire dans "notre" réalité. Harlan y retrouve celle qu'il aime et l'entraîne dans une époque interdite.

Comme Barjavel et Abbott Abbott, mais à la différence de Wells et Bergson, Asimov semble penser que des choses peuvent exister hors du temps, comme dans une réalité à l'état de pause. Chaque époque semble avoir sa vie propre, ce qui dépasse tout entendement: "Au cours des deux physio-années qui se sont écoulées depuis votre départ, le 482è siècle a traversé une crise qui a atteint un point critique." Comment cela est-il possible? Le 482è siècle est depuis toujours accompli et connu, il n'a pas d'autonomie, les seuls changements sont ceux apportés par les Eternels. Mais justement, ne sont-ce pas des changements antérieurs qui l'influencent? A ce train-là doit régner dans le temps un chaos indescriptible.

Pour Asimov, une modification du passé aura des effets qui s'amplifieront avant de s'atténuer peu à peu: "Les répercussions s'étendirent plus loin, par vagues successives, atteignirent leur maximum au deux mille quatre cent quatre-vingt unième siècle, c'est-à-dire vingt-cinq siècles après l'intervention. L'intensité du Changement de Réalité déclina ensuite. Les Théoriciens établirent qu'à aucun moment, dans la suite infinie des siècles, il ne deviendrait égal à zéro, mais, cinquante siècles après l'intervention, il était devenu trop petit pour être détecté par l'ordinateur le plus perfectionné et c'était là sa limite pratique". Au fond, on ne voit là rien que de très naturel, mais qu'aucun auteur n'avait encore mis en évidence d'une façon aussi nette, même si Barjavel et Anderson font allusion à la "plasticité" du temps.

Lors d'une de ses incursions dans le cours du temps normal, Harlan s'aperçoit "lui-même", car il est revenu par inadvertance à un instant qu'il avait déjà investi au cours d'un de ses précédents sauts temporels. Mais son lui "observé" ne sait pas qu'il s'agit de lui-même. Il a seulement entendu un bruit dans une autre pièce: "... une personne occupant deux points du même Temps dans la même Réalité court le risque de se rencontrer elle-même."

"De toute façon, c'était une chose à éviter. Pourquoi? Harlan savait qu'il ne désirait pas se rencontrer lui-même. Il ne désirait pas regarder dans les yeux un autre Harlan (antérieur ou ultérieur). Ce serait d'ailleurs un paradoxe et qu'est-ce que Twissel se plaisait à répéter? "Il n'y a pas de paradoxes dans le Temps, mais seulement parce que le Temps évite délibérément les paradoxes". Comme nous le verrons, Asimov décrit là une boucle inscrite dans le pur déterminisme, comme nous le verrons plus loin.

Asimov assume les conséquences du voyage dans le temps: "plus d'une fois, il lui apparut que sa propre présence dans ce siècle, en tant qu'individu venu d'une autre époque, pouvait faire dévier le cours de son histoire. Si sa simple présence, qui constituait un élément perturbateur, pouvait exercer une influence décisive à quelque point clef, une autre séquence de probabilités deviendrait réelle...". C'est une autre façon d'exprimer la réalité de la sensibilité d'un système à ses conditions initiales.

Voici, pour conclure, un des passages qui nous intéressent le plus: "Ils (les humains) savent vaguement que notre présence a également pour but d'empêcher la catastrophe de frapper l'humanité". Les Eternels, ces hommes passés dans un univers parallèle d'où ils contrôlent l'histoire de la terre, peuvent-ils seuls empêcher la "collision temporelle" de se produire?



Moorcock et Voici l'homme

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Voici "Voici l'homme". D'un point de vue purement littéraire, il s'agit sans doute du meilleur ouvrage de ce répertoire pourtant bien achalandé: il allie sobriété, clarté, profondeur et cohérence. De plus, le point de destination du héros, les années d'existence du Christ, est bien moins souvent exploité qu'on aurait pu le croire.

Moorcock est un écrivain anglais à œuvre prolifique. Il est surtout connu du grand public pour sa saga d'Héroïc-Fantasy "Elric le Nécromancien".

Moorcock se permet de nombreuses audaces dans Voici l'homme. Il envoie son héros, Karl Glogauer, en 28 de notre ère. Glogauer veut assister à la crucifixion de Jésus. Ce qu'il ignore, c'est que le fils de Dieu souffre d'une déficience mentale et qu'il ne correspond absolument pas à l'image historique dont il s'est imprégné. Glogauer est un torturé, empêtré dans sa médiocrité jusqu'au jour où il décide de quitter une époque qui ne tolère que la force et le courage, et un entourage qui ne supporte plus ses plaintes. Il se laisse entraîner par son destin et joue le rôle qui était attribué au fils de Marie.

L'originalité et la force du livre de Moorcock, c'est de juxtaposer le parcours du Glogauer médiocre et celui de l'acteur d'une histoire insolite. Nous assistons à l'évolution psychologique de Glogauer, nous le voyons s'imprégner de son rôle de malheureux promis à un grand destin, pour assister finalement à sa crucifixion. Grâce à la finesse et à la précision de son analyse psychologique, et par le fait que le récit est émaillé de paraboles bibliques, cette histoire constitue la meilleure illustration d'une situation de déterminisme absolu.

Moorcock va même plus loin. Prenant les autres récits de déplacement dans le temps, où le jeu consiste à éviter ou à résoudre les paradoxes qu'il provoque, à contrepied, Moorcock fait, du déplacement dans le temps, la solution au paradoxe qu'aurait provoqué l'inexistence d'un Christ crucifié. C'est un comble!



Profitons de l'occasion pour dire un mot du type de voyageurs du temps que nous avons rencontrés.

 

Heinlein et Vous les Zombies

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Robert Heinlein a une formation d'ingénieur. Ses nouvelles et ses romans ont souvent été primés. Il est reconnu comme l'un des auteurs qui maîtrisent le mieux les subtilités de la logique et, dans le cas du déplacement dans le temps, les subtiles infractions à la logique!

Quitte à mettre en scène l'invraisemblable, autant le pousser jusqu'à son comble. Le héros de la nouvelle d'Heinlein, âgé d'une trentaine d'années mais dont on ne connaît pas le nom puisqu'il est le narrateur, s'entretient avec le patron du bar secret réservé aux voyageurs du temps. Le patron l'envoie quelques décennies dans le passé pour qu'il y fasse la connaissance d'une jeune fille. Il poussera le zèle si loin qu'il en tombera amoureux et la mettra enceinte, avant de repartir dans le futur. Quant à la jeune fille, peu après l'accouchement, elle subit une opération qui la transforme en homme. Une fois sortie de l'hôpital, elle effectue un bond de 20 ans en arrière et dépose son bébé à l'entrée d'un orphelinat. La situation n'est déjà pas banale, mais le caractère extraordinaire de l'histoire apparaît à la fin de la longue nouvelle d'Heinlein, lorsque le lecteur comprend que tous les personnages de l'histoire sont un seul et même individu!

Autrement dit, le héros d'Heinlein s'entretient avec lui-même plus jeune dans un bar, et se fait se rencontrer lui-même lorsqu'il était encore une jeune fille, pour se mettre enceint(e) lui-même et, une fois subie l'opération du changement de sexe, se déposer lui-même, bébé, une vingtaine d'années plus tôt, sur le seuil d'un orphelinat. Il peut alors profiter d'une semaine de repos bien méritée. Nous avons là une belle incarnation du "serpent Ouroboros, le serpent qui dévore éternellement sa propre queue, symbole du Grand Paradoxe de la civilisation crétoise.

Pourquoi placer l'apport d'Heinlein à cet endroit? Parce qu'il est considéré par ses pairs et par nombre de scientifiques intéressés par le voyage dans le temps, comme celui qui a montré la pertinence de l'idée du voyage dans le temps. La situation qu'il décrit est l'inverse exact de celle que rapporte Barjavel à la fin du Voyageur imprudent. Au contraire de Saint-Menoux, le héros d'Heinlein fait tout pour assurer ses arrières.

Le comble du comble, c'est d'imaginer que l'humanité entière est un seul et même individu, un Adam du futur venu dans le passé pour se démultiplier à l'infini. De quoi donner mal aux côtes.

Comme Barjavel, Heinlein tient compte des problèmes de matérialisation dans une époque donnée, insistant sur le fait qu'elle doit être calculée pour éviter tout incident, non pas à cause d'un objet quelconque qui se trouverait à l'endroit de la matérialisation, de l'achronissage, mais du "choc en retour du champ".

Petit test de compréhension: quel est le sexe du bébé abandonné par son père-mère?









Igor et Grichka Bogdanoff et "La machine fantôme"

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Les frères Bogdanoff sont tous deux docteurs en sciences et célèbres pour avoir animé pendant plusieurs années des émissions télévisées qui alliaient les sujets scientifiques les plus sérieux aux plus grands délires de la fiction.

La nouvelle des jumeaux de Temps X, voyageant à bord de leur chrononef, est en quelque sorte un développement de la discussion des personnages de Wells, dans le premier chapitre de "La machine à explorer le temps", et propose une issue différente de celle de la nouvelle Experiment de Fredric Brown, que nous aborderons plus loin.

Le professeur Biggle a mis au point le Chronodyne, mais ses collègues l'appellent par erreur Chronogyre, ce qui est sans doute un clin d'oeil des frères Bogdanoff à la série télévisée "Time tunnel".

Biggle veut effectuer une démonstration du fonctionnement du Chronodyne, mais il ne parvient pas à convaincre le parterre d'hommes de science de toutes les disciplines qui l'écoutent, qu'il a réussi à envoyer une feuille de papier dans le temps. Il se fait même railler par ses collègues, comme Aurélien de Champignac, neveu du Comte bien connu, dans Spirou.

Biggle envoie donc dans le futur une feuille de papier qu'il a paraphée. Quelques minutes plus tard, elle réapparaît. C'est donc qu'elle était "hors du temps" jusqu'à ce que l'époque du professeur Biggle la rattrape. Mais si l'époque a du retard sur la feuille, c'est qu'elle n'est pas réalisée ailleurs, dans le futur.

Pour le passé, c'est plus compliqué: "Voyons Biggle! Va encore pour le futur, mais le passé!... Vous savez bien que c'est radicalement contraire à la relativité!". A quoi Biggle réplique "... qu'à l'intérieur de champs non locaux, rien n'interdit qu'un corps matériel puisse remonter le long de sa ligne d'univers", ce qu'un petit coup d'oeil à la Section Science vous confirmera, et ce que ne pouvaient manquer de savoir les ingénieurs et docteurs en sciences Bogdanoff.

De fait, voilà que surgit du néant sur le plateau du chronodyne une feuille signée par Biggle dans un futur de huit minutes. Le doyen se demande comment Biggle peut avoir en mains un papier qui n'existe pas encore: " C'est pourtant simple! Pour prendre une image grossière, vous savez tous qu'il y a deux façons de faire avancer un mobile: le tirer ou, au contraire, le pousser... Eh bien, grâce à mon chronodyne, pour la première fois, nous sommes en mesure de faire "tirer" un événement par le futur, au lieu de le laisser "pousser" par le passé". On pense au temps vu de la machine de Jarry.

Mais vient alors la question logique: que se passerait-il si Biggle ne plaçait pas la feuille sur le plateau du chronodyne pour l'envoyer dans le passé? "D'après mes équations, l'une des possibilités les plus vraisemblables serait la disparition pure et simple de notre univers à partir de l'événement". Biggle rassure ses collègues: il ne va pas jouer au savant fou. Mais le doyen Kooning, qui n'apprécie pas du tout Biggle, a alors une exclamation de triomphe: "Je serais curieux de savoir sur quelle feuille vous allez expédier votre satané message!, grinça-t-il sur un ton menaçant". Il semble en effet que ni la feuille que tient Biggle ni une autre feuille ne puisse être posée sur le plateau. S'il pose la feuille qu'il a en mains, il fera "nécessairement apparaître dans le passé quelque chose qui n'a jamais été créé", car qui aura rédigé le message? On rencontre là le paradoxe de la connaissance développé par le philosophe Davies, et qui n'est qu'une variante du paradoxe du grand-père développé par Barjavel. Si Biggle pose une autre feuille sur le plateau, il va modifier le passé; le futur modifiera irrémédiablement le passé. La situation est impossible.

"Pourtant, la solution existait bel et bien, puisque la feuille était là, sous ses yeux!".

Biggle griffonne alors une autre feuille et l'envoie dans le passé, espérant que celle qu'il a en mains disparaîtra aussitôt. Au contraire, c'est un nouveau message qui apparaît sur le plateau du chronodyne. C'est un message envoyé du futur par Biggle à lui-même pour le mettre en garde contre ce type d'expérience. Mais il est trop tard, tout disparaît! "Un éclair blanc-bleu, venu de nulle part, happa soudain toutes les formes visibles, engloutissant en un instant les contours et les ombres. Et ce fut tout".

Ce n'est pas tout. L'expérience a été un échec. Biggle n'a pas réussi à faire se déplacer un objet dans le temps. La salle de conférence se vide, mais ne fond pas dans le vide. Dernier à la quitter, Biggle voit une feuille de papier sur le plateau du chronodyne. Il hésite, la froisse et la jette sans la lire. S'il l'avait lue, il aurait compris que sa machine fonctionne et qu'il viennent tous d'échapper à une catastrophe: "Laboratoire de chronodynamique. Seize heure cinquante-sept. Passé relatif. Au Pr. Biggle. Imbécile! Qu'est-ce qui te prend? Tu es en train de faire diverger l'histoire! N'oublie jamais que pour ne pas créer de paradoxe, tu ne dois pas conserver le premier message. Il te faut donc rédiger un nouveau billet et le transférer vers le passé relatif en même temps que celui que tu as déjà en main. Le chronodyne fera de lui-même la compensation en annulant la feuille en trop. Fais vite".

Cet épilogue appelle de longs commentaires. En envoyant une feuille dans le passé, Biggle crée un paradoxe, et comme il s'y attendait, l'univers disparaît. C'est aussi la conclusion de Brown dans Experiment, avec cette nuance que le cube que son héros envoie dans le passé subsiste, alors que tout disparaît dans la nouvelle des frères Bogdanoff. Mais une histoire parallèle se poursuit. Dans celle-ci, Biggle n'a rien envoyé dans le passé. Il s'agit donc d'une autre branche d'univers, même si les jumeaux de temps X n'y font pas allusion. Reste à expliquer d'où peut bien provenir le message final. S'il vient du passé, de 16h57', soit huit minutes avant que Biggle n'envoie le message dans le passé, de quel passé s'agit-il? Pas de celui de l'univers où tout disparaît puisqu'il n'y a pas de connexion entre les branches d'univers. D'un autre côté, le message n'a pas de sens, de raison d'être, dans la seconde branche d'univers puisque Biggle n'a rien envoyé dans le passé. Biggle aurait soudain compris dans le passé le danger de l'expérience et envoyé un message dans le futur. Insensé. S'il est conscient du danger, il n'a pas besoin d'envoyer un message à lui-même. Il ne tentera simplement pas l'expérience. La seule explication plausible, c'est que la mise en garde vienne du futur. Mais dans ce cas, elle est inutile dans la deuxième branche puisque Biggle n'a rien envoyé dans le passé et n'a pas de feuille en main.

"Je n'aime pas tellement employer le terme de "déplacement". Disons plutôt que le chronodyne induit un champ de connexion entre deux instants différents, ce qui rend possibles des transferts d'information ou mieux encore, de matière entre ces deux instants". Le Transfert s'effectue dans une déflagration et des éclairs.



Anderson et La patrouille du temps

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Poul Anderson est un auteur américain d'origine scandinave. Il a une formation de physicien.

Anderson est peut-être l'auteur qui exploite le plus systématiquement les possibilités ouvertes par le thème du voyage dans le temps.

Ses héros, des hommes et des femmes, sont recrutés dans toutes les époques par les Daneeliens, issus d'un lointain futur, pour constituer une Patrouille du temps et empêcher les délinquants du temps d'en modifier le cours. Ainsi Manse Everard, le personnage principal des nouvelles d'Anderson, parcourt les époques les plus variées, ce qui donne une véritable impression d'aventure verticale. C'est un habile mélange de vérité historique et de fiction. Les récits d'Anderson font penser à un jeu de rôle.

Pourquoi placer Anderson ici? Parce qu'il semble vouloir répondre aux plus illustres auteurs qui ont consacré une partie de leur oeuvre au voyage dans le temps et surtout qui ont apporté une contribution importante à la réflexion sur le sujet: Barjavel, Heinlein, Bradbury. C'est dans sa réponse à ce dernier qu'apparaît la force de sa conception du temps, qui présente le continuum temporel comme un "réseau de solides rubans de caoutchouc"; "Il n'est pas facile de le déformer, il tend toujours à revenir à sa forme "antérieure"". Anderson invoque l'équilibre statistique contre le pouvoir du chaos, dans une vision qui se rapproche de celle d'Asimov. Ce qui n'empêche pas que "le temps n'a rien de rigide; l'homme a son libre arbitre..."

Il reste que "La plupart des manipulations qu'on faisait subir au passé (y compris dans les ères postérieures au XXé siècle qui étaient, elles aussi, le passé de quelqu'un d'autre, après tout) n'avaient pas d'effets mesurables. L'espace-temps ne se laissait pas facilement gauchir: il tendait toujours à revenir à sa configuration "originale". Vos bévues, ou les tentatives criminelles faites en vue de modifier les événements, étaient le plus généralement ignorées et rapidement oubliées. En fait, les interventions se révélaient habituellement des éléments historiques intégrés à l'évolution du monde. Mais de temps à autre, il y avait un point nodal si crucial que son altération pouvait bouleverser le futur tout entier".

Ainsi l'assassinat des Scipion, père et fils, en 218 avant Jésus-Christ, provoque la victoire d'Hannibal sur Rome. Par conséquent, Rome n'a pas conquis les Gaules, les Gaulois ont pris le pouvoir en Europe, ont exploré les mers et ont découvert l'Amérique où l'on parle à présent le Celte, où les automobiles roulent à la vapeur et où les années sont comptabilisées à partir de la date de la création du monde, 5959 ans plus tôt, soit en 4004 avant notre ère, puisque nous sommes en 1955. Mais tout rentrera dans l'ordre grâce à l'intervention d'Everard.

Everard ne manque pas de culot. Après avoir lui-même modifié le cours de l'histoire pendant une de ses nombreuses interventions dans le temps, Everard reproche aux patrouilleurs du temps venus l'intercepter, de vouloir modifier ce changement enregistré. C'est un comble que l'on trouvera également dans les "Déserteurs temporels" de Silverberg.

Une des missions d'Everard consiste à retrouver son collègue et ami Keith. Or l'histoire ne garde aucune trace de la réapparition de Keith; mais ce n'est pas cela qui va empêcher Everard de partir à sa recherche. Ce sera pour découvrir son ami dans la peau du roi de Perse Cyrus, en 542 avant notre ère.

Anderson apporte sa réponse au paradoxe du grand-père de Barjavel: "La mutabilité du temps entraîne une foule de paradoxes, songeait-il pour la millième fois. Il était possible d'annuler un événement historique, possible de réaliser la blague éculée consistant à tuer son propre père au berceau. Mais comme il fallait immanquablement surgir un peu avant le moment de l'annulation, l'opération ne vous affectait pas et n'altérait en rien vos souvenirs de "ce qui avait été une fois". Vous existiez, tout simplement, sans plus avoir le moindre antécédent. Les physiciens du XXè siècle ne se doutaient pas que les lois de la conservation étaient des lois de la discontinuité."

"Et alors? Vous prétendez que la loi de causalité ou, plus exactement, la loi de conservation de l'énergie, n'implique que des fonctions continues. En réalité, la discontinuité est tout à fait possible." C'est ce que nous apprend en effet la physique quantique avec le corps noir de Planck et l'état granulaire de l'espace et du temps à l'échelle de Planck.

Notons la cohérence de la vision d'Anderson: le paradoxe du grand-père surgit de la simple possiblité du voyâge. Si le voyâge est effectif, le paradoxe du parricide - ou du matricide selon l'auteur -, n'existe plus, il devient secondaire, un détail.

Comme Barjavel et Heinlein, Anderson aborde le problème de la matérialisation dans l'époque d'arrivée: "Ce ne fut que par bribes qu'ils virent où ils étaient. Ils s'étaient matérialisés à une dizaine de centimètres au-dessus du sol - Everard songea plus tard à ce qui serait arrivé s'ils s'étaient retrouvés au sein d'un objet massif - et étaeint tombés sur la chaussée avec un choc à leur déplanter les dents".

Les époques investies par les patrouilleurs d'Anderson? La préhistoire, la Perse, Rome au temps d'Hannibal et Scipion, le Haut Moyen Age, un futur proche et parallèle.

La machine: le "saute-temps".





Simak et Dans le torrent des siècles

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Clifford D. Simak a enseigné de longues années avant de se consacrer entièrement à la littérature. Si son récit contient quelques longueurs, il fourmille aussi de trouvailles originales.

Ressort essentiel du récit mais non présenté comme tel, le voyâge, bien que surprenant certains personnages, est comme allant de soi, peut-être justement parce qu'il n'est pas essentiel. Mais tout l'art de Simak est d'y faire allusion sans forcer la dose, ce qui rend l'expérience plausible. Il procède par petites touches subtiles, comme ce surgissement d'un vaisseau d'androïde à proximité d'Asher Sutton, le héros du récit. C'est en découvrant un manuscrit portant comme titre "Ceci est la destinée", écrit par Asher Sutton, que ce dernier admet l'existence du voyage dans le temps. Notons qu'il prendra bien garde de ne pas lire son propre livre, évitant ainsi le paradoxe décrit dans "Comment fut découvert Morniel Mathaway" et présenté par le physicien Xavier Deutsch comme le "paradoxe de la connaissance".

Un peu à la manière d'Asimov, Simak élabore son récit au moyen d'une série de retournements de situations qui semblent dépasser les intentions inscrites dans le plan préconçu.

Nous sommes en 7990. Sutton revient d'une mission de vingt ans sur une planète jusqu'alors inaccessible où un être s'est lié à lui par symbiose. Sutton est poursuivi par des hommes et des androïdes du futur qui veulent, les uns l'empêcher de rédiger un ouvrage fondamental pour le futur de l'humanité, les autres l'aider à l'écrire. Il découvre dans une caisse de son grenier une lettre rédigée en 1987 par un lointain ancètre, et une pince. Son ancètre raconte avoir rencontré un être dont il est convaincu qu'il vient du futur, et évoque aussi son meilleur ouvrier, un être mystérieux qui n'est autre que Sutton, qui s'est rendu sur place pour se rendre compte de la situation, et s'est fait surprendre par le voyageur temporel, un guerrier du temps, dont parle son aiëul, et qu'il comptait neutraliser, tombant dans un traquenard qui le laissera dix ans en 1987.

Comme les Eternels d'Asimov et comme les Patrouilleurs du temps d'Anderson, les combattants du temps effectuent des analyses psychologiques, historiques et des calculs informatiques poussés pour effectuer les plus infimes changements, susceptibles de les aider dans leur guerre à travers le temps. Mais la plus grande attention ne les met pas à l'abri des effets du hasard.

"Ce serait une partie d'échecs à trois dimensions, avec un milliard de milliards de cases, et un million de pièces, et des règles qui changeraient à chaque coup". Voici qui donne une petite idée de la complexité de la situation.

Simak nous donne une belle illustration du déterminisme absolu. "De quelque façon que ce fût, le livre devait être écrit ou le futur était un mensonge... Des futurs possibles différents? Peut-être, mais cela ne paraissait pas probable. Les futurs possibles différents étaient une notion fantastique qui utilisait pour sa démonstration la perversion de la sémantique, par un emploi habile de mots qui recouvraient et masquaient la fausseté du raisonnement". On pourrait faire remarquer à Simak que la possibilité du voyage dans le temps est sans doute plus perverse encore.

Tombé dans le piège, Sutton se dit qu'il pourrait tout de même repartir à son époque: "La lettre l'avait fait venir ici et la lettre avait été écrite parce qu'il fallait qu'il vienne, donc il devait être déjà venu. Et cette fois-là, il était resté... et resté parce qu'il ne pouvait s'en aller. Cette fois-ci, il s'en irait, cette fois-ci, il n'avait pas besoin de rester. Une seconde chance, se dit-il. Il m'a été donné une seconde chance. Cependant, cela ne tenait pas, car s'il y avait eu une seconde fois, le vieux John H. l'aurait su. Et il ne pouvait pas y avoir de seconde fois puisque l'on était en ce jour même où John H. avait parlé à l'homme venu du futur... l'enchaînement était fixé. Et il fallait qu'il le fût".

A l'inverse des instruments de la Patrouille du temps et de ceux de l'Ombre jaune - que nous évoquerons bientôt - qui fonctionnent à travers le temps, "Le saut dans le temps couperait le contact avec les psycho-pisteurs de Trevor, car ils ne pouvaient fonctionner à travers le temps".

On éprouve une fois de plus le sentiment que les oeuvres consacrées au voyage dans le temps se répondent les unes les autres, formant une grande fresque.



Silverberg et Les déserteurs temporels

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De formation scientifique, Silverberg est, comme Asimov, un prodige de productivité littéraire, tant dans le domaine de la vulgarisation que dans celui de la fiction.

Nous sommes en 2490 et l'inspecteur Quellen a pour mission d'arrêter celui qui organise la fuite de citoyens déçus par leurs conditions de vie, les Déserteurs Temporels, dans le temps.

Dans un premier temps, Silverberg se contente d'évoquer certaines des thèses des autres auteurs: fondamentale instabilité de l'univers: "Brusquement, Kloofman fut envahi du sentiment écrasant de l'instabilité de l'univers." "Imaginez ce qui aurait pu arriver si quelqu'un s'était ingéré dans la vie des déserteurs connus et enregistrés. Arracher des morceaux du passé... mais le monde en aurait été bouleversé!"; voyâge seulement possible dans le passé: "On ne peut aller que dans un sens, dans le temps, vous savez. En arrière. Il n'y a pas là-bas de machines pour renvoyer les gens dans le futur, et de toute façon je crois comprendre que c'est impossible. On va en arrière, on y reste pour toujours."; infraction à la loi de conservation de l'énergie: "A cet instant même, il le savait, un déserteur partait pour le passé. Une vie était soustraite du présent. Et la masse? Se conservait-elle? Les renseignements sur la masse planétaire ne tenaient aucun compte de l'éventualité d'une soustraction subite et unique. Une centaine de kilos ôtés d'un coup aujourd'hui et projetés vers hier...".

On peut relever une contradiction entre l'instabilité évoquée du cours des événements et le déterminisme de voyâges déjà inscrits dans l'histoire alors qu'ils vont seulement avoir lieu: pourquoi donc les personnages ont-ils peur de modifier ces modifications? Si c'est vraiment le pur déterminisme qui règne, il n'y a pas moyen de modifier ces modifications, et l'univers n'est pas instable.

"On ne peut pas remonter le temps. Tout ce qu'on peut faire, c'est aller de l'avant, sans cesse, à la vitesse d'une seconde à la seconde", dit Pomrath, beau-frère de Quellen, et pourtant futur déserteur.

Quellen étudie les archives du passé pour repérer la présence des déserteurs temporels dans les autres siècles; il accorde beaucoup d'intérêt aux témoignages d'apparitions mystérieuses, qui peuvent s'expliquer par l'arrivée de déserteurs du temps.

C'est l'occasion pour Silverberg de donner son interprétation du paradoxe du grand-père: "Sans doute le déserteur qui aurait agi ainsi se serait-il effacé immédiatement de l'existence, n'ayant jamais été mis au monde, pour commencer. Y avait-il des cas de ce genre enregistrés? En prendre note, se dit-il. Etudier le phénomène sous tous les angles". Mais Quellen "... ne croyait pas à la possibilité de tels paradoxes. Il se raccrochait solidement à l'idée qu'il était impossible de changer le passé. Parce que le passé est un livre refermé. Toute manipulation de la part d'un voyageur temporel figurait déjà dans les archives. Ce qui fait de nous tous des marionnettes, songeait-il sombrement, en se retrouvant dans l'impasse du déterminisme".

Il semble pourtant si évident que le saut dans le temps constitue en lui-même un témoignage de libre-arbitre.

"Envoyez-moi n'importe où", dit un personnage à l'organisateur des voyages dans le temps. Celui-ci répond: "L'expression correcte est n'importe quand...".

Le fonctionnement de la machine: "... Elle a des prolongements à la fois dans le temps et dans l'espace... le principe est simple. Une tension soudain appliquée au tissu du continuum; nous poussons le matériel du moment présent dans la poche et ramassons une charge équivalente de la masse du passé. Pour la conservation de la matière, vous comprenez. Quand nos calculs sont erronés de quelques grammes, cela cause des perturbations, des implosions, des effets météorologiques. (bref cela perturbe le temps!). Nous nous efforçons de ne pas manquer le but, mais cela arrive. Au centre de tout cela, il y a un plasma de fusion. Pas de meilleure façon de déchirer le continuum; nous utilisons à cette fin notre propre petit soleil. Nous puisons dans la force thêta. Chaque fois qu'une personne utilise le stat, cela crée un potentiel temporel que nous captons pour l'utiliser à notre tour. Mais cela reste très onéreux". Le stat est l'instrument qui permet de dématérialiser un corps ou un objet pour le déplacer instantanément dans l'espace. Silverberg semble être le seul auteur à avoir proposé une solution au problème de conservation de l'énergie.

Admirons l'arrivée d'un déserteur temporel dans sa nouvelle époque: "Une ouverture béa dans le ciel, comme si une main preste avait manoeuvré une fermeture à glissière. Norm Pomrath tomba par la déchirure".

L'inspecteur Quellen lui-même ne résiste pas à la tentation d'effectuer un bond dans le temps. Il est vrai qu'il s'était arrogé des prérogatives qui le mettaient en infraction avec la loi et que ça commençait à sentir le roussi pour lui.

"Il y eut un tourbillon, une torsion, et Quellen eut l'impression d'avoir été retourné comme un doigt de gant. Il flottait sur un nuage violet au-dessus d'un terrain imprécis et il tombait".

Les mouchards de Silverberg ne fonctionnent pas à travers le temps: "L'Ecoute était un instrument fort sensible, mais elle n'avait aucun moyen de diffuser à travers une brèche temporelle".





Klein et Les seigneurs de la guerre

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Gérard Klein est économiste de formation, écrivain, essayiste, critique: il ne manque pas de talents.

Le moins que l'on puisse écrire, c'est que son roman regorge d'idées originales.

C'est la guerre entre la terre et la planète Uria.

Le Lieutenant Georges Corson, guerrier terrien d'un avenir indéterminé, se trouve projeté dans un futur indéterminé sur Uria, un monde en paix, ce qui a le don de le mettre en conflit avec lui-même, lui qui ne maîtrise que les situations de combat: "Il pouvait se considérer comme démobilisé et déposer l'uniforme du soldat. Ou encore il pouvait se tenir pour une sorte de déserteur involontaire, projeté dans le Futur", alors que les Déserteurs de Silverberg vont dans le passé. Mais "Son comportement présent restait dominé par une guerre vieille de plus de mille ans qu'il avait quitté la veille".

Les autochtones temporels que cotoie Corson, et en particulier l'Office qui contrôle les quelques siècles sans conflit de l'histoire, se méfient de ce rescapé du passé: "Depuis des siècles, peut-être des millénaires, l'homme avait appris à se déplacer dans le temps. Et les généraux vaincus, les tyrans renversés avaient cherché, systématiquement, asile dans le temps, dans le passé ou dans l'avenir, plutôt que de s'offrir aux coups de leurs ennemis. Et les siècles paisibles étaient contraints de se protéger contre ces envahisseurs".

Mais loin de représenter un danger pour la communauté, Corson va devenir le Héraut des temps de paix.

On peut dire que le point de vue de Corson, qui est aussi celui du lecteur, est celui d'un terrien dans l'univers d'Asimov. En effet, il existe en Aergistal, une région hors de l'espace et du temps, que l'on peut assimiler à l'Eternité d'Asimov, des Dieux, non pas éternels, mais à la durée illimitée, comme aime à le préciser Klein: "Vous ne faites pas une distinction nette entre l'infini et l'illimité. Nous ne sommes pas immortels si vous entendez par là que nos vies devraient être infinies. Rien n'est infini, en ce sens, pas même l'univers, pas même ce qui contient l'univers. Mais nos vies sont illimitées". Mais alors que Harlan, chez Asimov, se "contentait" d'effectuer des Changements de Réalité limités à l'histoire terrestre, Corson a pour mission de résoudre les conflits qui minent l'histoire du cosmos. Les Dieux ne peuvent eux-mêmes intervenir: "Nous pourrions peut-être, dans l'absolu, supprimer la guerre à l'aide de notre puissance, par la violence, mais ce serait une contradiction dans les termes. Nous entrerions en lutte contre nous-mêmes". Un peu facile!

La première mission de l'homme de main Corson consiste à empêcher le Colonel Veran et sa troupe de six cents hommes, naufragés du temps sur Uria, comme lui, de partir à la conquète de l'univers.

Le Colonel Veran veut soumettre les ennemis héréditaires de la Terre, les uriens. Pour cela, il décide de retourner dans le passé de Ngal R'nda, le chef des uriens, à l'instant de sa naissance - ce qui est aussi une façon d'assurer ses arrières temporels - pour voler la coquille de l'oeuf dont celui-ci est issu et dont la couleur bleue atteste sa lignée royale; mais son intervention doit rester discrète car "Utiliser une arme quelconque dans un passé dont on dépend équivaut à un suicide. J'espère que vous en êtes conscient... Je me contenterai d'introduire une petite modification. Une modification qui se situera en dessous du seuil, qui passera inaperçue mais que je pourrai utiliser le moment venu". Le point de vue de Klein rejoint celui d'Anderson. Mais plus loin, il se rapproche plutôt de celui de Bradbury, effleurant la contradiction: "Attention à vos pieds, dit Veran. Nous sommes dans notre passé objectif. On ne sait jamais si le fait de briser une brindille ne va pas déclencher un bouleversement majeur". Or Veran fait bien plus que briser une brindille, il emporte la coquille d'oeuf brisée d'où est sorti Ngal R'nda pour la maquiller et faire croire à l'imposture du chef des uriens.

La manoeuvre réussira et Ngal R'nda sera lapidé. Mais Corson n'est pas resté inactif. Il a laissé agir Veran pour mieux le prendre à revers. La façon dont il s'y prend est pour le moins particulière, puisque c'est son lui futur qui, sans l'en aviser, a donné un rendez-vous à Veran. Corson adopte une attitude assez cavalière vis-à-vis de lui-même: "Au fond, je vous crois, Corson. Vous êtes probablement l'homme qui siège dans le Conseil de cette planète, à trois siècles de maintenant, mais vous ne le savez pas. Vous n'êtes pas encore cet homme. Pour l'instant, vous n'êtes que sa meilleure carte. Il ne pouvait pas venir lui-même parce qu'il savait déjà ce qui était arrivé. Il aurait dû défier la loi de l'information non régressive. Il ne pouvait faire confiance à personne. Alors, il a choisi de s'envoyer lui-même, en utilisant une période antérieure de son existence et en n'agissant sur le cours des événements que par petites touches, en dessous du seuil de bouleversement". Veran a vu clair, mais cela ne l'avancera pas, car il ignore les intentions du futur Corson; et il n'osera pas éliminer le Corson qu'il a sous la main, de peur de disparaître lui-même de la réalité s'il la modifie. Il est pris au piège!

Après cet embrouillamini guerrier, un mot d'amour. Au cours de son aventure, Corson est tombé amoureux de la belle Antonella. Il l'a rencontrée pour la première fois lors de son passage sur Uria. Ce qu'il ignore encore, c'est qu'Antonella le rencontre alors pour la seconde fois. Corson le comprendra lorqu'il rencontrera pour la seconde fois, sur une plage, Antonella qui le voit alors pour la première fois. Trois cents ans plus tôt, Corson rencontrait pour la première fois Antonella qui à ce moment-là le rencontrait pour la seconde fois. Elle était plus vieille, lui plus jeune. On reconnaîtra que Gérard Klein se complaît dans la complexité.

Un mot enfin sur la "loi de l'information non régressive: "Un émetteur ne peut pas être son propre récepteur, dit patiemment Veran. Je ne peux pas me faire signe à moi-même. Cela déclencherait une série d'oscillations dans le temps qui finiraient par s'amortir en éliminant la peturbation. La distance s'évanouirait entre le point d'origine et le point d'arrivée et tout ce qui se trouverait dans l'intervalle disparaîtrait". C'est aussi la raison pour laquelle Veran ne montre pas à Corson les détails du message que le futur Corson enverra au Colonel; exit ainsi les tracasseries du paradoxe de la connaissance!



Vernes et Bob Morane

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L'oeuvre de Vernes nous permet de faire la transition entre le chapitre consacré à la littérature et celui consacré à la bande dessinée. En effet, Vernes a scénarisé nombre de ses romans pour qu'ils soient adaptés à la bande dessinée.

Henri Vernes est un auteur prolifique. Il a mis en scène son personnage fétiche, Bob Morane, dans des dizaines d'aventures.

Il est significatif qu'on trouve deux volumes des aventures de Bob Morane consacrés au "cycle du temps".

Une similitude existe entre l'oeuvre de Vernes et celle d'Anderson. Chez tous deux apparaît une "Patrouille du temps", mais tandis que celle d'Anderson a pour devoir d'intervenir pour corriger les tentatives de modification de l'histoire, celle de Vernes doit se contenter d'un rôle passif. Ainsi, dit le commandant Graigh, "... nos ordres sont formels. Nous pouvons voyager dans le temps, mais jamais nous ne pouvons intervenir pour changer le cours des événements. Le destin doit demeurer le maître. La Patrouille du Temps peut surveiller les âges passés et futurs, mais son rôle se borne à cela". Ce qui n'empêchera pas le Commandant Craigh et ses hommes d'intervenir pour sauver Morane et ses amis bloqués en plein crétacé, dans la première aventure où Morane se déplace dans le temps.

C'est que, à la demande de Carlotta, l'épouse de leur ami Frank Reeves, Morane, Ballantine et le professeur Clairembart se retrouvent à l'époque des dinosaures, après avoir voyagé dans la machine artisanale du professeur Hunter, un physicien de renommée mondiale qui s'est ruiné dans la construction de sa machine, et qui cherche à la rentabiliser en proposant à quelques milliardaires, contre 50000 dollars, un safari dans l'univers des Tyrannosaures. C'est un thème que l'on a déjà vu exploité par Bradbury dans "Un coup de tonnerre".

Une fois leur mission accomplie, soit retrouver Reeves et Hunter vivants, les personnages se retrouvent bloqués plus de 60 millions d'années avant la naissance du Christ. Heureusement la Patrouille du Temps, créée en l'an 2300 après J.-C., les ramène au 20è siècle, contrevenant à sa règle de conduite. Elle commet même une deuxième faute, de distraction pourrait-on dire, en déposant Morane et ses amis le jour du début de leur aventure. L'histoire se termine au moment où Morane, Ballantine et le professeur Clairembart rencontrent Carlotta. La boucle est bouclée, mais cela ne nous satisfait bien sûr pas.

Heureusement, Vernes a prévu une variante de l'issue du récit, dans laquelle il assume les conséquences du voyage dans le temps. Morane, Ballantine et le professeur Clairembart sont bien ramenés par la Patrouille le soir où a commencé leur aventure, mais cette fois ils révèlent à Carlotta, l'épouse de Frank Reeves, ce qui s'est produit. Aussitôt celle-ci téléphone à son mari pour constater qu'il est bien là. "Morane sursauta. Quelque chose ne tournait pas rond dans tout ça. Il ne savait pas encore exactement quoi, mais quelque chose ne tournait vraiment pas rond". Effectivement, on va se rendre compte avec lui que la boucle ne peut se boucler d'elle-même. "Et Bob ne pouvait s'empêcher de remarquer, une fois de plus, que, si tout se répétait, ce n'était pas tout à fait de la même façon. Comme si le Temps et les événements n'entraient pas en contact parfait". Et ce faux contact, ce court-circuit, il est provoqué par l'existence de deux Frank Reeves et de deux professeurs Hunter, c'est-à-dire qu'ils sont présents à la fois dans le passé, dans le crétacé, où Morane et ses amis iront les sauver, et dans le présent du 20è siècle, où ils ont été déposés par la Patrouille du temps. Or le professeur Hunter s'exclame: "... Franck et moi ne pouvons être en même temps en deux endroits différents, fusse à des millions d'années de distance...". Ce que le capitaine Graigh, de retour auprès de nos amis après s'être rendu compte de sa maladresse, va aussitôt confirmer: "IL NE PEUT EXISTER DEUX FRANK REEVES NI DEUX PROFESSEURS HUNTER... n'importe où dans le continuum...".

"En vous déposant à une date mal choisie, au XXè siècle, ..., nous avons commis une erreur qui n'a été décelée que plus tard par nos ordinateurs. Nous vous avons de cette façon permis de voyager sur deux zones parallèles du Temps. En même temps, cela nous a conforté dans la nécessité qu'il y avait pour la Patrouille de ne jamais intervenir dans le déroulement de l'Histoire...".

Cela nous permet d'illustrer le problème de la surimpression temporelle, faussement résolu par Vernes par l'évocation de "flux parallèles du temps", d'autant moins qu'il existe une myriade de Reeves et de Hunter partout dans le continuum, entre leur naissance et leur mort, mais il ne s'agit bien sûr pas là de copies identiques. Nous verrons que le moindre "déplacement" dans le temps provoque une démultiplication infinie de l'époque investie. Il s'agira de voir dans quelle mesure déplacement et déterminisme ne sont pas contradictoires?

La solution proposée par Graigh? Eliminer le Frank Reeves et le professeur Hunter qu'ils sont allés rechercher dans le crétacé. Pour consoler l'épouse de Reeves épouvantée par l'exécution du double, Graigh évoque le danger qu'il y avait à laisser un second Frank Reeves se promener dans le temps, le risque qu'elle le rencontre et les conséquences que cela aurait entraîné. Malheureusement, il ne s'étend pas sur ces conséquences.

Vernes consacre un chapitre à un exposé du professeur Hunter sur la notion de temps. Visiblement, Vernes s'inspire de "La machine à explorer le temps" de Wells, puisqu'il reprend le fameux exemple du cube de l'auteur anglais: "Imaginons en effet un cube qui possèderait longueur, largeur et épaisseur, mais non la durée. Ce serait en quelque sorte, un cube instantané qui n'aurait ni passé, ni avenir. Malgré sa longueur, sa largeur et son épaisseur, il n'existerait pas dans le temps. C'est-à-dire qu'il n'existerait pas tout court. Donc, pour qu'un objet existe, il lui faut en réalité quatre dimensions. Les trois premières, longueur, largeur et épaisseur, que nous appellerons dimensions de l'espace, et la quatrième, qui est le Temps lui-même". Même si cela a le goût du plagiat, il faut savoir gré à Vernes d'avoir rappelé ces observations pénétrantes de Wells, peut-être la chose la plus intelligente jamais écrite sur le temps, dix ans avant l'élaboration par Einstein de sa théorie de la Relativité Restreinte, et plus de dix ans avant l'élaboration par le mathématicien Minkowski, de sa métrique de l'espace-temps, qui constitue la véritable formalisation des idées d'Eisntein.

Plus originale peut-être, dans le chef de Vernes, est sa conception du mécanisme de la machine à voyager dans le temps. Plutôt que de la faire se déplacer à la vitesse de la lumière, car les corps qui se déplacent à cette vitesse "deviennent infiniment plats et cessent d'exister par rapport aux trois dimensions de l'espace. Ils deviennent donc exclusivement quadri-dimensionnels (???) et peuvent alors évoluer, quasi-instantanément et dans tous les sens, à travers le Temps.", Vernes fait dire au professeur Hunter qu'il a acquis la certitude que, "pour pouvoir se déplacer dans le temps, il n'était pas indispensable d'atteindre une vitesse égale à celle de la lumière, mais qu'il suffisait de faire vibrer cet objet suivant les mêmes fréquences que celles de la lumière". Le seul inconvénient de l'appareil de Hunter, c'est qu'il "ne permettait pas de se déplacer dans un avenir ou un passé très rapproché. Il ne pouvait pas non plus se mouvoir dans l'espace...".

Il est très intéressant que Vernes aborde la question de l'accessibilité des époques. Il semble que ce soit le seul auteur qui rende sa machine capable d'aborder des époques lointaines et non des époques très rapprochées, question que nous étudierons en détail dans la dernière section de cette deuxième partie. Du moins ces restrictions concernent-elles la machine du professeur Hunter, car en ce qui concerne le Temposcaphe du Commandant Graigh, il est "d'une précision parfaite".

L'obligation pour les membres de la Patrouille du temps de ne pas intervenir dans le cours des événements n'est pas vraiment respectée, puisque, dans le long combat de Morane et Ballantine contre l'Ombre Jaune, Morane et Ballantine, accompagnés de Sophia Paramount, journaliste au Chronicle, seront des "agents" de la Patrouille; la Patrouille les aide à se déplacer dans le temps, ce qui est tout de même une forme d'intervention de la Patrouille du temps par personnes interposées, il ne faut pas rigoler. Ainsi, dans "Le satellite de l'Ombre Jaune", Graigh, désormais Colonel, décide d'envoyer Morane, Ballantine et Sophia en l'an 2500 pour s'introduire dans le satellite de l'Ombre Jaune, qu'il imagine à cette époque hors d'usage, pour les faire ensuite "revirer" au XXè siècle et saboter le satellite dans sa prime jeunesse. Si l'on peut s'étonner de l'ignorance de l'avenir de La Patrouille du Temps, il faut souligner la subtilité de cette manoeuvre, qui permet d'éviter une entrée en force, aléatoire, du satellite trop bien gardé par les hommes et les robots de l'Ombre Jaune au XXè siècle. Malheureusement, et c'est ici que l'ignorance de Graigh est problématique, mais salutaire pour la suite du récit, l'accès au satellite semble mieux protégé encore au XXVIè qu'au XXè siècle, et Morane et ses compagnons se trouvent projetés en l'an 10000, pris dans les faisceaux des projecteurs d'antimatière du satellite. Ils y découvrent un Paris atomisé et envahi par les loups, quelques humains revenus à l'état primitif répartis sur le reste du globe. Nos héros finissent par découvrir un univers de contes de fées et de légendes (comme dans La porte de Bréchéliant), abrité sous une cloche - "isolant tout ce qu'elle contient des lois de l'Espace-Temps grâce à une vibration particulière de la matière dont elle est constituée" -, qui le maintient hors d'atteinte des effets du temps et de l'espace - adieu l'image de l'impossible cube instantané -, et donc hors d'atteinte des détecteurs de la Patrouille du Temps qui doit être en train de rechercher Morane et ses amis. Evidemment, une belle héroïne viendra à leur secours, Tania, la nièce de l'Ombre Jaune en l'occurence, qui, grâce à ses pouvoirs de télépathie à travers le temps, parvient à entrer en contact avec le colonel Graigh, sur place une demi-heure plus tard.

Hypothèse intéressante dans "L'épée du Paladin": Durandal, l'épée emportée par Morane au XXè siècle, retourne d'elle-même à son époque. "Elle devait disparaître, Bill... J'aurais dû le deviner plus tôt... Depuis longtemps, elle n'existait plus... Elle était de trop dans notre monde... dans notre temps...".

D'accord, mais alors, pourquoi Morane, ses amis et leurs objets n'ont-ils pas fondus dans les autres époques comme l'épée Durandal au 20è siècle? Ils sont pourtant restés absents plus longtemps de leur époque qu'elle de la sienne.

Autant Anderson semble se démarquer des autres auteurs, par ses réponses à leurs arguments, autant Vernes semble s'en inspirer, d'Anderson précisément pour l'utilisation d'une Patrouille du temps, même si la sienne ne peut intervenir directement, - et le fait d'appeler le valet de Jacques de Morlay "Everard", dans un épisode de jonglerie historique, est un joli clin d'oeil à Anderson -, de Barjavel pour la combinaison des voyâgeurs, de Wells pour le cube "instantané", de Paape et Greg pour Luc Orient. Mais parfois il perfectionne, par exemple la combinaison du héros de Barjavel ou apporte des nouveautés, les vibrations électromagnétiques de la machine du professeur Hunter.

Ironie: Ming et ses adversaires disposent de tant de moyens techniques que Vernes doit ruser pour ne pas leur rendre la tâche trop facile: romanesque inversé, inverse de la quète de l'impossible. Souci que l'on retrouve chez Mézières et Christin dans les aventures de Valérian et Laureline.

Dans "L'ombre jaune fait trembler la terre", Morane et ses amis hésitent à ramener un ami à la vie: "A première vue, rendre Dupré à la vie ne constituait pas un problème. Il suffisait de l'arracher des mains des dacoïts avant que ceux-ci ne le tuent. Mais le temps est une dimension infiniment complexe. La suppression d'un grain de poussière peut être cause, quelques milliards d'années plus tard, d'une transformation radicale de la planète. En bien ou en mal. Et qui oserait prendre ce risque? Dupré était mort. Peut-être devait-il mourir. Ou peut-être pas...

  • Les ordinateurs décideront, dit tout haut le colonel...

Les ordinateurs calculeraient les "risques" que représenterait le fait de rendre le lieutenant à la vie".

Même remarque que pour Bradbury. La justification semble absurde puisque la simple présence des voyâgeurs provoque plus que la simple suppression d'un grain de poussière.

Calcul d'ordinateur comme chez Asimov et Anderson.

Dans "La prison de l'ombre jaune", la Patrouille du temps résout le problème du parcours de longues distances par l'hibernation. Mais on peut s'étonner que la Patrouille du temps ne possède pas la maîtrise des trous de ver, raccourcis de l'espace-temps, pourtant moins difficile en théorie.

Dans La prisonnière de l'ombre jaune, Morane résout l'énigme proposée par le mathématicien Rudy Rucker dans son livre La quatrième dimension, soit la façon de sortir d'un cube parfaitement hermétique dans lequel on est enfermé avec une machine à voyager dans le temps: au moyen d'une liaison de l'espace-temps): "Cette fois, il y avait un hic! Oh, un tout petit hic!... S'agissait de franchir le barrage extra-temporel établi par l'Ombre Jaune. Mais tout était prévu. On se posa au bord d'une caverne, quelques mois avant que Ming n'établisse son barrage. Ensuite, on franchit ces quelques mois en quelques fractions de secondes (??? pour la rhétorique, ces secondes?), et clac! on est enfermé sous la cloche comme des fromages qui attendent d'être dégustés.

Le tour de passe-passe accompli, on n'a plus qu'à contrôler sur les appareils de bord si on est bien à l'époque voulue. On y est. Pas de doute. Un temposcaphe, ça n'a jamais de ratés. Et si ça en a un, aucune importance: on n'a jamais existé".

Le soleil de l'Ombre Jaune: "Si le Mongol réussissait à détruire la civilisation humaine dans les parages du XIVè siècle, il y avait de fortes chances pour que tout ce qui venait après dans l'histoire N'EXISTAT JAMAIS. Il y aurait sans doute encore une Histoire, mais ce ne serait pas la même".

"Un instant! glissa Sophia Paramount. Si nous nous lançons dans les controverses extra-temporelles, nous n'en sortirons pas. C'est le genre d'écheveau que jamais personne n'arrivera à démêler. Nous sommes là, et vivants. Tout ce qui compte, c'est empêcher Monsieur Ming de réaliser son plan de destruction, que ce soit déjà fait ou non". Admirons le pragmatisme de la femme d'action. Gageons que Vernes justifie là le fait qu'il n'affronte pas les paradoxes liés au voyâge.

Vernes n'oublie pas d'aborder la question de la matérialisation. On apprend ainsi que le transmetteur de matière unipolaire fait courir le risque à son utilisateur de se rematérialiser à l'intérieur d'un rocher ou d'un arbre, ce qui équivaudrait à une mort immédiate.

La précision du déplacement dans le temps n'est pas parfaite:

"Ils avaient été virés à l'aube mais, à cause des différents décalages de dates et d'heures et bien que leur passage eût été instantané, ils avaient atteint le XIVè siècle bien plus tard dans la journée, ce qui n'avait en soi que peu d'importance d'ailleurs". (Une rose pour l'ombre jaune, où Morane va en 1317 en France et en 3001 à Niviork) Nous verrons que cela en a plus qu'on ne croit.

La précision de la combinaison s'arrête à l'heure.

En état de vibration, le temposcaphe est suspendu dans le temps et, dès lors, devient invisible. Assez semblable à une soucoupe volante.

Dans l'Epée du Paladin, le professeur Hunter recommande à Bob et Bill d'enlever, en sortant de la machine, une pièce qui la rend inutilisable, précaution que prenait déjà le voyâgeur de Wells.





CHAPITRE 2: Bande dessinée

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Le 9è art présente la particularité d'être apparu l'année de la parution de "La machine à explorer le temps".



Séries

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Valerian

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La cité des eaux mouvantes est le premier album des aventures de Valérian. On y apprend que Valérian et Laureline sont des agents spatio-temporels qui voyagent à travers le temps et l'espace. Le scénariste jongle avec les situations intrigantes et les paradoxes, mais le traitement du thème reste superficiel.

Le même engin sert à voyager dans le temps et dans l'espace.

Dans son étude reprise dans l'album "Mézières et Christin avec", reprenant le 1er épisode inédit de Valérian "Les mauvais rêves", Gérard Klein estime "que le seul processus signifiant est celui de la vie, de l'évolution, et que l'histoire n'a pas beaucoup d'importance, sinon anecdotique, non plus que le contrôle de l'histoire à quoi s'affairent nos agents spatio-temporels".

L'histoire "Les mauvais rêves", premier épisode de leurs aventures, nous présente la rencontre entre Valérian et Laureline. Elle se fait au XIè siècle, dans une forêt. On y apprend que les agents de Galaxity "patrouillent dans l'histoire pour lutter contre les pirates du voyage dans le temps - comme les Patrouilleurs du temps d'Anderson et de Vernes - et ils explorent les planètes lointaines pour assurer de nouvelles ressources à la terre". Les Technocrates dirigent la cité et le reste de la population se livre "aux plaisirs du rêve, sous le contrôle du service des rêves qui organise les programmes".

Dans "Le Fflumgluff de l'amitié", Valérian effectue plusieurs sauts dans le passé pour sauver son collègue et ami Slane, qui agonise, dévoré de l'intérieur par un végétal à la croissance monstrueusement rapide. Il s'y reprend à trois reprises pour parvenir à l'instant qui précède la contamination de Slane par le Fflumgluff. (Par les chemins de l'espace)

Dans le récit qui regroupe les deux albums "Métro Châtelet, direction Cassiopée" et "Brooklyn Station, terminus cosmos", Valérian est envoyé au 20è siècle sur terre afin de résoudre l'énigme de l'apparition de monstres destructeurs, tandis que Laureline récolte des renseignements sur la planète Zomuk. Il s'avère que les monstres apparaissant sur terre sont des entités volées sur Zomuk et qui représentent chacune un élément fondamental du réel selon la philosophie ancienne: l'eau, l'air, la terre et le feu.

Sur terre, Valérian est en contact avec un agent fixe. Des soldats du futur ont tenté d'intervenir, mais sans résultat, ce qui mettra en colère les dirigeants de Galaxity, les employeurs de Valérian et de son contact Albert. Valérian: "C'est bien pour cela que je dois désormais travailler seul avec vous"; "En effet. Et je comprends le souci de nos ... euh ... employeurs de chambouler le moins possible une trame historique qui n'a jamais mentionné de telles anomalies".

Dans "Les spectres d'Inverloch" et "Les foudres d'Hypsis" (peut-être le meilleur scénario des aventures de Valerian, tant l'humour y est présent), Valerian, Laureline et une compagnie d'êtres cocasses doivent empêcher la trinité d'Hypsis, représentée par un Dieu le Père bedonnant, un Fils baba-cool et un Saint-Esprit à la tête de bandit-manchot, le jeu, de provoquer en 1986 une catastrophe nucléaire qui ruinera la création de Galaxity. Or c'est justement cette catastrophe qui sera à l'origine de la création de Galaxity, comme le fait remarquer Monsieur Albert, attaché terrestre de Galaxity au 20è, à la Trinité: "Alors, si vous organisez ce cataclysme préventif dont est sorti jadis Galaxity, il vous faudra tout recommencer puisque les mêmes causes reproduiront les mêmes effets! Cela fera très mauvaise impression sur vos collègues". Or il s'agit justement d'impressionner les collègues. Bref, il semble que Galaxity ne puisse disparaître. Mais précisément, si le cataclysme ne se produit pas, Galaxity pourra-t-elle se développer?

On retrouve par ailleurs un précepte cher à La Patrouille du Temps, de Vernes ou d'Anderson, mais pas à Asimov; ainsi, Laureline fait remarquer à l'homme de son coeur: "Tu connais la règle. Pas d'interférences brutales avec le déroulement historique apparent".

Comme la Patrouille du temps qui emploie Bob Morane, Galaxity dispose d'un ordinateur central qui contrôle le cours de l'histoire. Comme la Patrouille du temps d'Anderson, Galaxity et le voyage temporel ont été créés au 24è siècle, en 2314, et, comme elle, elle a établi des relais temporels à tous les siècles. Ainsi, le sas blindé que s'apprête à ouvrir Valérian est surmonté de l'avertissement: "ATTENTION, vous entrez dans le 11è siècle". Valérian voyage dans un spatio-temps, mais le plus intéressant, c'est qu'il le fait "instantanément", ce que l'on rencontre rarement chez les héros de fiction.

Le voyageur temporel ne peut emporter que des armes de l'époque qu'il investit, "afin d'éviter toute interférence technologique entre les différentes époques". L'agent trouve sur place des vêtements d'époque et "le matériel nécessaire à l'enseignement mnémotechnique instantané de la langue courante" du siècle considéré, matériel dont usent également Bob Morane et les héros de Silverberg.

Notons que c'est avec trois jours de retard sur Xombul que Valérian et Laureline vont franchir les 18 siècles qui les séparent de Galaxity, car l'histoire commence en 2720. Ce qui est une anomalie.

L'album "L'empire des mille planètes" nous donne une indication intéressante sur les effets du voyâge: "Attention Elmir! Le premier saut est toujours traumatisant et il va y en avoir plusieurs à la suite. Même Laureline et moi ne pouvons être sûrs d'y survivre...". Bien sûr tout le monde s'en sortira. Notons que cette série nous donne de nombreux exemples de "sauts" à travers un raccourci de l'espace-temps, et permet ainsi de les distinguer des sauts dans le temps.

Notons que la plupart des récits mettent en scène des êtres, des mondes et des époques imaginaires, dans un futur plus ou moins proche.



Vortex

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Exploitation originale du thème au travers d'histoires parallèles. Enfin un récit qui repose sur de nombreux sauts dans le temps.

Nous sommes en 1937. Le professeur Steinberg a mis au point la machine à voyager dans le temps pour les américains, prenant les devants sur le régime nazi qui poursuit le même objectif.

Le Commandeur, un haut responsable de l'an 3020, vient au 20è siècle pour essayer de découvrir qui peut devenir le futur despote du monde. Il a découvert à son époque la machine du professeur steinberg à l'abandon dans un hangar. Lorsqu'il arrive au 20è siècle, la machine se détruit car elle se matérialise dans un arbre. Le Commandeur retourne alors à son époque, suivi par Tess et Campbell, des agents du gouvernement américain. Malgré des apparences négatives, son but est noble. Quant à Tess et Campbell, ils luttent avec la rébellion qui veut renverser le pouvoir de 3020, dont fait partie précisément le Commandeur, avant d'être considérés comme des traîtres. Ce qui n'empêchera pas Tess d'être tuée par Caliostro, le tyran que veut renverser la rébellion et à la solde duquel il pense qu'est Tess. Campbell fait alors un petit bond dans le passé pour empêcher la capture et l'assassinat de Tess. Evidemment, Campbell se rencontre lui-même en compagnie de Tess.

Au moment où la rébellion a réussi, le Commandeur sauve Tess et les deux Campbell et leur explique qu'en fait, la rebellion et lui combattaient le même ennemi, Caliostro. Mais entre-temps, Caliostro et Ziprinn, son lieutenant, s'enfuient dans la machine du Commandeur. Nos amis les poursuivent et les retrouvent en 2018 avant Jésus-Christ en Egypte. Ziprinn y est grande prêtresse et Caliostro veut devenir le tyran ultime qui entreprendra une conquète de toutes les époques de l'histoire. Surpris par Tess et les deux Campbell, ils effectuent un saut en 1937 au moyen d'une machine à voyâger portable, et surgissent devant le professeur Steinberg juste après que Tess et Campbell aient effectué leur saut dans le futur au début de l'histoire. Leur objectif, conseiller Adolf Hitler et l'aider à conquérir le monde, avant de l'éliminer.

Pendant ce temps, nos héros quittent l'Egypte antique mais la machine déconne et les voilà qui débarquent en plein crétacé au milieu des dinosaures. Pour ajouter à leur désarroi, leur machine s'est enfoncée dans un marais. Mais au moment où ils échappent à une horde de petits dinosaures, sur qui tombent-ils? Sur le professeur Steinberg venu les aider. Mais voilà qu'un Campbell est enlevé et emporté dans le temps par un vaisseau étrange. Il s'agit d'êtres du 181è siècle, que Steinberg, Tess et Campbell rejoignent. Là, les êtres étranges leur expliquent qu'ils voyagent régulièrement dans le temps, qu'ils ont apporté la vie sur la terre, qu'ils ont provoqué la disparition des dinosaures et favorisé le développement des mammifères et en particulier de l'homme, à leur grand dam car ils se sont rendus compte que l'homme était une brute. Ils lui ont alors inspiré les Tables de la Loi, mais constatant que cela ne le rendait pas plus raisonnable, au contraire, ils ont décidé de ne plus intervenir dans l'histoire. Jusqu'au jour où Caliostro a décidé de devenir le Tyran Ultime. L'avenir de tout l'univers est en jeu, et donc bien sûr celui des êtres étranges, qui sont les... hommes de l'avenir. Campbell fait justement remarquer à ses hôtes qu'ils se sont créés eux-mêmes. Mais trève de considérations philosophiques! Campbell et Campbell vont en 1940 arrêter Caliostro et Ziprinn. Steinberg et Tess reviennent en 1937 pour tendre un piège aux deux fous. Démasqués par les Campbell en 1940, Caliostro et Ziprinn vont effectivement en 1937 et sont détruits grâce à Campbell, agonisant, qui se sacrifie pour les éliminer.

Enfin un récit émaillé de nombreux sauts dans le temps. Très intéressant aussi l'intérêt accordé à l'achronissage: échoué dans le crétacé, le professeur Steinberg construit une armature en bois pour empêcher la sphère de rouler lors de l'apparition dans une nouvelle époque.

Bob et Bobette

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Les aventures de Bob et Bobette contiennent probablement le plus grand échantillon des techniques imaginables pour voyager dans le temps - toujours dans le passé? L'hypnose par un vagabond qui envoie par le rêve nos héros dans l'époque qu'ils désirent, dans "L'île d'Amphoria", dans "Le casque tartare" à la rencontre de Marco Polo, "Le trésor de Beersel", "Le gladiateur mystère", ...

Le miroir brisé dans "Le roi boit", "Le castel de cognedur".

Intervention surnaturelle: Le fantôme espagnol.

Divers passages: "Le trésor de Fiskary", "Lambiorix roi des Eburons", "Margot la folle", "Les mousquetaires endiablés", "La frégate fracassante", ...

Le télétransformatic du professeur Barabas dans "Le teuf-teuf club"; le télétemps dans Wattman, Lambique baba, Le petit postillon, Le rapin de Rubens, Panique sur l'Amsterdam et nombre d'autres aventures.

Robert Rouyet, Le Soir, 13/08/91: "Tout compte fait, pour voyager à travers les âges, rien ne vaut un véhicule approprié et une machine à remonter le temps, c'est encore ce qu'on a inventé de plus pratique".

Bob et Bobette ont ainsi l'occasion de parcourir toute l'histoire. Mais à aucun moment, l'auteur, Willy Vandersteen, individu à l'imagination prodigieuse, n'exploite les autres possibilités offertes par la réalité du déplacement dans le temps.





Timoleon

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Time is money, 4 pas dans l'avenir, Joseph le Borgne (Alexis et Fred, Dargaud 1975, Vents d'Ouest 1992)

Mon coup de coeur.

Voici ce qu'écrivait Hergé le 4 avril 1974 au dessinateur Alexis: "Cher ami, je vous remercie - un peu tard, et je vous prie de bien vouloir m'en excuser - pour le "Time is money" que vous avez eu la gentillesse de me dédicacer. J'avais déjà suivi l'histoire dans Pilote où, dès la première page, elle m'avait séduit et frappé par son caractère étrange et absurde, et par l'élégance du dessin: c'était fait de telle manière que, d'emblée, on y croyait. Cette bonne impression s'est confirmée à deuxième lecture, ce qui me paraît un excellent critère. Bravo donc au dessinateur, et bravo au scénariste qui ont réussi cet exploit! Merci encore! Amicalement à vous, Hergé".

Time is money repose sur une idée très originale et cynique, ce qui la rend réaliste: "Ils voyagent dans le temps pour de l'argent", comme l'annonce la page de garde de chaque album.

Inutile de dire que cela ne leur rapportera rien d'autre que des ennuis. La morale est sauve.

Comme à son habitude, Fred, le scénariste, a l'art de décrire des situations absurdes. C'est ainsi que son héros, Timoléon, est représentant en machines à rouler des cigarettes. La machine pèse trois tonnes, ce qui n'empêche pas Timoléon de la porter sur son dos dans une région où les habitations sont éloignées les unes des autres de plusieurs kilomètres. De plus, lorsque les propriétaires ne fument pas la pipe, ils ne prisent tout simplement pas le tabac. Précisons que la machine présente l'avantage de rouler les cigarettes en moins de trois heures. Timoléon finit par rencontrer le professeur Stanislas. Stanislas a fabriqué une "machine à remonter le temps", ce dont il reconnait le manque d'originalité puisque "... depuis Wells jusqu'à Valérian, bien des gens ont voyagé dans le temps...", pour ajouter aussitôt "... mais personne, NON PERSONNE n'a jamais eu l'idée de voyager dans le temps pour de l'argent!". Voilà Timoléon en "commerçant du temps" qui doit aller en 1469 à Florence pour suggérer à Léonard de Vinci, qui n'a encore que 17 ans, de peindre La Joconde, et lui acheter ensuite le tableau pour une bouchée de pain. Timoléon fait remarquer à Stanislas que le tableau est au Louvre; sur quoi le savant s'esclaffe: "Et alors? Léonard ne peindra La Joconde qu'en 1507. Si vous le décidez à la peindre en 1469, La Joconde du Louvre deviendra une copie... HA! HA! HA!... Une copie... La Joconde, une copie de La Joconde, Léonard plagié par Léonard!! HA! HA! HA!". Le hic, c'est que le Léonard que Timoléon rencontre dessine comme un pied. Retour au 19è siècle. Stanislas décide de renvoyer Timoléon en 1506, soit un an avant qu'il ne peigne le tableau. Malheureusement, une erreur de manipulation envoie Timoléon en 1513. Le tableau est vendu et Léonard se prend au sérieux, feignant d'abord de ne pas reconnaître son ami "toto". Il refuse de peindre une autre Joconde, même plus petite, par crainte de déprécier le marché.

Stanislas doit envisager une autre façon de s'enrichir. Il a une nouvelle idée géniale, mais au moment où il va la révéler à son associé, il glisse sur une peau de banane jetée par Timoléon et se casse la jambe. Une nouvelle idée géniale fuse pour remédier à ce contretemps. Stanislas va remonter dans le temps juste avant que Timoléon ne jette la peau de banane par terre. Mais s'il explique à Timoléon comment l'envoyer 1h20' dans le passé, il oublie de lui expliquer comment le ramener. Stanislas arrive donc 1h20' plus tôt, mais il trébuche dans l'escalier de la cave. Le Timoléon du passé va voir ce qui se passe et est tout surpris de tomber nez à nez avec le professeur qu'il vient de laisser à table. Il remonte pour voir Stanislas glisser sur la peau de banane qu'il avait jetée avant de descendre à la cave. Pendant ce temps, ou plutôt 1h20' plus tard, Timoléon décide de revenir 1h20' dans le passé pour demander au professeur comment le ramener dans le présent. On croit rêver! Le hic, c'est qu'il n'y a plus personne dans le futur pour les ramener. Et la machine n'est pas arrêtée, elle fonctionne toujours dans le présent. L'utiliser dans le passé pour retourner au présent, soit 1h20' plus tard, c'est courir le risque de provoquer un court-circuit.

Une heure vingt passe et nos deux amis, toujours dans la cave, voient leurs doubles envoyer le Stanislas 2 dans le passé. Mais "il faut l'empêcher de partir, sinon nous allons faire du sur place dans le passé", s'exclame Stanislas 1. Mais il est trop tard! Stanislas 1 et Timoléon 1 décident alors de rejoindre Stanislas 2 dans le passé où doivent donc se trouver Stanislas 3 et Timoléon 3. "C'est tout de même paradoxal! Etre obligé de partir dans le passé pour tenter de rejoindre le présent...". Ils vont donc dans le passé du passé. Mais au fait, pourquoi? Pour empêcher Stanislas 2 de trébucher dans l'escalier et lui permettre d'empêcher Timoléon 3 de jeter la peau de banane. Nouveau contretemps. Stanislas et Timoléon remontent trop loin dans le passé. Cela donne l'occasion à Stanislas de se rencontrer alors qu'il est seulement en train de mettre au point la machine à voyager dans le temps. Stanislas va se donner un coup de main et terminer la machine tandis que Timoléon mange une banane et jette la peau par terre. Bien sûr le jeune Stanislas glisse dessus et se casse la jambe. Lorsque son lui aîné veut utiliser la machine pour retourner à son présent, il menace de le tuer, ce à quoi l'aîné répond que ce serait du suicide. Habile variante du paradoxe du grand-père qui ne crée pas de paradoxe. Stanislas et Timoléon utilisent donc la machine mais pour se retrouver plus loin encore dans le passé, soit au moment où Stanislas n'a que 8 ans. Le plus surprenant, c'est que le mioche avait déjà réalisé la machine qu'il ne devra élaborer que 50 ans plus tard.

Les compères sont enfin de retour à leur époque, mais c'est pour mieux retourner dans le temps, le futur cette fois, où ils iront chercher des objets qui n'existent pas encore au 20è siècle, et qu'ils revendront donc à bon prix. Leur objectif, faire du porte à porte entre l'avenir et le passé. Ils arrivent en 5971. A cette époque, tout le monde possède une machine à voyager dans le temps. Ils sont pris en machine-stop par une famille qui va rendre visite à ses descendants, mais ils sont arrêtés "sur le bord du temps" par des motards du temps et mis dans une prison temporelle, qui est en réalité hors du temps. On apprend de la bouche des motards que le déplacement temporel est limité à 90 ans à la seconde. A son grand étonnement, Stanislas apprend aussi que la première machine à voyager dans le temps n'a été expérimentée que le 92 février 4278. De plus, les machines ne peuvent aller que dans l'avenir. Stanislas voit là le moyen de faire fortune en commercialisant le moyen d'aller dans le passé. A leur sortie de prison, Stanislas et Timoléon tombent dans un bouchon temporel entre les années 6413 et 6417. C'est l'occasion de voir la plus grande concentration de machines à voyâger différentes de l'histoire de la BD. Il y a à cette époque 430 milliards d'humains La terre ne peut les accueillir tous, alors ils investissent des époques différentes dans le futur. S'ils pouvaient aller dans le passé, les humains qui y vivent, ne disposant pas de machines à voyager dans le temps, ne pourraient aller squatter d'autres époques.

Nos deux compères sont de retour à leur époque, mais suite à un coup de foudre, la machine va seule au crétacé et ramène un brontosaure.

Dans le dernier album des aventures de Timoléon, Joseph le Borgne, trafiquant d'armes, vient se planquer chez son oncle Stanislas. Pour échapper à la justice, il se fait envoyer chez Attila, roi des Huns, 448. Seulement voilà, Attila n'est pas intéressé par les armes de Joseph. Ce qui lui plaît, ce sont les jurons que crache Joseph, et qu'il va s'empresser de répéter pour restaurer une autorité défaillante. Pendant ce temps, au 19è siècle, la machine de Stanislas s'arrête. Du coup, le temps s'arrête au 5è siècle. Lorsque Stanislas a réparé sa machine, le temps se remet en route. Il est intéressant de constater que les époques existeraient immobiles, et que la mise en marche de la machine les animerait. Les auteurs donnent ainsi officieusement leur adhésion à la conception du temps de Barjavel et Abbott.

Mais décidément, la machine est détraquée et le manoir de Stanislas se retrouve trois semaines dans le passé, soit au moment où deux pandores viennent arrêter Joseph le Borgne au manoir. Mais alors que Stanislas, Joseph et Timoléon s'apprêtent à envoyer les policiers au Moyen Age comme ils l'avaient déjà fait trois semaines plus tard, revivant les mêmes événements mais avec la conscience en plus - ce qui exclut une situation de pur déterminisme -, le feu se déclare dans la cave. Stanislas envoie Timoléon chercher de l'eau dans le passé! Sans blague, prévenir l'incendie dans le passé ne lui vient pas à l'esprit. Mais c'est ce que va tout de même faire Timoléon. Le problème, c'est que le feu "s'éteint" dans le futur alors qu'il n'a pas pris dans le passé. On n'en voudra pas à Alexis et Fred, dont les neurones devaient être en état d'ébullition pour avoir aussi gaillardement oser affronter les conséquences complexes du voyage dans le temps.

Trois étapes classiques: préhistoire, passé récent, futur.



Thorgal

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Dans "Le maître des montagnes", les auteurs, le dessinateur Rosinski et le scénariste Van Hamme, évoquent Ouroboros, le serpent qui se mord la queue, comme métaphore de la boucle provoquée par le saut dans le temps des personnages.

Mais on ne trouve pas d'indications précises sur une possibilité de voyager dans le temps à volonté et n'importe quand.

Au début de l'histoire, Thorgal est sauvé de la mort par un inconnu qui provoque une avalanche qui avale celui qui allait l'abattre. Thorgal poursuit son chemin et rencontre dans une maison isolée le jeune Torric qui tente d'échapper à celui qui le tient en esclavage, Saxegaard. Thorgal trouve une bague qui représente un serpent qui se mord la queue. Une poutre s'effondre sur nos amis et les voilà transportés 37 ans en arrière, au même endroit, au printemps alors que c'était l'hiver. Ils rencontrent la superbe Vlana dont Torric tombe amoureux. Thorgal retourne 37 ans plus tard. Torric vit avec elle mais au bout de six mois, elle périt sous les coups de brigands. Envahi par la haine, Torric devient Saxegaard le maître des montagnes. Il a le temps de réfléchir et de comprendre qu'il peut changer le passé grâce à Thorgal. C'est ainsi que 37 ans plus tard, (ses 20 dernières années, 37-57, sont parallèles à ses 20 premières) Saxegaard-Torric vient voir Thorgal dans la maison où il s'est matérialisé quelques instants plus tôt. Pour effacer ses doutes, Torric lui montre l'entaille qu'il vient de faire 37 ans dans le passé. C'est la preuve qu'on peut changer le passé et l'avenir. Saxegaard ordonne à Thorgal d'aller rechercher Vlana dans le passé. Thorgal s'exécute et arrive à temps pour empêcher l'exécution de Vlana par les brigands. Thorgal se dit alors que Torric n'a plus la haine et n'a plus de raison de devenir Saxegaard. Mais c'est sans compter avec le goût du pouvoir et du luxe de Torric qui se dit qu'il pourrait avoir puissance, richesse et une Vlana jeune si elle le rejoint dans le futur. Notons une petite incohérence: Saxegaard vient de dire à Thorgal qu'il a eu tout le temps de comprendre ce qui s'était passé pour lui et Thorgal lorsqu'ils ont fait un bond dans le temps, mais ici c'est Thorgal qui explique à Torric encore jeune qu'ils ont voyagé dans le temps. Thorgal et Vlana font donc un bond dans le futur, où Torric se souvient depuis toujours, mais est-ce depuis un instant, de la gifle que vient de lui donner Thorgal. Habilement, Vlana entraîne Saxegaard dans le passé pour montrer à Torric le porc qu'il va devenir. N'y croyant pas, Torric se tue lui-même (adieu grand-père). Il décide alors de retourner 37 ans plus tard et de tuer Thorgal avant qu'il n'arrive à la maison au début de l'histoire. Désespérée, Vlana doit se résoudre à attendre 37 ans pour empêcher le geste de Torric. Nous sommes 37 ans plus tard, soit au début de l'histoire: l'inconnu qui provoque l'avalanche, c'est Vlana qui est devenue Saxegaard, celui qui périt sous l'avalanche, c'est Torric. La boucle est bouclée. La boucle? Qu'en est-il du Torric que Thorgal rencontre dans la maison? On a du mal à croire qu'il était esclave de lui-même, même s'il l'était de ses vices. Le problème se resout s'il était l'esclave de Vlana. Mais alors, il n'a jamais été Saxegaard et le récit n'a plus de sens. On retrouve la boucle développée par Barjavel. Le scénario ne développe pas la situation du déterminisme absolu puisque l'histoire est modifiée; on ne se trouve pas non plus devant un cas de surimpression temporelle, les images en attestent. Reste la démulitplication des branches d'univers pour justifier le cours des événements. Nous y reviendrons.

La couronne d'Ogotaï contient un plan du voyage dans le temps.

Van Hamme est un des scénaristes les plus brillants des années 80-90. Les séries XIII et Largo Winch comptent de nombreux fans.

Van Hamme développe le thème de manière sobre dans Le maître des montagnes et de manière beaucoup plus fouillée dans La couronne d'Ogotaï. Les deux récits ne se répondent pas. Par contre, on trouve dans La couronne d'Ogotaï des références à d'autres aventures de Thorgal et même l'insertion de cases d'autres albums, ce dont on ne trouve l'équivalent que dans la saga Vortex. Quelques cases du début du récit se retrouvent à la fin, reflétant la boucle du temps.

Dans La couronne d'Ogotaï, Thorgal croit s'appeler Shaïgan-sans-merci, chef de corsaires. Il hésite à les envoyer au pillage, une pulsion d'humanisme le guidant. Cela suffit à le discréditer aux yeux de ses capitaines, qui le tuent. Pendant ce temps, Jolan, le fils de Thorgal, est le seul survivant de l'expédition en mer qu'il a entreprise avec un ami et une amie pour retrouver ses parents et sa petite soeur. Lorsqu'il se réveille dans son lit, il est accueilli par un personnage étrange tout de blanc vêtu. Il s'agit de Jaax le Veilleur, un homme venu de 30000 ans plus loin dans le futur. Il vient récupérer la couronne d'Ogotaï, un instrument anachronique tombé dans les mains d'un prêtre maléfique. La couronne donne le pouvoir de lire dans les pensées. Jaax a besoin de Jolan pour retrouver l'endroit où Thorgal a jeté la couronne à l'eau quatre ans plus tôt. Pour le convaincre, il fait avec Jolan un bond de trente ans dans le futur et lui montre les conséquences de l'utilisation de la couronne par le prêtre. Les voyâgeurs reviennent à l'époque de Jolan, qui accepte d'aider Jaax à condition que Jaax ensuite l'aide à retrouver Thorgal, Aaricia et Louve.

Jaax et Jolan effectuent cette fois un bond de quatre ans en arrière. Ils se cachent derrière un buisson et Jolan peut se voir lui-même quatre ans plus jeune en compagnie de Thorgal.

Le lendemain, Jaax plonge dans la rivière et récupère la couronne qu'y a jetée Thorgal. Mais de retour à l'époque normale de Jolan, soit quatre ans plus tard, Jaax ne tient pas sa promesse d'aider Jolan à retrouver ses parents. Plus grave encore, il lui annonce qu'ils sont morts. Dominant son chagrin, Jolan s'empare du Voyageur, le sabre à voyager dans le temps de Jaax. Au moment où il va le rattrapper, Jaax est assommé par un inconnu surgi de nulle part. Il s'agit en réalité de Jolan quinze ans plus vieux, qui a été prévenu par lui-même. Ayant compris le fonctionnement du Voyageur grâce à la couronne, le jeune Jolan fait un bond de quinze ans dans le futur et va se chercher lui-même quinze plus vieux. Par prudence, de crainte qu'il n'arrive malheur au jeune Jolan et que le destin ne puisse s'accomplir, le Jolan de vingt-cinq ans retourne seul quinze ans plus tôt pour assommer Jaax. Il entreprend ensuite d'aller sauver Thorgal. Il le sauve effectivement mais ne peut ramener qu'Aaricia et Louve. Par prudence, il la ramène chez elle avant que Jaax ne fasse son apparition à leur époque. Mais "entre-temps", ou plutôt "cependant", Jaax a été secouru par un autre veilleur et, tenant Jolan, qu'il est allé chercher quinze ans plus tard, il surprend Jolan. Décidé à modifier la trame du temps modifiée. Alors intervient Le Grand Veilleur venu remettre de l'ordre dans cette pagaille temporelle. Il fait remarquer à Jaax qu'il a commis une erreur en se laissant dérober son Voyageur et qu'il s'apprête à en commettre une plus grande encore en voulant modifier ce que Jolan et Jolan ont accompli. Les Veilleurs n'ont pas le droit d'intervenir dans le cours des événements. " Ce garçon l'a bien dit: ce qui est fait est fait. Revenir à la situation antérieure nous obligerait à agir à l'encontre des principes de notre charte". Le Grand Veilleur renvoie Jolan au début du récit et emmène Jolan trente mille ans plus loin, pour laisser le destin prendre un autre cours: "... en changeant le passé, tu as changé l'avenir, Jolan. Ton avenir, les quinze années de solitude que tu as vécues sur ton île n'existeront plus car le destin du petit Jolan prendra désormais un cours différent".

Jolan ne peut retourner à son époque car "... il y aurait alors simultanément deux Jolan de vingt-cinq ans ayant mené chacun une vie différente. C'est ce genre de paradoxe que nous devons éviter à tout prix". Et Jolan ne peut pas plus rester quinze ans en arrière car "... il ne peut y avoir en même temps un Jolan de dix ans et un autre de vingt-cinq. En vous rencontrant comme vous l'avez fait, vous avez frôlé la catastrophe". La mort de Jolan ne résoudrait rien. Seule solution, aller dans le futur et ne jamais le quitter.

Quant à Jolan, il ne fera pas naufrage et aura le bonheur de voir ses amis vivants. La spirale est boucl...

Cohérent les auteurs développent la même théorie du temps que dans Le maître des montagnes, une théorie que développe aussi Leloup.

Plus fouillé et plus élaboré encore que Le maître des montagnes, et que la plupart des récits de voyages dans le temps, tous genres confondus - seul le scénario de la trilogie Retour vers le futur fait plus fort encore -, La couronne d'Ogotaï est aussi moins crédible. C'est le prix à payer pour avoir osé affronter les implications complexes d'un déplacement dans le temps.





Yoko Tsuno

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"La spirale du temps" est la première des aventures de Yoko Tsuno dans lesquelles intervient un voyâgeur, en l'occurence la voyageuse du temps Monya.

Nous somme à Bornéo à la fin du vingtième siècle. Monya la dernière terrienne en vie après l'apocalypse terrestre qui a eu lieu en 3872, revient à notre époque à bord de son translateur pour tenter de tuer l'inventeur de la bombe à contraction avant qu'il ne l'ait réalisée. Mais il faut remonter plus loin dans le passé. C'est ainsi que Yoko va l'accompagner le 5 février 1943 à 20 heures précises dans un camp dirigé par son oncle. Pour se convaincre de la véracité du récit de Yoko, celui-ci téléphone à sa nièce, seulement âgée de 13 ans, pour lui demander comment elle appellerait son enfant: "Yoko", répond-elle, du nom de sa poupée préférée. Monya et Yoko retournent alors en 1980 achever leur mission. Monya décide de rester à cette époque et répond à Yoko, qui lui demande si elle ne retourne pas dans le futur: "Imprudent! En changeant l'avenir, nous nous sommes placés sur une nouvelle spirale de temps à laquelle nous appartenons désormais!"; "Dans ce nouveau futur, je rencontrerais un père fort différent et une Monya n°2 qui rendrait mon récit incrédible".

Nous avons donc une situation de déterminisme absolu avec le coup de téléphone de l'oncle de Yoko à sa mère et une situation de démultiplication avec changement du passé et du futur, et une nouvelle spirale de temps.

Leloup et Van Hamme développent la même théorie du temps: des cercles concentriques qu'on parcourt en sautant de l'un à l'autre.

"L'horloger de Bruges".

A l'invitation du peintre Van Laet, Yoko se rend à Bruges. Le peintre, âgé de près de cinq cents ans - il a découvert l'élixir de vie -, affirme avoir peint le portrait de Yoko en 1545. Puisqu'elle n'en a gardé aucun souvenir, Yoko comprend qu'elle doit encore accomplir cette étape de son destin. Elle contacte donc son amie Monya qui matérialise son Translateur à Bruges. Les voilà parties en 1545 pour empêcher le vilain marquis de Torcello de s'emparer de la formule de la peste noire. Yoko est blessée de la même façon que Monya dans La spirale du temps: une profonde entaille à l'épaule droite.

Matérialisée en 1545, Yoko est troublée: "Perturbée! Tous ces gens qui, pour moi, sont morts depuis quatre siècles, bougent, parlent et m'examinent comme s'ils devinaient que je ne fais pas partie de leur tableau". Subtile cette identification de l'époque investie à un tableau, sorte d'instant figé, dans lequel Yoko, Monya et leurs amis sont entrés. Image de l'image. Leloup prend soin d'éviter les paradoxes, même s'il y fait allusion en décrivant l'apparition d'étincelles lorsque Yoko approche la robe qu'elle portera et a portée en 1545, de celle qui a été confectionnée au XXè siècle. Plus tard, soit près de 450 ans plus tôt, Yoko prend soin de cacher aux regards curieux un plan des canaux qui ne sera dessiné que dix-sept ans plus tard: "Marcus Gerards le dessinera en 1562, soit dans 17 ans! Il est impératif que nul ne s'en empare...".

La précision du translateur s'arrête à la minute. Le transfert s'effectue par dématérialisation.

On éprouve un sentiment étrange à la lecture de l'aventure de Yoko: un déterminisme a priori, une force irrésistible, plutôt que l'obligation de vivre quelque chose qui a déjà eu lieu, un déterminisme a posteriori.

"La joncque céleste" est l'occasion pour Yoko de se rendre en Chine et pour son père Leloup d'affronter enfin les paradoxes provoqués par un déplacement dans le temps. Yoko rencontre le professeur Fung et son médecin, la jolie Lin-Po. Tous deux ont découvert le tombeau de la troisième épouse de l'empereur Tchen Tsong, au pied de la "7è dent du Dragon", une montagne prestigieuse. La jonque qui sert de tombeau à la troisième épouse, âgée de 6 ans au moment de sa mort, contient une urne qui elle-même contient les restes du "coeur" de la petite fille, coeur que Lin-Po et Yoko croient même entendre battre! Yoko est touchée par cette histoire et décide de se rendre le 29 mars 1021 pour élucider les causes de la mort de Sin-Yi. Outre Lin-Po, elle demande à Monya d'emmener dans son translateur Pol et Mieke, sa petite fiancée brugeoise du 16è siècle. Prévoyante, Mieke décide d'emporter du waterzooï: "Du waterzooï...? En Chine! au 11è siècle"... "Et alors, elle a bien appris à le préparer à Bruges au 16è...", réplique Pol.

On apprend au passage que la ceinture biologique que doivent porter les passagers du translateur sert à contrôler les cellules durant la dématérialisation.

Arrivée au 11è siècle, Yoko se rend compte que la mort de Sin-Yi n'est pas accidentelle. Elle a été-doit être assassinée par un envoyé du roi. Bien sûr, Yoko va sauver Sin-Yi, mais pour éviter de provoquer des bouleversements historiques, elle décide d'emmener Sin-Yi avec elle au 20è siècle. Elle a un coup de génie. Elle place dans la poupée qui doit contenir le coeur de Sin-Yi, un walkman avec l'enregistrement des battements de son propre coeur. Elle scelle l'objet, et convainc l'émissaire du roi qu'il s'agit du coeur de Sin-Yi. De retour au 20è siècle, Yoko retrouve dans l' urne son walkman seulement plus vieux de quelques siècles, ce qui lui fait dire à Lin-Po: "... une chose est sûre: si nous ne nous étions pas rencontrées, il n'y aurait jamais été et la jonque céleste n'aurait contenu aucun indice menant à Sin-Yi!". La confusion va disparaître avec l'indication du génial coup de Bluff de Roger Leloup. Il faut revenir pour cela à la page 16 de l'album. Yoko colle l'urne contre son oreille: "Il m'a semblé que... Non! Je perds la tête... ce sont les battements de mon propre coeur que je perçois dans le silence de la grotte!". Extrèmement subtil de la part de Leloup, car ce que Yoko entend, et qui va la décider à retourner dans le passé, ce sont bien les battements de son coeur, mais qu'elle enregistrera seulement huit siècles plus tôt. Mais coup de bluff, car à ce moment, le walkman a véritablement huit siècles: qui a dit que la pile Duracel était la pile qui dure longtemps, longtemps... Devant un tel paradoxe, car il s'agit du paradoxe de la connaissance, la volonté de Yoko d'éviter des perturbations de l'histoire en ramenant Sin-Yi au 20è siècle, paraît bien dérisoire. Chapeau tout de même à Leloup.

Comme Jacob, Leloup détaille le "voyage" dans le temps.



Mandrake

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Au fond, Lee Falk et Phil Davies, les auteurs de Mandrake, sont les plus logiques des auteurs qui exploitent le thème du voyage dans le temps. On ne peut encore voyager dans le temps. C'est donc forcément du futur que doit venir le voyageur du temps. C'est ce qu'ils vont nous montrer à travers deux récits.

Dans Les voleurs de l'an 5000 Mandrake est "stupéfait". On lui demande de résoudre le mystère du vol d'uranium dans les réserves d'une base de l'armée dans laquelle personne n'a pu pénétrer. Caché dans la salle des réserves, Mandrake voit se matérialiser un homme et une femme venus de nulle part, et repartir dans une étrange machine en forme de cage.

Les voleurs apprennent à Mandrake qu'ils viennent de l'an 5000, puiser dans les réserves de la base l'uranium en pénurie à leur époque, et qui est indispensable à leur survie, car il leur permet de combattre les martiens qui veulent conquérir la terre. Les voyageurs du temps invitent Mandrake à les suivre en l'an 5000. Là, il peut se rendre compte de la véracité de leur récit. Mais Mandrake n'est pas au bout de ses surprises, il apprend que la jeune voyageuse du temps est sa descendante: "Je suis votre petite-fille de la cent-vingtième génération...". Mandrake apprend par la même occasion qu'il se mariera: "C'est fantastique! Je suis en l'an 5000, en train de parler avec une de mes descendantes". Inutile de préciser qu'à son retour au 20è siècle, les proches et les collaborateurs de Mandrake lui conseilleront d'aller se reposer pour effacer les effets du surmenage.

Dans L'homme qui revient du futur, Mandrake est confronté au même problème de devoir convaincre son entourage de faits "insensés". Un petit homme mystérieux met la ville en émois en vendant des pilules de jouvence. Mandrake part à sa recherche et découvre qu'il s'agit d'un voyageur du temps qui vient de l'année 5068. L'intérêt du récit réside dans l'équipement du voyageur: un vaisseau invisible, un désintégrateur momentané de molécules, les pilules de jouvence dont l'effet ne dure que sept jours...

Mais le petit homme n'avait pas le droit de voyager dans le temps. Il est recherché par la police du futur qui le retrouve alors que Mandrake s'apprête à le livrer à la police du 20è siècle pour avoir commis des vols sous la menace: "Il nous en a fallu pour te retrouver. Nous avons dû explorer dix siècles!... Nous avons cherché d'abord les radiations de la machine, mais, moi, j'ai eu une meilleure idée!... Je suis allé au musée et j'ai vu quels vêtements il manquait! Les recherches ont été ainsi restreintes à 10 ans...". Un jeu d'influence s'exerce alors entre Mandrake et le policier du futur. Mais alors que Mandrake est parvenu à désarmer le policier, un autre policier du futur surgit de nulle part derrière lui et le désarme; la matérialisation soudaine du voyageur du temps se révèle plus efficace que le pouvoir d'hypnotisme de Mandrake. Les trois voyageurs du temps repartiront à leur époque sous le regard impuissant de Mandrake, qui ne parviendra pas à convaincre le commissaire de police de la véracité de son récit.



Patrick Maudick

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(P. Dumas, Glénat, 1983) (Les oiseaux du diable et La nuit de l'araignée?)

Les méandres du temps est une des histoires de voyage dans le temps que je préfère, parce que l'une des mieux élaborées. Elle est très complexe et demande beaucoup d'attention pour en saisir toutes les subtilités. Je laisse le soin au lecteur de s'y plonger pour en connaître les détails.

Patrick Maudick est un écrivain qui est invité par un savant dans son château. Le savant lui propose de l'envoyer effectuer une petite balade dans le temps.

A son retour, Maudick tente de comprendre ce qu'il s'est passé. Il a endommagé l'ordinateur qui contrôle le voyage dans le temps. Logiquement, il n'a donc pas pu l'utiliser pour se retrouver dans le passé. L'auteur tente d'éclairer le lecteur. "Note: Maudick prend la machine et va dans le passé. Il détraque l'ordinateur, donc la machine ne marche pas et n'a jamais pu l'emmener dans le passé. Mais alors, il n'a évidemment pas pû détraquer l'ordinateur et la machine marche parfaitement, l'emmène dans le passé où il endommage l'ordinateur etc..."

Bel effort d'explication des contradictions logiques impliquées par le voyage temporel. Au fond, nous retrouvons là une variante du célèbre paradoxe antique d'Epiménide le crétois - que Gribbin évoque également dans "In search of the edge of time" - qui affirme que tous les crétois sont des menteurs. Et bien sûr le paradoxe évoqué par Barjavel dans Le voyageur imprudent.



Le Scrameustache

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Le dilemme de Khéna contient une très intéressante analyse des conséquences psychologiques d'un passage dans une autre époque, en l'occurence le passé, le XVIè siècle. Est-ce un cas unique dans les récits de voyage dans le temps?

Khéna va donc au XVIè siècle et y retrouve ses parents, qui ont échoué à cette époque par accident. Khéna et le Scrameustache doivent retourner au 20è siècle. La séparation est dramatique, Khéna est devant un dilemme, un choix cornélien: rester avec ses parents au XVIè siècle ou retourner à son époque familière sans ses parents. Khéna choisit la deuxième solution mais promet de revenir dans un an avec le Scrameustache rechercher ses parents.

Dans Le grand retour, la suite du Dilemme de Khéna, il est question d'un futur post-atomique comme on peut en trouver dans les aventures de Valerian et de Bob Morane. Un an a passé. En 1553, le père de Khéna exploite le champ magnétique terrestre et les courants telluriques anormaux dans une grotte pour créer une porte du temps. Celle-ci s'ouvre sur l'an 2857 où atterrit Bérengère, la petite soeur de Khéna, avant que la porte ne se referme sur elle. Comme promis, Khéna et le Scrameustache vont chercher les parents de Khéna, entre-temps atteints de la peste, en 1553, avant de récupérer Bérengère en 2857. En 2857, Bérengère a fait la connaissance d'un petit garçon qui suit l'enseignement de maîtres très sérieux pour apprendre à maîtriser les pouvoirs qui sont en lui, notamment la télékinésie. Lorsque Khéna et le Scrameustache viennent rechercher Bérengère, le jeune disciple de faire remarquer à son maître, qui s'étonne de sa perplexité: "Oui, parce que Khéna retourne dans son présent, qui pour Bérengère est le futur alors que pour moi, c'est le passé...". Notons que si les auteurs Gos et Walt avaient choisi les années 1503 et 2907, au lieu de 1553 et 2857, soit enlever 50 ans au XVIè siècle pour les ajouter au XXIXè siècle, on aurait obtenu par soustraction du plus petit nombre du plus grand nombre, la différence 1404, et par addition de ces deux nombres, la somme 4410, soit deux nombres composés des mêmes chiffres. Ne cherchez pas le rapport avec la choucroute!

Lors du voyage du vaisseau du Scrameustache vers le passé, on voit le recul du temps à travers les révolutions inverses de la terre.



Spirou et Fantasio

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L'horloger de la comète raconte la descente dans le temps, par la comète de Halley, d'Aurélien de Champignac, un descendant du comte de Champignac. Il ne peut voyager qu'à des époques de passage de la comète, tous les 76 ans.

Mais alors qu'Aurélien veut montrer à Spirou et Fantasio la fiabilité de sa machine, celle-ci a des ratés et voilà nos amis prisonniers du Moyen-Age, en 1531 plus précisément, dans la forêt palombienne colonisée par les portugais. Au cours d'un interrogatoire musclé par les envahisseurs portugais, l'envahisseur temporel Fantasio a ces mots amusants: "En fait, je suis venu du futur, c'est simple... et mes amis aussi, mais c'est un futur antérieur... et à cause d'un transfert imparfait, nous voilà dans votre présent... mais le passé, pour nous!"

Dans Le réveil du Z, Spirou et Fantasio effectuent un bond de 50 ans dans le futur pour aller sauver Aurélien de Champignac, descendant du Comte, des griffes d'un Zorglub nain, descendant du pire ennemi de Spirou et Fantasio. Alors que dans "Isabelle" on voit un musée itinérant, ici Spirou et Fantasio aboutissent dans un musée du temps en 2062. Comme le héros de la nouvelle des frères Bogdanoff, Aurélien est raillé par ses collègues qu'il ne parvient pas à convaincre de la possibilité du voyâge. Malheureusement, un individu le croit: Zorglub. Or Zorglub a l'intention d'étoffer son armée avec des hommes volés au passé, en ayant soin de choisir des "individus ayant eu une vie sans incidence sur le futur ou promis à un accident fatal afin de ne pas influencer le cours du destin", comme Ming y prend soin lui aussi. Le clou de l'album consiste dans la rencontre entre Spirou et Fantasio et leurs descendants respectifs qui sont des êtres vils à la solde de Zorglub: "... Les meilleures familles ont leurs canards boiteux...", fait remarquer Aurélien.

Il existe une aventure dessinée par Jijé dans laquelle Spirou va dans le futur.



Luc Orient

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Dans Rendez-vous à 20h en enfer, Luc Orient découvre une photo de mars 1945 sur laquelle il porte un uniforme d'officier allemand et où il est attaché à un poteau, sur le point d'être exécuté. La photo fait partie des archives de l'armée russe gardées secrètes depuis un demi-siècle et désormais accessibles au grand public. "Preuve matérielle d'un passé qui n'a pas encore été vécu... Nos petits cerveaux n'ont pas encore compris que tout existe à la fois!", dit le professeur Kala, l'employeur de Luc Orient. Et le libre-arbitre de Luc? Lora, la collaboratrice de Luc, n'est pas d'accord pour qu'il tente l'aventure de retourner dans le passé. Mais la curiosité de Luc est trop forte, il ne peut laisser passer une telle opportunité. Notons qu'Orient pourrait très bien aller se balader à une époque moins dangereuse. Pour vérifier si le retour dans le temps était possible, le professeur Kala a envoyé dans le passé des éléments qu'il a récupérés dans les archives russes. Luc Orient va donc voyager à bord du "Time Travelling Torpedoes", sorte de submersible car l'eau constitue le meilleur "vecteur inter-temporel". "C'est l'élément qui a subi le moins de transformations à travers... les siècles... La plupart des cours d'eau sont toujours à la même place". L'eau permet en outre le refroidissement de la machine qui subit une température subite d'un million de degrés au moment de l'impact. La machine a emmagasiné de l'énergie pour le retour. Luc dispose d'une masse d'informations historiques qui lui permettront de se fondre dans sa nouvelle époque.

Dépitée à l'idée de voir Luc se jeter dans la gueule du loup allemand, Lora plonge dans un TTT et plonge dans le temps.

Luc monte dans le deuxième TTT pour la rejoindre en 1945: "Ce second appareil est réglé pour rejoindre le premier avec 3' d'écart dans le temps... hem... "local" et 20 m d'écart, pour éviter les risques de collision". Le général qui dirige l'opération, du moins pour la forme: "Si nous avions un troisième appareil, j'irais bien voir dans le futur s'il est revenu...". Luc arrive en 1945, tire Lora des griffes des SS et ramène un indigène de cette époque. Au cours de son séjour en 1945, Luc Orient se demande s'il réintègrera son époque. Or, il n'a pas la mémoire de s'être rencontré tout au long de son existence, c'est donc qu'il a pu retourner en 1996. S'il avait vieilli dans le passé, il aurait pu se rencontrer lui-même avant de mourir, sa vieillesse rejoignant sa jeunesse. Il peut bien sûr aussi s'être épargné cette rencontre.



Les naufragés du temps

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L'aventure racontée par Tronchet dans la revue Vécu de Glénat est un petit bijou d'humour et de dérision. Il s'agit d'une farce, d'une parodie de voyage dans le temps, mais si bien tournée qu'elle vaut la peine d'être citée. Le héros, Raymond Calbuth, français plus que moyen avec ses lunettes à grosses montures et gros verres, s'est offert une montre à quartz. Il la montre à bobonne en train de repasser, la tête couverte de bigoudis. Mais surprise, alors qu'il vit en 1992, sa montre indique 19:53. Stupéfaction, le couple vient de tomber dans une faille spatio-temporelle et de remonter le temps. Bobonne a une idée lumineuse: grâce au remontoir (sic), ils pourront revenir à leur époque. Mais tout compte fait, pourquoi ne pas en profiter pour visiter une autre époque, la Belle Epoque, pour les froufrous que bobonne aime tant. C'est parti: 19:05, puis 19:39 pour tenter de mettre en garde la population contre le nazisme. Peine perdue, les gens ne comprennent pas.

Le temps continue à passer: 19:56, 19:57, 19:58, 19:59... 20:00! Stupeur. On passe directement de 1959 à l'an 2000. "Il y a un gigantesque trou spatio-temporel", s'exclame Raymond. Ils sont bloqués en l'an 2000.



En vrac

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Il existe des centaines d'albums de bande dessinée qui exploitent le thème du voyage dans le temps. Voici un aperçu des aventures des héros les plus populaires, qui contiennent quelques éléments intéressants pour notre enquète.

L'album 20 de Léonard le Génie présente sans doute la "machine" à voyager dans le temps la plus sympathique. Dans le gag "Une bonne pâte", la bonne "bonne" Mathurine utilise la machine à remonter le temps de Léonard pour découvrir que c'est elle-même qui, dans un état de somnanbulisme, a mangé le gâteau qu'elle avait préparé quelques heures plus tôt.

Une planche de Léonard et une planche des Motards utilise le même principe que dans "Un jour sans fin": le héros retourne sans cesse dans un passé immédiat pour vivre toujours la même aventure.

Une aventure de Génial Olivier, dans l'album 6, contient une idée très intéressante que je n'ai trouvée nulle part ailleurs: Olivier fait un bond en l'an 2000 et vieillit du nombres d'années qu'il a franchies grâce à son "mini-transporteur monté en bracelet". Le problème pour lui qui voulait échapper aux contraintes de la vie d'enfant, c'est qu'il se voit chargé de plus lourdes responsabilités encore, et surtout qu'il n'a aucun souvenir de cette période. Il n'a pas acquis le savoir avec l'âge. Le problème pour nous, c'est qu'il ne rencontre pas son double.

Les aventures de Cranach de Morganloup, Le voyageur des portes et La pierre bleue de Naja, nous présentent enfin un personnage surpris par ce qui lui arrive.

Dans Chasse aux vaisseaux pirates, Luc Bradefer vit une aventure intéressante. Bradefer est un héros américain qui rappelle furieusement Flash Gordon, alias Guy l'Eclair. L'intérêt du récit réside dans la poursuite du Chronoscaphe de Bradefer par des navettes temporelles: ils jouent à un jeu de cache-cache temporel. Pourquoi? Parce que les savants de Kalpa sont convaincus que le Chronoscaphe de Bradefer est le prototype de navette temporelle qui a disparu de leur musée des sciences.

La machine à explorer le temps, le classique des classiques, l'oeuvre fondamentale qui a lancé ce qui est en train de devenir le sujet de méditation privilégié des scénaristes et des créateurs de tous genres, a été adaptée en bande dessinée. Mais il faut reconnaître que l'adaptation BD du célèbre roman de Wells est bien loin de contenir la richesse de son modèle.

Dans Sophie et le souffle du dragon, on trouve l'idée originale d'un musée constitué dans un vaisseau du temps, avec des spécimens d'êtres vivants de diverses époques. L'idée du musée revient chez Wells, dans Natacha.

Précisément, dans les aventures de Natacha, Instantanés pour Caltech et Les machines incertaines, les auteurs nous présentent une Humanité du 25è siècle, humanité hébétée comme chez Wells et Barjavel. Le musée que l'on y découvre rassemble les ancètres des Andros, ces robots qui voyagent dans le temps: robots, magnétophones, caméras, ordinateurs... Cocasse!

Même Astérix et Obélix voyagent dans le temps, dans Les douze travaux d'Astérix. Il s'agit au départ d'un dessin animé dont a été tiré un ouvrage illustré. Astérix et Obélix débouchent dans une bouche de métro, au 20è siècle. C'est une sorte d'archéologie prospective.

La porte de Bréchéliant est le récit d'un voyage dans le temps limité à l'époque de la forêt de Brocéliande. L'athmosphère est tendue et angoissante, prenante. On peut faire un parallèle avec "Le sortilège de l'ombre jaune", une aventure dans laquelle Bob Morane atterrit à la même époque. Mais le traitement par Rodolphe et Ferrandez est très différent de celui de Vernes. Ils s'efforcent de déjouer les pièges de la logique en justifiant le passage du comte au Moyen-Age par le rôle de Merlin qu'il avait à y jouer; ils justifient les anachronismes (pipes, montres, appareils photos...) en arguant que ces objets n'ont pas laissé de traces archéologiques et que la technologie du Moyen-Age est trop peu développée pour les reproduire. Le destin n'est pas faussé, n'en déplaise à Bradbury dont les cheveux se dresseraient certainement sur la tête s'il connaissait le scénario.

Originalité du mode de transport qui permet à Tancrède de maintenir son maître prisonnier dans le passé pour son bien.

Les Centaures sont des personnages mythologiques - peut-être les seuls à voyager dans le temps - mis en scène par Seron, qui se retrouvent dans des époques différentes lorsqu'ils passent une porte majestueuse. Mais ils ne parviennent pas à rejoindre l'Olympe. Notons qu'ils tombent toujours au milieu d'un conflit:

guerre de Sécession, révolte de serfs au Moyen-Age...

Retour vers le Fürher, Le jour le plus con, envoie Helmut, soldat du IIè Reich, dans le futur, dans l'Allemagne du IIIè Reich, où on le confond avec Hitler auquel il ressemble étrangement. La machine va dans le futur avec Helmut, reste un jour, revient dans le passé un jour après son départ, existe jusqu'au jour où elle se rencontre elle-même dans le futur. Donc, le dessinateur aurait dû représenter deux machines à voyager dans le temps, mais il n'en a représenté qu'une. Par ailleurs, le professeur qui envoie Helmut dans le futur, existe 3 mois plus tard, donc il ne peut pas avoir été exécuté par l'Oberoberfürher qui pense que l'expérience a échoué.

Dans Chroniques d'extraterrestres, les extraterrestres de Devos investissent la préhistoire, l'antiquité grecque, la fin du 19è siècle, les première et deuxième guerres mondiales. Mais il s'agit plus d'une astuce scénaristique que d'une exploitation concertée du thème du voyage dans le temps.

Enfin, un mot de Cloc, la seule bande dessinée qui exploite systématiquement le thème du voyage dans le temps en histoires d'une planche, à côté de récits de 44 planches.



CHAPITRE 3: films, séries, émissions

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Passons à présent en revue les références cinématographiques et télévisuelles incontournables. L'exploitation du thème du voyage dans le temps y bénéficie de moyens visuels souvent très performants.



FILMS

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Retour vers le futur

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C'est la perle des films du genre, et peut-être même le meilleur scénario tous genres confondus. La trilogie de Zemeckis est LA référence des récits qui mettent en jeu des déplacements dans le temps. Tous les paradoxes y sont abordés et les réactions psychologiques des personnages décrites dans un récit cohérent et haletant. Mais le réel atout du film réside sans doute dans le fait que le réalisateur ne nous entraîne pas dans les époques spectaculaires habituelles dans ce type de récit. Il nous fait voyager dans un passé et un futur proches, suffisamment proches pour que Marty, le jeune héros, puisse se rencontrer lui-même et ses parents au moment de leurs premiers flirts. Le saut dans le temps le plus lointain envoie Marty au Far-west du siècle dernier. On s'identifie donc facilement au personnage. Ajoutons qu'un autre "personnage" a gagné la célébrité dans l'aventure: la DeLorean à bord de laquelle Marty et Doc Brown effectuent leurs sauts dans le temps.

Premier volet: Nous sommes en 1985. Le professeur Doc Brown fait rouler sa DeLorean à du 88 miles à l'heure pour qu'elle franchisse le mur du temps d'une minute dans le futur, avec son chien Einstein à son bord. Le voyage est instantané pour Einstein mais les autres doivent attendre 1'.

Sur le cadre-compteur temps, la naissance du Christ est indiquée par le 25/12/0000!!!

C'est ensuite au tour de Marty de faire un bond dans un passé récent, en 1955, précisément à l'époque où ses parents se sont rencontrés. Mais au moment où la DeLorean quitte 1985, Marty voit Doc Brown se faire abattre par des truands. Arrivé en 1955, Marty se rend immédiatement chez Doc Brown, 30 ans plus jeune, qu'il parvient à convaincre de la réalité du voyage dans le temps, mais à qui il n'ose pas révéler le destin tragique. Il se résoudra à tout raconter dans une lettre qu'il laissera à Doc, mais que celui-ci ne doit lire qu'en 1985. "Ce sera dur d'attendre 30 ans pour parler avec toi de ce qui est arrivé - mais ils n'en ont pas parlé dans le futur, et pour cause", s'exclame Marty. Doc ne veut pas qu'ils parlent du futur.

Marty a modifié le présent dans le passé au point que son propre futur est modifié. Par ailleurs, Marty est hébergé par ses... grands-parents, qui ignorent bien sûr qu'il s'agit de leur petit-fils avant la lettre. Marty fait la connaissance de sa mère adolescente. Le hic, c'est que la mère putative de Marty tombe amoureuse de Marty, qu'elle appelle Pierre Cardin - est-ce une habile façon de flatter le public francophone -, parce qu'il porte un pull du grand couturier qui porte son nom - Pierre Cardin n'est encore qu'un illustre inconnu à cette époque.

Nous voici au bal au cours duquel les futurs parents de Marty vont flirter pour la première fois. Un musicien ne se sent pas bien, le bal va devoir s'interrompre, ce qui serait dramatique puisque cela hypothèquerait le flirt des parents de Marty. C'est compter sans le talent de musicien de Marty qui monte sur scène et joue de la guitare pour que le bal se poursuive. Un moment d'hésitation de Georges, le père, à inviter sa belle, et Marty de commencer à disparaître, oscillant entre l'être et le non-être. Situation semblable à celle du Voyageur Imprudent, mais aux conséquences moins dramatiques, puisque le père de Marty se décide enfin à inviter la mère de Marty à danser. A la fin du bal, Marty se laisse aller à jouer une musique d'extraterrestre: du rock'n roll. On vous laisse imaginer l'effet de surprise sur la salle, ponctué par l'immortelle réplique de Marty: "Vous n'aimez pas? C'est pas grave, vous aimerez". Sur le parking, le père de Marty met une mandale dans la tronche de Beef, un vilain qui se moquait sans cesse de lui et qui voulait lui piquer sa fiancée.

Marty retourne en 1985 rassuré sur l'avenir de son passé, mais angoissé à l'idée de ne plus retrouver Doc Brown. Il revient 10' plus tôt qu'au moment de son premier saut dans le temps, dans l'espoir d'empêcher le meurtre de son ami, mais il ne peut changer le cours de l'histoire. Il revoit Doc Brown se faire abattre, et il se voit lui-même quitter 1985 à bord de sa DeLorean. Il s'approche de Doc et, surprise, le voilà qui se relève comme si de rien n'était alors qu'on vient de le cribler de balles. C'est que Doc Brown a gardé la lettre que Marty lui avait donnée en 1955, l'a lue et a ainsi découvert ce qui allait lui arriver. Il a donc revêtu un gilet pare-balles. Entre nous, il cherche la complication, le Doc, il était peut-être plus simple d'aller se balader dans un endroit mieux fréquenté. Or donc, nos amis ont finalement modifié le continuum espace-temps, contrairement à ce que désirait Doc.

Deuxième volet: A bord de sa DeLorean volante, Marty effectue un saut jusqu'au 21/10/2015 en compagnie de sa petite amie Jennifer pour lui prouver que le voyage dans le temps est possible. Incrédule, Jennifer s'endort sur un banc, et c'est là que l'abandonne Marty. Marty se rend alors "chez lui" pour se découvrir lui-même 30 ans plus vieux, marié avec Jennifer et père d'un garçon arrêté pour vol. L'objectif de Marty est bien sûr d'éviter l'emprisonnement de son fils.

Signalons au passage la remarquable "reconstitution" du monde futuriste: chaussures à laçage automatique, serveurs télévisés dans le snack, skateboard-glisseur...

Marty a réussi à tirer son futur rejeton d'embarras. L'histoire est modifiée, le changement, sous les yeux de Marty, du titre du journal qui annonçait l'arrestation de son fils, le prouve. Il est temps alors pour Marty de se soucier de Jennifer: "J'espère qu'on va la trouver avant qu'elle ne se trouve elle-même".

Mais il est trop tard, Jennifer se rencontre elle-même. Relevons une petite erreur: la Jennifer de 2015 ne doit pas être surprise de voir la Jenny de 1985 puisqu'elle sait depuis cette rencontre qu'elle se rencontrera dans le futur. Seule Jenny de 1985 doit tomber des nues en se voyant".

Son fiston sauvé, Marty achète un almanach qui lui permettra de parier et de gagner beaucoup d'argent une fois de retour à son époque, puisqu'il connaîtra les cours de la bourse et l'issue de tous les matchs du championnat de football. Doc Brown est fâché: "Je n'ai pas inventé la machine à voyager dans le temps pour parier mais pour voyager dans le temps".

Marty et Doc Brown retournent au 26/10/1985, MAIS le passé est changé; la ville est sens dessus dessous, comme le temps; la mère de Marty est devenue poivrote et remariée, le père de Marty est mort le 15/03/1973; "la rupture du continuum espace-temps a produit une nouvelle séquence chrono-événementielle: c'est un 1985 parallèle". Comment est-ce possible? C'est Beef, un voyou de 2015 qui s'était fait rosser par le père de Marty en 1955, qui a volé la DoLorean et l'almanach en 2015, et qui se l'est donné dans le passé, en 1955 précisément, avant de revenir en 2015. Il s'est enrichi, il est devenu l'homme le plus puissant des Etats-Unis. Marty peut se mordre les doigts; il comprend l'immoralité d'utiliser l'almanach. Il faut tenter de modifier la modification, mais rien ne sert de retourner dans le futur pour empêcher Beef de voler la DeLorean et l'almanach, car c'est un nouveau futur. Il faut retourner dans le passé, au moment où le présent bifurque, soit le 12/10/1955, jour du coup de tonnerre qui permettait à Marty de retourner en 1985 dans le 1er volet de ses aventures. Marty et Doc Brown doivent laisser Beef vieux donner l'almanach à Beef jeune. Notons que Marty et Doc Brown sont en double exemplaire en 1955, Marty retrouvant son lui du 1er volet, et Doc Brown rejoignant son lui trente ans plus jeune. Doc2 rencontre donc Doc1, ce qui nous vaut ce dialogue surréaliste: "Peut-être qu'on se rencontrera un jour futur", dit Doc1, "Ou un jour passé", rétorque Doc2. Le hic dans tout ça

  • et le scénariste reste cohérent dans son incohérence puisqu'il commet une erreur du même type avec les Jenny -, c'est que ces rencontres n'ont pas eu lieu dans le premier volet: ça paraît bête à dire dans un type de récit où la logique est enfreinte à qui mieux mieux, mais cette situation est impossible, alors qu'elle aurait été plausible si les personnages avaient été en double dès le premier volet, pris dans un déterminisme absolu. Mais bien sûr, cela rendait le récit trop complexe.

"J'ai une vague impression de déjà vu", dit Marty en voyant son père étendre le jeune Beef après le bal. Les deux Marty et Doc2 doivent partir. C'est l'effet de propagation. Le futur est de retour. Doc 2 disparaît dans un coup de tonnerre; Marty1 retourne en 1985 dans la DeLorean. Marty2, encore sous le choc de la disparition de Doc Brown, reçoit alors d'un commis de la Western Union, une lettre qu'elle possède depuis 70 ans. C'est une lettre de Doc qui annonce qu'il est en 1885, là où l'éclair l'a envoyé. Marty doit demander l'aide de Doc1, effaré de voir surgir, alors qu'il croyait l'avoir renvoyé en 1985 dans le même éclair qui a envoyé Doc2 en 1885, "De retour du futur". Doc Brown n'a pas encore mis au point la machine à explorer le temps. Il va falloir mettre les bouchées double.

Troisième volet: D'autant que les nouvelles de 1885 ne sont pas rassurantes. Marty et Doc trouvent un article et une photo de Doc dans une encyclopédie et apprennent que Doc est décédé le 7/09/1885. Doc1, bien vivant celui-là, fait des prouesses et parvient à envoyer Marty en 1885. On apprend au passage que le chien de Doc en 1955, c'est Copernic.

"Tu ne devrais pas avoir ces chaussures futuristes en 1885. Tu ne devrais même pas les avoir aujourd'hui en 1955", lui fait remarquer Doc avant de partir. Et voilà Marty parti pour son "rendez-vous dans le passé avec le Doc du futur". Arrivé en 1885, Marty atterrit dans le désert et est poursuivi par une horde d'indiens. Il réussit à cacher la DeLorean, tombée en panne, dans une grotte. Jamais en panne d'humour et d'à propos, Marty se fait appeler Clint Eastwood. Il rencontre ses ancêtres. Il tient même dans ses mains son arrière-grand-père, le premier Mac Flight d'Amérique.

"J'aimerais n'avoir jamais inventé cette machine infernale. Elle n'a engendré que malheurs et désastres", gémit un jour Doc Brown, aux prises avec la bande de bandits qui l'ont tué, d'après les informations qu'il découvrira, a découvertes avec Marty dans l'encyclopédie en 1955. D'autant que Doc explique à Clara, la jeune institutrice venue s'installer dans la ville et dont il est tombé amoureux, qu'il doit retourner dans le futur. Elle le gifle, elle ne croit pas à son histoire à dormir debout. "L'avenir n'est pas écrit, chacun peut changer le sien", essaie de lui faire comprendre Doc, qui ne veut pas aller tenir compagnie aux vers. Il décide finalement d'affronter son destin. Mais il faut renvoyer Marty en 1985. Or la DeLorean est en panne. Une seule solution: mettre la voiture sur les rails de chemin de fer et profiter du passage du train pour la pousser. Le cheval à vapeur n'a jamais atteint la vitesse de 88 miles à l'heure, mais le scénariste est plein de ressources et les bras de Doc Brown encore assez vigoureux pour remplir la chaudière à un rythme infernal.

On peut dire que le moteur des 3 films consistait à faire tourner le moteur de la DeLorean. Marty et Doc se disent adieu et Marty disparaît vers le futur.

On retrouve Marty le 27/10/1985 à 11h. Il est assis avec Jennifer le long de la voie de chemin de fer, à se remémorer ses aventures avec Doc. Soudain, le clou de la trilogie: Doc surgit du passé dans le train avec Clara et leurs deux enfants, Jules et Verne.

Happy end!

Terminator

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Autre classique du cinéma de science-fiction, le film de James Cameron nous offre un Arnold Schwarzenegger au sommet de sa forme musculaire et avec un visage taillé à la hache.

Los Angeles 2029. Paysage apocalyptique. Les machines dominent le monde et tentent d'éliminer les derniers êtres humains. Mais ceux-ci, avec John Connor à leur tête, sont sur le point d'inverser le rapport de forces.

Los Angeles 1984. Un homme nu surgi du néant dans un quartier désert. En réalité, il s'agit du Terminator, un cyborg envoyé par les ordinateurs de l'an 2029, avec pour mission d'abattre Sarah Connor, la future mère du futur chef de la rébellion humaine qui mènera les hommes à la victoire contre les machines.

Au même instant dans le même quartier apparaît un autre individu nu, un homme cette fois, envoyé par John Connor avec pour mission de contrecarrer la mission du cyborg.

"Pour réussir tout déplacement dans le temps, nous devons être nus. Seuls des organismes vivants peuvent se déplacer. Rien de ce qui est matière ne peut se déplacer", ce qui explique pourquoi les envoyés du futur n'ont pas emporté d'armes sophistiquées de leur époque avec eux.

Kyle, puisqu'il s'agit de lui, est arrêté et pris pour un fou. Le psychiatre qui l'interroge: "Et ce Terminator pense pouvoir arriver à supprimer la mère de son ennemi, le tuant, si je comprends bien, avant même qu'il ne soit conçu. Une sorte d'avortement rétroactif". Il n'aurait servi à rien aux ordinateurs hypersophistiqués de 2029, de faire tuer John Connor par leurs Patrouilles de la mort car il a gagné la guerre. Il faut "effacer toute trace de son existence". Kyle ne peut repartir à son époque car "le futur demeure le futur. Il n'y a plus que lui et moi".

Effectivement, le film consiste en une folle course-poursuite à travers Los Angeles entre Schwarzie-Terminator et Kyle et Sarah. Dans un moment de répit, Kyle a le temps de réciter à Sarah le poême que son chef John lui a fait apprendre: "Merci Sarah pour ton courage pendant ces dures années. Je ne peux t'aider ni te défendre comme je le souhaiterais, mais sache que le futur dépend de toi, que tu dois triompher de toutes les épreuves. Il faut que tu survives pour que je puisse naître". Après cette belle déclaration, Sarah tombe dans les bras de Kyle pour nous offrir un des plus beaux rejetons de paradoxes temporels qu'évoque cet essai: Sarah et Kyle font l'amour, Sarah aura donc été ensemencée par un père qui est plus jeune que son fils, ou du moins de la même génération que lui. Kyle mourra, le Terminator sera détruit. Sarah survit et enregistre un message pour son fils, dans lequel elle lui révèle qui est son père, afin qu'il l'envoie bien dans le passé le moment venu, s'il veut exister. Sarah joint une photo d'elle-même que John devra donner à Kyle. La boucle est bouclée... enfin presque, car il y a une suite! En tous les cas, les ordinateurs ultra-perfectionnés de 2029 ont signé leur propre perte puisqu'en envoyant un Terminator éliminer la future mère de leur futur vainqueur, ils ont provoqué l'envoi par leurs ennemis de celui qui va devenir le chef des rebelles!





Timecop

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Restons avec les gros bras! Ce film nous vaut la présence de Jean-Claude Van Damme dans une aventure au scénario excellent, ce qui a dû le dépayser!

Van Damme et sa femme sont surpris au saut dans le lit par des tueurs. La femme meurt. Vandam, policier du temps, en réchappe. Il attend 10 ans pour retourner dans le passé sauver sa femme. Il a eu le temps de comprendre ce qui s'est passé. C'est un sénateur fou qui a décidé de le tuer, sachant que Vandam contrecarrerait sa conquète de la présidence des Etats-Unis. En retournant dans la passé, Vandam fait d'une pierre deux coups: il sauve sa femme et parvient à éliminer le sénateur, ou plutôt LES sénateurs, celui du passé et celui du présent revenu dans le passé pour empêcher Vandam de le tuer. Cette séquence nous vaut une dispute cocasse entre les sénateurs-clones, tellement assoiffés de pouvoir qu'ils voient en leur double une menace.

Ce récit nous offre une belle illustration des contradictions impliquées par le voyage dans le temps. Normalement, il doit y avoir surimpression temporelle puisqu'il n'y a pas de déterminisme absolu. En effet, Vandam parvenant à changer le passé, donc le présent, il bénéficie de tout son libre-arbitre. Puisque ni le déterminisme absolu ni la surimpression infinie ne sont représentés, le film doit illustrer la situation d'une démultiplication de l'univers. Ainsi, à la fin du film, le héros revient à son époque. Personne, dans son service, ne se souvient de quoi que ce soit. Normal s'il se trouve dans une nouvelle branche d'univers où sa femme n'a jamais été tuée. Mais alors, il doit exister en double dans cet univers puisqu'il y a vécu une vie normale avec sa femme. Ainsi il est normal que Van Damme, qui a gardé son intégrité, soit surpris de voir qu'il a un enfant. Or il a bien fallu que quelqu'un aide sa femme à le concevoir. Dans le pire des cas, elle l'a trompé avec un inconnu. Dans le meilleur des cas, elle l'a trompé avec lui-même. Même l'absence de surprise de sa femme est normale, puisqu'au fond, ça fait dix ans qu'elle sait qu'elle est sauvée. Donc tout se tient, à la nuance près de cette seule question: d'où peut bien venir le héros, puisque, par sa surprise, il montre qu'il n'est pas exactement celui qui a quitté sa femme le matin pour aller la sauver 10 ans plus tôt? Il lui manque 10 ans de souvenirs communs avec sa femme. Avec qui a-t-elle vécu ces 10 ans? Où est-il? Tout peut peut-être s'expliquer si on justifie la présence du voyâgeur par la "création spontanée" après son extraction du temps, ce qui résoudrait aussi le paradoxe du grand-père, de Barjavel, comme si le héros venait d'un autre monde, ce qui correspond à une des deux hypothèses de l'existence de l'univers, de l'être, qui est de la création spontanée extensible, permanente, ou qui est toujours déjà là, comme nous l'avons vu dans le chapitre consacré à l'origine du temps.

L'hypothèse de la démultiplication de l'univers permet aussi de répondre à la question de savoir pourquoi le héros retourne dans le passé sauver sa femme si elle est vivante 10 ans plus tard. Si elle est vivante aujourd'hui, elle ne peut pas avoir été tuée 10 ans plus tôt, sauf dans un autre univers, ce qui prouve que le héros qui revient chez lui ne revient pas à son chez lui initial.

Un mot maintenant sur la disparition des deux sénateurs. Ils se désintègrent au moment où ils se touchent. Mais cette disparition n'est pas crédible, pour autant que ce qualificatif ait un sens en la circonstance; à partir du moment où ils sont dédoublés, ils sont deux personnes distinctes et donc peuvent occuper le même espace-temps, soit se toucher, sans se désintégrer. S'ils se désintégrent, c'est parce que le sénateur voyâgeur est constitué d'énergie négative. Par conséquent, un court-circuit ou une explosion aurait dû survenir dès l'achronissage - pour reprendre un terme d'Heinlein - du sénateur voyâgeur. Mais l'hypothèse reste intéressante - si la logique avait été appliquée dès le début, le film n'aurait pas existé -, elle permet en tout cas au réalisateur de mettre au point un effet spécial du plus bel effet, tout comme celui qui représente le déplacement temporel des personnages.



Timescape

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(Les passagers du futur)

Le scénario du film est probablement inspiré de l'excellente nouvelle du couple Henry Kuttner et Catherine L. Moore "Saison de grand cru". Un groupe de touristes du futur fait escale en mai 1980 dans la campagne américaine pour assister à la chute d'une météorite qui provoquera un incendie. Dans le film, ils viennent assister à un tremblement de terre. Dans les deux cas, ils s'installent dans un vieil hôtel en état de réaménagement. Le propriétaire finira par découvrir la vérité, intrigué par les passeports étranges de ses locataires. Ces passeports indiquent en effet des dates comme 1906... Dans la nouvelle, les touristes vont assister au sacre de Charlemagne à Rome plus de mille ans plus tôt.

"Oui, dit-il. Oui, le passé peut être modifié, mais très difficilement. Et cela change aussi l'avenir, obligatoirement. Les lignes de la probabilité sont regroupées en de nouveaux réseaux. Mais cela est extrèmement compliqué, et n'a jamais été autorisé. Le cours physio-temporel - on pense bien sûr au physio-temps d'Asimov - tend toujours à redevenir normal. C'est pourquoi il est si malaisé d'en provoquer une altération". "C'est une science théorique. Nous ne modifions pas l'histoire, Wilson. Si nous changions notre passé, notre présent serait aussi altéré. Et notre monde temporel nous convient parfaitement. Il y a peut-être chez nous quelques mécontents, mais ils n'ont pas droit au privilège de voyager dans le temps".

Oliver dans la nouvelle, Wilson dans le film font l'amour avec une touriste du futur, mais pour elle, c'est comme s'ils n'existaient pas, comme s'ils n'étaient pas vivants. C'est dans l'issue de l'histoire que le film se démarque de la nouvelle. Si dans celle-ci, le héros est laissé à son sort après le départ des voyageurs du temps, dans le film, Wilson découvre un passeport qui lui permettra de retourner dans le passé récent et de sauver sa fille. Il revient un jour en arrière mais se fait mettre en prison. Il a alors l'idée de s'appeler lui-même à l'hôtel alors qu'il est en compagnie d'une voyageuse, et il se convainc lui-même de venir se secourir. Dans le camion qui le mène chez son beau-père qui garde sa fille, il se chamaille avec lui-même comme le fait le héros de la nouvelle "Moi, moi et moi" de William Tenn. Il revoit alors le chef des touristes qui lui annonce qu'il a annulé les voyages, et qui se demande s'il ne va pas "restabiliser la déstabilisation", soit revenir un jour plus tôt encore et empêcher Wilson d'agir, laisser la catastrophe se produire pour reprendre le cours de l'histoire et éviter que ce programme modofie leur avenir. Mais Wilson lui fait remarquer qu'il ne fera rien, sinon ils ne seraient pas là à en parler calmement, et puis ça vaut peut-être mieux ainsi si le monde de l'avenir est un peu moins parfait, splendide, mais plus aimable. Avant de ramener Wilson au lendemain, le chef dit: "Le temps est une chose indispensable. Il nous permet de fractionner les événements". Mais puisque sa fille est sauvée, dans quelle réalité retourne-t-il? Où le dépose le vaisseau du temps?

Le passeport constitue un mode de déplacement original.

On ne part pas du point de vue des voyageurs du temps, mais de celui qui les rencontre.



Timemaster

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La grande originalité scénaristique du film est de présenter une civilisation extraterrestre qui contrôle le temps et l'espace et qui a inventé un jeu temporel. Ils kidnappent des êtres sur d'autres planètes à différentes époques et les manipulent comme de simples pions à travers les siècles sur un grand échiquier temporel. Leur objectif, à travers assassinats, guerres, cataclysmes, est d'en fin de compte provoquer un cataclysme thermonucléaire qui détruira la terre. On est en 2006. Les êtres venus d'ailleurs enlèvent un homme et une femme qu'ils lancent dans l'arêne, les confrontant à des congénères. S'ils perdent, ils sont vidés de leurs essences vitales qui nourrissent leurs ravisseurs. S'ils gagnent, ils ont la vie éternelle.

Le fils du couple enlevé, aidé par un ravisseur repenti, Isaaïa, l'instructeur japonais de Karaté Kid, va sauver ses parents après un passage au temps du far-west où il conseille à Billy The Kid, droitier, de placer son révolver à gauche pour dégainer plus facilement. Notons qu'une fois franchie la porte temporelle, Jesse flotte au milieu de bulles gigantesques qui contiennent et représentent chacune un événement de l'histoire terrestre, et même de la préhistoire puisqu'il croise un tyrannosaure. C'est le grand mérite de ce film de donner sa réponse à la question: Où se trouvent donc les différents instants du temps passé et futur. Mais comme le fait remarquer son mentor, "voyager d'une faille temporelle à l'autre, c'est voyager dans un labyrinthe. On ne va pas toujours où on veut".

"En modifiant un petit événement, on change tout le sens de l'histoire". C'est pourquoi Isaaïa voudrait lui apprendre à changer l'avenir.

"Quand on quitte le continuum espace-temps, on ne le retrouve jamais tel qu'on l'a connu. Ce qu'on prend pour une seconde de voyage correspond parfois à une longue période, un an, peut-être même deux, assez pour que ceux que l'on abandonne ou que l'on a abandonné aient le temps de changer. Certains d'entre eux n'attendent pas votre retour, si jamais vous revenez bien sûr". C'est la mise en garde d'Isaaïa au flirt qui veut accompagner Jesse en 2006. Bien sûrs, nos héros vaincront les vilains





Les Visiteurs

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Comment répertorier les oeuvres qui exploitent le thème du déplacement dans le temps sans évoquer le succès planétaire que constituent "Les visiteurs"?

Geoffroy de Montmirail et Jacquouille "Okayyyy" la fripouille, son serviteur, vivent au début du 12è siècle en France, et effectuent un saut dans le temps qui les amène à la fin du 20è siècle, alors que le mage qui les envoie dans le temps devait seulement les ramener quelques heures plus tôt, avant le meurtre accidentel du roi par Geoffroy, qui avait confondu son suzerain avec un ours. Les lascars "achronissent" dans la forêt, à proximité du château qui appartient aux descendants de... Jacquouille, ce qui nous vaut une cascade de quiproquos et de situations anachroniques.

Dans "Les couloirs du temps", le deuxième volet des aventures des Visiteurs, les héros retournent au 12è siècle puis reviennent au 20è siècle avec pour mission de ramener la "dent de Sainte-Rolande" qui appartient au roi et que Jacquouille a emportée dans le temps. Le roi est aspiré dans le couloir du temps parce que ses bijoux se trouvent au 20è siècle. Nos héros s'acquittent de leur tâche avant d'échouer à l'époque de Napoléon pour ce qui constitue le troisième volet de leurs aventures.

Schéma: "passé vers présent et retour dans le passé", alors qu'on a le schéma "présent avec voyage dans le passé puis dans l'avenir, puis dans le passé et enfin au présent" pour "Retour vers le futur". Différences de langage, de réactions qu'on ne retrouve pas dans le film américain.

Il a été tiré des aventures de Geoffroy et de Jacquouille un logiciel assez décevant.



En vrac

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"Time Bandits" est une aventure loufoque comme aime à les raconter Terry Gilliam: des nains de sont emparés d'une carte temporelle avec des trous qui appartient à Dieu et que celui-ci veut récupérer à tout prix. Les trous désignent l'emplacement de portes temporelles qui autorisent un voyage instantané dans le temps; le voyageur chute dans le vide une fois franchie la porte.

Le but des nains est de franchir ces portes pour s'emparer des trésors de l'histoire.




L'intrigue de "L'armée des 12 singes", du même cinéaste, est pour le moins complexe. Au 21è siècle, en 2035, c'est-à-dire bientôt, la plus grande partie de la population a succombé à un mal mystérieux. Les survivants, qui vivent sous terre, envoient James Cole, un prisonnier condamné à perpétuité, dans le passé, pour empêcher un groupe d'anarchistes qui se fait appeler L'armée des 12 singes, de répandre un virus très dangereux à travers le monde. Ils envoient d'abord Cole trop loin dans le temps, dans les tranchées de la première guerre mondiale. Une photo l'atteste. Enfin, Cole arrive en 1996. Il est enfermé dans un asile pour ses "délires" de mise en garde de l'humanité, mais il parvient à s'attirer la confiance d'une jeune femme, le docteur Railly, psychiatre, qui lui apporte son soutien. Cole revit régulièrement en rêve la même scène: il court dans un hall d'aéroport et se fait abattre au moment où il va rattrapper le détenteur du virus qui décimera la population du futur, avant qu'il n'embarque dans son avion.

La Planète des singes peut se targuer de posséder une armée beaucoup plus puissante. La série de films bien connus tirée du roman de Pierre Boule raconte l'aventure d'un équipage d'astronautes terriens partis de la terre à la fin du vingtième siècle pour revenir sur une terre plus vieille de ... ans. Contraction relativiste des durées oblige.

Le Cavalier du temps perdu (Time Rider) a pour mérite de présenter un inceste anachronique: le héros couche avec sa grand-mère. Il pourrait donc être son propre grand-père. Ce fait révélé dans la dernière séquence est le seul véritable intérêt d'un film de série h.

C'était demain, l'adaptation de la suite de "La machine à explorer le temps" de Wells est servie par l'excellent acteur Malcolm Mac Dowell, le héros du film Orange Mécanique de Kubrik. Jack l'Eventeur vole la machine de Wells et atterrit dans le New-York des années septante du... vingtième siècle. Wells en personne le poursuit. Le film est très intéressant sur le plan psychologique: il rend bien l'étonnement des voyâgeurs, l'incrédulité des "autochtones temporels".

Dans Freejack, un pilote automobile franchit le mur du temps pour aboutir dans un futur pas très lointain dont le seul vrai intérêt est de nous montrer un Mick Jagger par ailleurs irritant aux commandes de son tank.

Les Langoliers, long téléfilm tiré d'un roman de Stephen King, nous raconte l'aventure des passagers d'un avion de ligne pris dans une perturbation atmosphérique qui se révèle être à l'origine d'une perturbation temporelle. Les rescapés se retrouvent dans un monde qui a un quart d'heure de retard sur le leur - le Monstre de Klein rôderait-il dans les parages? Sa particularité: il est dévoré par des créatures fantastiques, les Langoliers, une sorte d'éboueurs du temps. Les robinsons du temps rattrapperont leur époque en repassant dans une perturbation atmosphérico-spatio-temporelle, ce qui nous vaut un très intéressant final dans lequel les héros reviennent 15' à l'avance sur leur réalité et se matérialisent dans la salle d'attente de l'aéroport sous les yeux médusés d'une petite fille. Le récit est l'occasion d'un huis-clos révélateur des faiblesses et des grandeurs de chacun dans une situation absurde. Il présente pour nous le plus grand intérêt encore d'offrir une belle illustration de la persistance de notre passé et de la préexistence de notre futur. Mais ce sont des univers qui ne contiennent que de la matière inerte; toute forme de vie n'existe qu'au présent.

Dans Millenium, un paradoxe temporel provoque un tremblement de temps. Les terriens du futur font des incursions dans le passé et enlèvent des personnes qu'ils utilisent pour se perpétuer car eux-mêmes ne peuvent plus procréer; ce sont tout de même des raisons plus louables que celles des extraterrestres de Timemaster. Mais au cours d'une mission, une des voyâgeuses perd son arme. Il s'agit d'aller la récupérer. C'est l'occasion pour la chef de mission de tomber amoureuse de l'enquèteur qui essaie de déterminer les causes d'un crash aérien.

Mais la situation s'aggrave. Le docteur Meyer, seul rescapé du crash aérien, a trouvé une preuve de l'incursion de voyageurs temporels dans notre présent.

Un tremblement de temps de force infinie se produit dans le futur lorsqu'il se suicide, à cause du paradoxe que crée sa mort six ans trop tôt.

Admirons la profonde pensée philosophique du maître des temps futurs tandis que son univers est en train de disparaître: "Ce n'est pas la fin, ce n'est pas le début de la fin, c'est la fin du début".

Un jour sans fin offre une approche et une illustration très intéressantes du déterminisme et de la surimpression infinie. En réalité, ce scénario contredit la théorie du voyâge. Ou bien il illustre une situation de déterminisme absolu, et l'histoire ne tourne pas en boucle. Ou bien il illustre la situation de la surimpression infinie, et, à chaque répétition de la situation, doit s'ajouter un double, un clone de l'émule de Sisyphe. C'est ce qui apparaîtra clairement dans le chapitre consacré à la résolution des paradoxes.

La nouvelle d'Howard Fast Du temps et des chats, exploite le même thème.

Dans Les Voyageurs du temps, le héros va au temps de Moïse, rencontre les frères Wright et empêche le vol de "La Joconde" sur le Titanic avant de revenir à son époque, un futur proche de notre point de vue.

Time Runner est une réalisation médiocre dont le seul intérêt réside dans le fait que le héros assiste à sa propre naissance.

Philadelphia experiment envoie un soldat américain de la seconde guerre mondiale dans les années 80 du 20è siècle.









SERIES

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Au coeur du temps

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Au coeur du temps, adaptation française de Time Tunnel, est une série des années 70 qui exploite avec brio le thème du voyage dans le temps. On y découvre le "laboratoire top-secret du projet Tic Toc, un gigantesque complexe souterrain enfoui sous le désert de l'Arizona, où est construit le chronogyre, " impressionnant tunnel fait de cercles concentriques alternativement noir et blanc, donnant l'impression de s'étendre à l'infini".

Le Chronogyre est une machine à voyager dans le temps expérimentale. Elle n'est pas parfaitement au point. Or le gouvernement a décidé d'interrompre les subventions qui permettraient aux chercheurs de la rendre opérationnelle. Dépité, l'un d'eux plonge dans le chronogyre, bientôt suivi par son ami, pour prouver au représentant du gouvernement qu'un être humain peut survivre à un tel voyage. Mais ils se perdent dans le temps. Leurs collègues vont s'efforcer de les repérer et de les ramener, mais la machine n'étant pas au point, ils les font sauter d'une époque à l'autre du passé ou du futur, "égarés à travers le labyrinthe des époques passées et futures", comme le rappelle le commentateur au début de chaque épisode.

Dans l'épisode "La fin du monde", les héros aboutissent en 1910 en Angleterre, au moment de l'apparition dans le ciel de la comète de Halley. La population terrifiée croit en la fin du monde à la suite d'une collision avec la terre. Soulignons au passage les trésors d'ingéniosité que doivent déployer les héros pour convaincre leurs interlocuteurs qu'ils sont des voyageurs du temps ou qu'il existe un moyen d'éviter les catastrophes (Titanic, Halley...). En 1968, les collègues de nos héros visualisent la comète et soudain...: "C'est curieux, j'obtiens une réaction étrange sur les cadrans. Regardez, les aiguilles vont dans n'importe quel sens."

"Que se passe-t-il?"

"Certainement une force extérieure non identifiée qui exerce une sorte de poussée magnétique."

"C'est la comète, nous l'avons attirée ici, elle vient directement sur nous".

"Allons, reprenez votre sang-froid, Jerry, ce ne sont que des images, il n'y a pas de raison de vous inquiéter".

"Mais vous avez parlé de l'attraction opposée des masses".

"C'est en 1910!"

"Mais le chronogyre nous relie à cette époque. Est-ce que vous me comprenez?"...

"Il est impossible que ce qui est arrivé en 1910 puisse nous atteindre aujourd'hui"

"Jerry a raison. Le Chronogyre nous relie directement à la comète. Nous sommes dans le même segment de temps, vous ne voyez donc pas le quotient du temps actuel?"

"Segment, quotient, on ne peut rien prouver avec des mots ou des équations. Je vous parle au sens commun de la définition du temps".

"Sens commun de la définition? A mon sens, personne n'a encore pu définir le temps".

"Jerry, coupez le courant!".

Bien sûr la catastrophe sera évitée de justesse. Cet épisode a le mérite de mettre en évidence l'incrédulité qui peut persister chez un homme intelligent, en l'occurence le général, malgré l'évidence des faits. Il accepte le fait que l'on atteigne une autre époque, mais pas l'idée que cette époque ait une influence sur la date de départ.

Dans l'épisode Pearl Harbor, Tony se rencontre lui-même à l'âge de 12 ans. Les deux versions de Tony sont en danger.

"-A quoi pensez-vous, Général?

  • Au petit Tony. Il doit dormir cette nuit chez Louise Miller.

  • Oui, je sais bien, mais c'est notre Tony à nous qu'il faut sauver.

  • Oh non, c'est impossible. Oh, c'est atroce.

  • Quoi... quoi? Vous voulez dire que si le petit Tony est tué, alors notre Tony à nous va cesser d'exister?

  • Théoriquement oui!

  • Il y a une chose certaine, c'est que le petit Tony doit en réchapper puisque Tony a vécu jusqu'à maintenant.

  • C'est logique, mais où est la logique, au fond, nous ne savons pas grand'chose sur la question.

  • Enfin, il y a une possibilité pour que notre Tony mourant en 1941, le petit Tony puisse cesser d'exister au même moment. Il faut essayer de les sauver tous les deux.

  • Leurs vies sont entrelacées, améliorons la synchronisation espace-temps.

  • Il va être trop tard...

  • Les japonais vont attaquer dans moins d'une demi-heure. Nous n'allons pas rester là sans intervenir.

  • Jerry, il s'agit du passé!

  • Dans un instant, ils vont tous être tués.

  • Ca se passe en 1941, Jerry.

  • Mais ce n'est pas seulement une photo, c'est bien l'événement tel qu'il se produit, n'est-ce pas?

  • C'est exact, nous jetons un regard en arrière, dans ce qui s'est passé.

  • Eh bien, essayons de modifier le cours des événements.

  • Jerry, un jour, vous comprendrez que tous les hommes sont forcés de vivre avec leur passé et ne peuvent rien y changer.

Jerry importe alors de 1941, dans le chronogyre, la bombe qui doit exploser, croit la désamorcer et la renvoie en 1941, espérant sauver Doug et Tony. Mais bien sûr, elle explose.

Dans "La dernière patrouille, on apprend que les techniciens du chronogyre ne peuvent mettre le chronostat sur Dany et Doug qu'à la condition qu'ils soient avec des personnes qu'ils peuvent fixer dans le temps. Une tentative de transfert avant d'établir les repères peut les tuer. Et un transfert individuel est impossible car tous deux font partie du même thème chronostatique. Etant donné que les calculateurs électroniques ne leur ont rien donné sur le régiment qui combat en 1812, ils doivent faire appel à la mémoire d'un général dont un ancêtre, en l'occurence le "boucher", a commandé les opérations ce jour-là. Le descendant décide de se faire envoyer dans le passé. Il révèle la vérité à son ancêtre qui s'obstine à agir comme l'histoire le retiendra. Le descendant finit par mourir, souhaitant qu'on réécrive l'histoire pour disculper son ancêtre, qui avait envoyé ses hommes à la mort à cause d'une mauvaise information.

Comme dans "La fin de l'éternité", il y a manipulation du réel à partir de l'écran du chronogyre ou par immersion dans le passé ou le futur.

Dans le deuxième épisode, un lieutenant se voit 10 ans plus tard dans la navette qui doit rallier Mars. Son comportement est méprisable. Le fait de savoir comment il allait réagir ne l'a pas empêché de se comporter de façon inhumaine. Ce qui tendrait à montrer que les scénaristes ont choisi l'option du déterminisme absolu.

Relevons, dans la série, la même erreur que chez Vernes et tant d'autres auteurs, qui consiste à présenter les "années-lumières" comme une durée alors qu'il s'agit d'une distance.

Comme dans un épisode des aventures de Bob Morane et comme dans les Visiteurs, on retrouve l'enchanteur Merlin qui semble être le seul personnage du passé, du moins de notre passé, à pouvoir voyager dans le temps.

Doug et Tony ne changent jamais le cours de l'histoire car tout est déjà écrit. Une originalité de la série consiste à insérer des séquences de films classiques pour illustrer les différentes époques visitées par nos héros. Mais à court de faits historiques, les scénaristes vont introduire des extraterrestres dans les derniers épisodes.



Code quantum

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Donald P. Bellisario, le créateur de Code Quantum, s'est inspiré de la série Time tunnel.

Code quantum est une série du début des années nonante.

La série présente deux façons de voyager dans le temps: matérielle et incontrôlée pour le professeur Sam Beckett et hologrammique et contrôlée pour Al, son ange gardien. Le texte de présentation de chaque épisode résume bien la situation:

"Postulant qu'on pouvait explorer le temps dans les limites de sa propre existence, le docteur Sam Beckett s'installa dans le désert avec une équipe de savants d'élite pour travailler sur un projet top secret baptisé Quantum leap. Pressé de fournir des preuves tangibles de ses théories sous peine d'en voir le financement supprimé, Sam entra prématurément dans le prototype encore expérimental de son accélérateur temporel... et disparut. Il se réveilla dans le passé, souffrant d'amnésie partielle, face à un reflet dans le miroir qui n'était pas le sien. Heureusement, il restait en contact mental avec son époque par l'intermédiaire d'Al, l'Observateur du programme, sous forme d'un hologramme que seul Sam pouvait voir et entendre. Depuis, il saute d'une identité à l'autre, réparant les erreurs du passé et espérant à chaque fois que le prochain saut sera celui qui le ramènera chez lui". Contrairement à ce qui se passe dans Time Tunnel, Sam modifie le cours du temps puisqu'il a pour mission de corriger les erreurs des personnages dont il prend l'identité. Al pense que Dieu a pris le contrôle du programme Quantum dans ce but. Ce qui explique pourquoi, contrairement au principe de Time Tunnel, Sam n'intervient quasiment jamais dans un événement historique. Les modifications apportées par Sam sont sans conséquences - ce qu'approuverait Anderson mais que réfuterait Bradbury! Une seule fois, Sam se glisse dans la peau d'un personnage historique, en l'occurence Lee Harvey Oswald, le meurtrier présumé de John Fitzgerald Kennedy. Mais il ne parviendra pas à empêcher le meurtre du président américain, pas plus qu'il ne réussira à sauver son propre frère tué au Vietnam.

Dans Permis de non retour, soit le pilote de la série, Al rappelle à Sam l'image de la ficelle. Cette ficelle représente la vie de Sam, avec sa naissance à un bout et sa mort à l'autre bout. On noue les deux bouts pour former une boucle, une boucle du temps bien sûr. Puis on mélange le tout, on obtient un enchevêtrement de dates représentant la succession des époques sans ordre chronologique. C'est ce qui explique, ou plutôt ce qui permet de se représenter la situation de Sam qui avance et recule dans le passé au gré des caprices d'un Dieu...

On pourrait objecter qu'il ne s'agit manifestement pas ici d'un voyage à volonté dans le passé et le futur, mais on peut considèrer que cet objectif sera atteint tôt ou tard par ce héros aux six doctorats.

Dans Amours croisées, Sam veut enfreindre la règle n°1, qu'il a lui-même édictée, du programme Quantum: le voyageur du temps ne devra tirer aucun avantage de sa position pour améliorer ou détériorer sa vie. Le désir de (re)conquérir plus tôt dans le temps, le coeur de celle qu'il aurait dû épouser quinze ans plus tard, lui fait vite oublier ce principe, et nous rend le personnage sympathique.

Future Boy est un magnifique épisode car il fonctionne selon le principe du second degré. Il raconte l'histoire touchante de Captain Galaxy, héros d'une série télévisée des années 50 et de son partenaire Kenny Sharp, en qui s'incarne Sam, dans leur "temponomètre". Subtilité du scénario qui joue sur la fiction dans la fiction. Importants passages où Future Boy, Sam, annonce des événements futurs: anachronismes. Le clou de l'épisode est l'explication par Captain Galaxy de sa théorie du voyage dans le temps pour répondre à la lettre d'un jeune admirateur: le petit Sam Beckett d'Elk Ridge. Future Boy est un des meilleurs récits de voyage dans le temps, tous genres confondus, tant le scénario allie émotion, rigueur logique et humour. L'épisode vaudrait même la peine d'être vu rien que par les tenues délirantes des héros.



Star Trek

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Star Trek est une série culte des années 70 et 80. Contretemps est considéré comme le meilleur épisode de la première époque de la série.

Le vaisseau Enterprise du commandant Kirk subit une "sorte de décalage dans le temps". Le vaisseau est secoué, le docteur Mac Coy s'injecte par inadvertance un produit qui le fait délirer et le rend paranoïaque. Il se téléporte alors en plein centre des perturbations chronologiques. Kirk, Spock et quatre membres de l'équipage le poursuivent sur une planète où ils découvrent une sorte d'arche à la source des perturbations. Evoquant le cercle, cette entité dit d'elle-même: "Je suis mon commencement et je suis ma fin. Je suis le gardien de l'éternité". Depuis tout temps, l'arche, ni machine ni être vivant, attendait qu'on lui pose une question. Spock comprend qu'il s'agit du temps en personne, une porte ouverte sur d'autres temps et d'autres dimensions. Et effectivement, l'équipage peut voir sur une sorte d'écran invisible l'arche faire des retours dans le temps par vagues successives. Elle montre à Kirk et ses hommes des images de millions de millénaires en arrière, et leur ouvre une porte sur leur propre passé, s'ils désirent le connaître. C'est l'instant que choisit Mac Coy pour traverser la porte. Le Commandant Kirk voudrait alors revenir un jour avant la piqûre accidentelle du docteur, mais le temps défile trop vite pour arriver à un moment aussi précis. L'arche ne peut rien changer à cette vitesse car elle a été "conçue" (???) ainsi. "C'est un fait accompli, voilà tout", dit Kirk avec philosophie en parlant de la piqûre de Mac Coy. Mais le problème, c'est que "Mac Coy est dans ce qui a été" et qu'il a modifié le futur en intervenant dans le passé, laissant ses compagnons perdus dans l'univers. "Votre vaisseau, l'endroit d'où vous venez et ce que vous avez connu, tout cela est effacé". En effet, Kirk n'arrive plus à contacter son vaisseau alors que la radio est en parfait état de marche, tout simplement parce que le vaisseau n'existe plus dans ce nouveau présent. "Tout s'arrête aujourd'hui. Il n'y a ni passé ni futur. Pour vous, le temps n'existe plus", dit l'arche. Une seule solution pour Kirk et Spock, traverser le miroir du temps. Ils atterrissent à une "époque de barbarie de l'histoire de l'Amérique". S'ils réussissent à empêcher Mac Coy d'intervenir dans l'histoire, ce sera comme si rien ne s'était passé.




L'époque de barbarie où ils arrivent, c'est l'année 1929. D'où ils viennent? "Coefficient espace-temps indéterminé", note Kirk dans son journal de bord. Après avoir volé des vêtements qui les rendent moins excentriques, Spock et Kirk sont accueillis par la responsable d'une pension pour sans-abri qui leur donne un peu de travail. L'ironie veut qu'elle ait une fine intuition et prédise la conquète de l'espace par les hommes; elle va même jusqu'à dire à Kirk et Spock qu'ils sont "anachroniques". Tandis que Spock met au point un intercepteur de mémoire, Kirk flirte avec Ellen Killer et en tombe amoureux. Mais Spock découvre qu'Ellen est le point de jonction chronologique avec le docteur Mac Coy. Il comprend aussi que Mac Coy sauvera Ellen Killer de la mort, car elle rencontrera le président des Etats-Unis 6 ans plus tard, et le convaincra de ne pas faire intervenir les USA dans une seconde guerre mondiale qu'Hitler remportera. En fait, Killer était à la tête d'un mouvement pacifiste qui a convaincu le président de ne pas intervenir dans le conflit et c'est ce qu'a permis Mac Coy en empêchant Killer d'être renversée par une voiture. C'est donc avec le plus grand désespoir que le Commandant Kirk empêchera le docteur de sauver Ellen, afin de rétablir le cours normal de l'histoire. Aussitôt Kirk, Spock et Mac Coy retournent à leur époque. "Vous n'avez pas été absents longtemps", dit l'équipage. L'excellent scénario est dû à l'écrivain Harlan Ellisson.



Star Trek: The Next Generation (La nouvelle génération), se conclut par deux épisodes (177-178) "Toutes les bonnes choses ont une fin", qui font la fierté de leurs scénaristes.

Picard, le nouveau commandant de l'Enterprise, est confronté à lui-même et doit voyager dans le présent, le passé et le futur pour empêcher la destruction de l'univers.

Une des nombreuses histoires où, au cours d'un même épisode, le personnage investit passé, présent et futur. Mais cette histoire-ci est plus originale que les autres. Cet épisode contient, selon l'expression de L.M. Krauss dans "La physique de Star Trek", la "mère de tous les paradoxes": au même endroit, à différentes époques, l'"Enterprise" explose, ce qui provoque une réaction en chaîne dans le temps qui détruit la vie sur terre. En effet, le commandant Picard déclenche une réaction en chaîne d'événements qui se propagera à rebours dans le temps et détruira non seulement ses propres ancêtres, mais toute vie sur terre. C'est "l'exemple ultime d'un effet produisant une cause". Admirons le clin d'oeil de Krauss à la version américaine, dûe à Thorne, collègue de Krauss, du paradoxe du grand-père de Barjavel, le paradoxe du "matricide": dans "All good things", ce n'est pas la destruction de la mère qui crée le paradoxe, c'est la "mère des paradoxes" qui provoque la destruction de l'univers.

Nous avons ici un nouvel exemple des immenses possibilités qu'offre le thème du déplacement dans le temps.

Signalons que la série télévisée a donné naissance à une série de longs métrages dont deux, Retour sur terre et Premier contact, exploitent le thème du déplacement dans le temps de l'Enterprise et de son équipage.



Docteur Who

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Voici comment les frères Bogdanoff présentent les romans tirés de la série: " Un milliard d'admirateurs à travers le monde! Seigneur du temps, héros de l'éternité, le Docteur Who connaît aujourd'hui une fantastique popularité. Le succès inégalé de la série télévisée qui lui a donné naissance, la fascination qu'il exerce sur un immense public à travers plus de cent pays contribuent à faire de ce personnage un véritable mythe...".

Je n'ai malheureusement pas eu la chance de voir cette série, dont les cassettes vidéo ne sont pas disponibles. J'ai dû me contenter de regarder un numéro exceptionnel de l'excellente émission Destinations séries, qui s'est également intéressée à Time Tunnel et à Code Quantum. Et cela m'a suffi pour tomber sous le charme de Docteur Who. Une atmosphère étrange et une musique fascinante nous entraînent dans un monde féérique. Docteur Who est la série la plus longue de l'histoire de la télévision; sa diffusion, entamée en 1963, s'étend sur 26 ans. Le coup de force des scénaristes, outre un festival d'imagination, est d'avoir fait incarner le Docteur par sept acteurs différents tout au long de la série. Lorsqu'un acteur en avait assez de jouer ce personnage, le Docteur subissait un changement de personnalité, ce qui ajoutait à son mystère. Et l'enveloppe extérieure du Docteur rajeunissait au fil de ses réincarnations - il s'est produit 7 incarnations sur 12 possibles. Who n'est pas le nom du Docteur, mais le sobriquet qui lui est resté à force de s'être entendu demander "Docteur who?".

Le Docteur, vieillard excentrique âgé de plus de 750 ans, et sa petite-fille ne sont pas des êtres humains, mais font partie de la race des Timelords, les Seigneurs du Temps originaires de la planète Gallifrey et créateurs de la machine à voyager dans le temps et dans l'espace. Ils se déplacent à bord du TARDIS, nom formé par la petite-fille du Docteur avec les initiales de Time And Relative Dimensions In Space. La machine présente la particularité d'être plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur. C'est qu'elle a un aspect habituel à l'extérieur pour les terriens, c'est une cabine téléphonique, et que son intérieur, la cabine d'un vaisseau sophistiqué, existe dans une autre dimension, sur un autre plan de la réalité. Mais la machine a des ratés.

Au départ, Docteur Who devait être une série historique destinée aux enfants. C'est ainsi qu'on voit le Docteur, voyageant à bord du Tardis, au temps des Croisés, des Aztèques... Mais la série prendra une toute autre ampleur avec l'apparition des DALEKS, des robots en forme de poivrier venus d'une autre galaxie. Alors que Docteur Who, malgré son humeur bougonne, fait toujours le bien, les Daleks sont tout-à-fait mauvais. La série verra défiler d'autres monstres et se régalera de situations irréelles. Profondément imprégnée de l'esprit britannique, Docteur Who est probablement la série la plus anti-conventionnelle qu'on puisse imaginer.



Superman

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Dans l'épisode Retour vers le passé - qui fait sans doute référence au film Retour vers le futur - le scénario est d'ailleurs aussi bien construit - de Loïs et Clark, H.G. Wells en personne vient du futur, du 22è siècle, en compagnie du dénommé Tempus. Ils se matérialisent au 20è siècle à la recherche de carburant, de l'or, pour pouvoir repartir dans le temps. Mais tandis que Wells révèle à Superman qu'il fondera Utopia, société parfaite d'où ils viennent, Tempus dévalise une armurerie. Tempus oblige alors Wells à retourner à Smallville en 1966, ville où Superman bébé fut découvert dans une soucoupe. Mais Wells, qui avant de partir à laissé à Superman le plan de la machine, emmène son félon compagnon en 1866, invoquant une défectuosité de la machine. Une fois leur machine construite, Loïs et Clark se rendent en 1966. Pendant ce temps, Tempus dévalise la banque en 1866, après avoir ridiculisé Jesse James dans le saloon. Or en 1966, à leur arrivée, Loïs et Clark assistent à la commémoration de cette attaque, alors qu'elle n'a jamais été commémorée jusque là ou plutôt après cette époque, dans la réalité de Loïs et Clark. Loïs et Clark comprennent que Tempus a modifié le cours du temps et filent en 1866. Tempus révèle à Loïs son destin avec Superman. La belle se vexe et en veut à Clark de ne lui avoir rien dit. Une réplique en or de Clark à Loïs: "Vous n'avez plus dit un mot depuis 1966. Tempus et Wells se rendent en 1966, Tempus convaincu par Loïs qu'elle s'était accrochée à leur machine, et pensant l'abandonner sans ressources en 1866. Aussitôt Loïs et Clark vont en 1966. Clark revoit ses parents adoptifs avant qu'ils ne le découvrent dans sa soucoupe, et il part à la recherche de lui-même bébé. Mais voilà qu'il commence à disparaître (comme dans Retour vers le futur). C'est que Tempus a trouvé bébé Superman et s'apprête à le faire disparaître. C'est Loïs qui va devoir entrer dans la bagarre avant que Clark, ayant retrouvé de la vitalité, ne se transforme en Superman sous les yeux émerveillés de sa chérie qui tient le bébé dans ses bras, pour aller le mettre en vue des futurs parents adoptifs, les Kent. Wells repart avec son prisonnier Tempus qu'il va faire enfermer dans un asile. Ensuite, il ramène Loïs et Clark au début de l'histoire avant qu'ils ne le rencontrent, afin qu'ils ne se souviennent de rien.



Timecop

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Quatrième dimension

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(Twilight zone)



La série contient de nombreux épisodes qui exploitent le thème du déplacement dans le temps, mais deux d'entre eux sont plus particulièrement remarquables.

Au bord du gouffre est une magnifique petite histoire, sobre, qui montre le passage, au-delà d'une dune dans le désert, d'un cow-boy de 1847 à 1961. Incompréhension du héros et de ses hôtes; il découvre la biographie de son fils dans un dictionnaire; il ramène des cachets de pénicilline, qui n'existe pas encore à son époque, qui sauveront son fils d'une mort par pneumonie. C'est donc l'intervention d'un fait du futur dans le passé qui justifie le cours des événements: le nom du fils dans le dictionnaire. La logique semble respectée.

Dans Ballade pour le passé, un homme d'une grosse trentaine d'années retourne dans le village qu'il a quitté depuis 20 ans. Il s'y rencontre lui-même à l'âge de 12 ans. Il se fait tomber et blesser à la jambe. Il gardera un boitillement. Or il ne boitait pas en arrivant dans le village. Il y a donc modification du présent par le passé, situation inverse de l'aventure précédente. Logiquement, le personnage devrait revenir éternellement 20 ans en arrière, puisqu'il y a plusieurs fois lui-même. Mais peut-être ces retours incessants sont-ils court-circuités par la jambe cassée. Le moi de 12 ans n'aura pas le même destin que le moi de 32 ans. Mais alors, qui est le moi de 32 ans?



Les Mystères de l'ouest

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La nuit du temps

C'est par un tour de magie - au 1er et au 2d degré -, ce qui est peut-être la plus belle façon de voyager dans le temps, que Gordon se fait projeter dans une dimension différente. Pas de chichi. Instantanéité du voyâge! Par ailleurs, la voix de Gordon audible par West à son époque montre la simultanéité de l'époque dans laquelle a été projeté Gordon et celle dans laquelle évolue James West, ce que confirmera une démonstration de la troisième section de cet essai. Cette situation est aussi l'occasion de relever une confusion entre la 4è Dimension conçue comme temps et la 4è Dimension conçue comme univers parallèle.

C'est l'occasion de découvrir une tranche du passé des deux héros; West est alors lieutenant du général Grant.

Gordon ne connaissait pas encore James. Ils s'affrontent même en duel.

James West et Artémus Gordon s'enferment dans une pièce et sont enveloppés dans un brouillard qui les fait reculer de ... en arrière.

Notons que Jim et Artemus n'investissent qu'une époque précise et ne semblent pas maîtres du choix de l'époque.

Prisonnier: Musique douce (inédit): peut-on considérer cette histoire comme un voyage dans le temps?

La célèbre série Chapeau melon et bottes de cuir contient un épisode, Remontons le temps, dans lequel le saut dans le temps se révèle être une imposture.



Time Trax voit un policier du futur poursuivre à notre époque les criminels envoyés par un savant fou.

Le voyageur des siècles

Voyages au bout du temps (Voyagers)

Bouquin sur les séries ("Car rien n'a d'importance" Ed.)

Le science-fictionnaire



Emissions

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Dans Les GUIGNOLS de l'Info sur Canal+, la marionnette de Chirac construit une machine à voyager dans le temps en se basant sur un manuscrit. Il retourne d'abord trop loin dans le passé et se retrouve dans le fauteuil présidentiel en train de faire une allocution télévisée à la place de Valéry Giscard d'Estaing. Puis il se retrouve en 2004 sur le siège de Lionel Jospin; enfin il aboutit dans une caverne au temps des dinosaures. La machine demande d'indiquer la "date de la connerie" à corriger. Poilant.

Un épisode de Téléchat dans lequel une cafetière est expédiée en 1786 au château de Versailles.



Chapitre 4: logiciels

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Blake et Mortimer: Le piège diabolique

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Un maître aborde ce sujet délicat. Nous avons volontairement omis de traiter LE PIEGE DIABOLIQUE, la célèbre aventure de Blake et Mortimer, dans le chapitre consacré à la bande dessinée, car il en a été tiré un logiciel remarquable ainsi qu'un dessin animé paru en vidéo qui permettent de faire le lien entre bande dessinée, films et logiciels. Il est d'ailleurs significatif que ce soit le voyage dans le temps de Mortimer qui ait été exploité de manière aussi large par le service marketing des ayant-droit de l'oeuvre de Jacob.

Un voyage dans le temps en trois étapes classiques: préhistoire, Moye-Age, futur, avec un détour par le passé récent.

Le professeur Miloch, leur vieil ennemi que Blake et Mortimer croyaient mort à l'issue de l'aventure SOS Météores, attire Mortimer dans la cave d'une forteresse française. La voix enregistrée sur bande magnétique du savant démoniaque convainc Mortimer de revêtir une combinaison spéciale et de s'installer dans le CHRONOSCAPHE, une sphère entourée de deux anneaux perpendiculaires - peut-être la plus belle des machines à voyâger - qui va entraîner Mortimer à travers les âges. Jacob illustre avec beaucoup de détails le déplacement dans le temps. Succession des couleurs du spectre, évanouissement physique et matériel de Mortimer, "tourbillon de sons inconnus et d'éclairs hallucinants...". Mortimer reprend ses esprits au Crétacé et échappe de peu aux Elasmosaure, Platéosaure, Tyrannosaure et autres Ptéranodons. Il fuit ce monde hostile en bondissant dans l'avenir pour se retrouver au 14è siècle en pleine Jacquerie, cette révolte des serfs contre les nobles. Il fuit ce monde hostile avec l'espoir de réintégrer son "présent", mais il dépasse le 20è siècle, se croisant au passage lui-même sous forme de spectre - mais pourquoi ne s'est-il pas déjà croisé en revenant du crétacé au Moyen-Age? Mortimer achronit au 51è siècle, en 5060, où l'orthographe a changé, quoique l'on ne se trouve pas dans le cas d'un avenir modifié comme chez Bradbury, où les Etats-Unis d'Europe et même d'Afrique ont existé, où les apparitions virutelles sont fréquentes... Mortimer est accueilli par des hommes armés, les Jacques du 51è siècle, qui voient en lui leur libérateur car "Quand viendra l'homme roux, tombera le joug", comme le dit le dicton. Leur chef lui demande s'il vient de Pluton, Mortimer le détrompe: "De bien plus loin encore!... Du XXè SIECLE!!!", mais Mortimer s'allie à leur noble cause et joue le rôle du messie. Sa mission accomplie, il est temps pour notre héros de réintégrer son époque, et son passage au 51è n'aura pas été inutile: ses alliés lui ont fourni une combinaison qui le préserve des vertiges de la plongée dans le temps et lui laisse donc toute sa lucidité. Il comprend alors le principe de la machine: "Il y a sûrement synchronisme entre la marche du temps et les couleurs... On dirait que par leur coloration, PASSE et AVENIR se rapprochent en s'éclaircissant peu à peu jusqu'à se fondre... finalement, en un blanc éclatant... By jove! J'y suis!... cela crève les yeux!... ce blanc!... c'est la couleur du présent!!!...". Mortimer arrête la machine mais se rend compte qu'il est arrivé quelques semaines avant son départ dans le temps. Il aperçoit même Miloch occupé par les préparatifs de sa mise en scène. Miloch parle tout haut et confirme ce que Mortimer avait deviné: passage progressif au blanc du spectrographe, retour à 0 des voyants de lecture et un net ralentissement de la machine signalant le "présent". Mais que signifie "présent"? Et où se trouve la machine de Mortimer. Il ne peut être sorti de la machine sur laquelle est en train de travailler Miloch puisqu'elle n'est pas encore prête à bondir dans le temps, et Miloch ne peut travailler sur le véhicule de Mortimer puisqu'il se trouvait à des centaines d'années de lui. Il faut donc qu'il y ait deux machines. Peu soucieux de cette anomalie, Mortimer finit par réintégrer son temps. La presse fait ses choux gras de l'anomalie de sa disparition.

Le récit est parcouru d'animations en 3D.

Logiciel plus éducatif que ludique.

Le dessin de Jacob a cette particularité d'être à la fois naïf et envoûtant

Notons qu'outre le logiciel, il a été tiré de la bande dessinée de Jacob une cassette vidéo et une représentation du Chronoscaphe en 3D.


Lost in time

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Voici ce que le possesseur du logiciel peut lire dans le petit manuel qui accompagne le programme:

RAPPORT DE MISSION de l'agent MELKIOR

-------- AVRIL 2092 ---------

Ce rapport relate les événements ayant abouti à l'arrestation de Jarlath Equs, responsable du vol d'un échantillon du précieux "Americium 1492". L'homme a caché le matériau radioactif dans le passé, bouleversant dangereusement l'équilibre du continuum. L'affaire relevait typiquement de la compétence de la Police Spatio-Temporelle.

Les disquettes jointes à ce manuel vous permettront de revivre cette mission dans la peau de Doralice Prunelier, personnage sélectionné à son insu par l'ordinateur central de la Police Spatio-Temporelle, pour ses liens historico-temporels avec Jarlath Equs.

Les énigmes sont parfois difficiles à résoudre, mais le jeu est intéressant.



The journeyman's project: buried in time (3 épisodes)

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Un délice pour les amateurs de jeux vidéo. Nous sommes sur terre en 2318. La planète fut visitée dix ans plus tôt par des extraterrestres, les Cyrollans. Ils proposaient aux terriens de participer à la "Symbiose des êtres pacifiques", qui permettront aux différentes races de l'espace de se partager l'univers de manière équitable. Mais le physicien Elliot Sinclair, créateur de Pégase, la machine à voyager dans le temps, a envoyé trois androïdes dans le passé, chacun à une époque différente, pour modifier le cours de l'histoire, et rendre la terre moins attrayante pour les Cyrollans. Heureusement, les Troupes de Sécurité Atemporelles veillent à la bonne marche du destin. L'Agent 5, vous, doit partir dans le passé repérer les anachronismes et les anomalies provoqués par les Androïdes et ainsi corriger les modifications du temps. L'Agent 5 a revêtu une combinaison spatio-temporelle équipée d'une biopuce d'invisibilité qui permet à l'explorateur du temps d'échapper au regard des autochtones temporels, comme c'est le cas pour Saint-Menoux et Bob Morane.



Time commando

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Time commando est considéré comme une réussite exemplaire par les amateurs de jeux vidéo. Le scénariste et programmeur Frederick Raynal a imaginé d'envoyer son héros, Stanley Oper, à travers les âges pour affronter les méchants de toutes les époques. L'aventure démarre dans un futur... où est développé le programme Time Blaster: les ordinateurs sont envoyés dans une dimension parallèle où leur puissance ne connaît plus de limites. Il se trouve bien sûr un vilain pour vouloir exploiter l'ordinateur principal à son profit. Il commet une erreur de programmation et provoque une ouverture dans l'espace-temps qui absorbe tout ce qui passe à sa portée. Le dépanneur Oper, incarné par le joueur, plonge dans la spirale du temps pour se retrouver un million d'années avant notre ère, dans le berceau de l'humanité, les plaines d'Ethiopie.

Il s'agit donc d'un jeu très différent du précédent. Si le raisonnement prévaut dans celui-là, l'habileté est primordiale dans celui-ci.



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